Chapter 3

CONSTITUENT POWER

POUVOIR CONSTITUANT

Kemal Gözler in English


— Draft Translation in Progress —

LE POUVOIR CONSTITUANT ORIGINAIRE EST-IL PERMANENT ?

IS THE ORIGINATING CONSTITUENT POWER PERMANENT?

Dans cette section, nous allons examiner la question de la permanence du pouvoir constituant originaire.  En effet, pour qu’il y ait des limites s’imposant à l’exercice du pouvoir de révision constitutionnelle, il faut tout d’abord résoudre la question de savoir si le pouvoir constituant originaire est permanent, car, selon une thèse, la permanence de ce pouvoir ne permet pas l’existence même d’un pouvoir de révision constitutionnelle.

In this section, we will examine the question of the permanence of the originating constituent power.  Indeed, for there to be limits imposed upon the exercise of the power of constitutional revision, it is first of all necessary to settle the question of whether the originating constituent power is permanent, for, according to one theory, the permanency of this power does not even allow for the existence of a power of constitutional revision.

Dans la doctrine du droit constitutionnel, après avoir établi la distinction entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir de révision constitutionnelle, se pose ensuite généralement une deuxième question:  celle de la permanence du pouvoir constituant originaire[1].  On peut constater que la vraie question qui se pose sous le titre de la permanence du pouvoir constituant originaire est en effet celle de savoir quelles relations s’établissent entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir de révision constitutionnelle du point de vue de leur existence réciproque.  C’est pourquoi, il conviendrait de remplacer le titre de cette section[2] par le titre suivant:  «Les relations entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir de révision constitutionnelle du point de vue de leur existence réciproque».  Cependant nous avons conservé le titre actuel, car il est d’un usage établi.

In constitutional law doctrine, after establishing the distinction between the originating constituent power and the power of constitutional revision, then generally a second question arises:  that of the permanence of the originating constituent power.[1]  It can be noted that the true question which arises under the heading of the permanence of the originating constituent power is, in fact, that of knowing what relations are established between the originating constituent power and the power of constitutional revision from the point of view of their reciprocal existence.  This is why it would be advisable to replace the title of this section[2] by the following title:  “Relations between the originating constituent power and the power of constitutional revision from the point of view of their reciprocal existence”.  Nonetheless, we have kept the current title, as it is in established use.

Voyons donc maintenant les relations entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir de révision constitutionnelle du point de vue de leur existence réciproque.  De ce point de vue on peut envisager quatre types de relation[3].

So, now let us look at the relations between the originating constituent power and the power of constitutional revision from the viewpoint of their reciprocal existence.  From this point of view, four types of relations can be envisaged.[3]

1.  Existence du pouvoir constituant originaire et inexistence du pouvoir de révision constitutionnelle

1.  Existence of the originating constituent power and non-existence of the power of constitutional revision.

2.  Inexistence du pouvoir constituant originaire et existence du pouvoir de révision constitutionnelle

2.  Non-existence of the originating constituent power and existence of the power of constitutional revision.

3. Existence du pouvoir constituant originaire et existence du pouvoir de révision constitutionnelle

3.  Existence of the originating constituent power and existence of the power of constitutional revision

4. Inexistence du pouvoir constituant originaire et inexistence du pouvoir de révision constitutionnelle

4.  Non-existence of the originating constituent power and non-existence of the power of constitutional revision

La dernière combinaison est mathématiquement possible, mais nous l’écartons de notre travail, car dans ce cas, il n’existera plus d’objet à examiner.  Il nous reste alors les trois premières combinaisons.

This latter combination is mathematically possible, but we are excluding it from our work, as in this case, there will no longer exist any object to examine.  We are thus left with the first three combinations.

Maintenant voyons comment se pose le problème en termes juridiques.

Now let us see how the problem presents itself in legal terms.

Dans le chapitre précédent, nous avons vu qu’il y a, d’une part, un pouvoir constituant originaire qui fait la constitution, et d’autre part, un pouvoir de révision constitutionnelle, qui est institué par cette constitution.  Au niveau de l’établissement de la première constitution de l’Etat, il n’y a pas de problème, c’est le pouvoir constituant originaire qui va l’établir, par ailleurs il n’existe pas à ce moment de pouvoir de révision constitutionnelle.  Mais les constitutions ne sont pas parfaites, elles ne sont pas des oeuvres éternelles, elles sont donc toujours révisables[4].  Ainsi au niveau de la révision de la constitution, une question surgit:  à quel pouvoir constituant appartient-il le droit de réviser la constitution?  Car à ce niveau, il y a deux pouvoirs constituants:  pouvoir constituant originaire et pouvoir constituant dérivé (pouvoir de révision constitutionnelle)[5].

In the preceding chapter, we saw that there is, on one hand, an originating constituent power which makes the constitution, and on the other hand, a power of constitutional revision, which is instituted by this constitution.  At the level of the establishment of the first constitution of the State, there is no problem, it is the originating constituent power which will establish it, moreover, at this time, there exists no power of constitutional revision.  But constitutions are not perfect, they are not eternal works, they are therefore always revisable.[4]  Thus at the level of constitutional revision, a question emerges:  to which constituent power does the power to revise the constitution belong?  For at this level, there are two constituent powers:  the originating constituent power and the derived constituent power (the power of constitutional revision).[5]

Il y a théoriquement trois réponses probables à cette question, coïncidant avec les trois premières combinaisons ci-dessus.

There are theoretically three probable answers to this question, coinciding with the first three combinations above.

Première réponse. – C’est le pouvoir constituant originaire qui a établi la constitution qui va la réviser.  A chaque fois que l’on a besoin de réviser la constitution, c’est toujours le même pouvoir constituant souverain qui intervient.  Par conséquent, dans cette réponse il n’y a pas de place pour un pouvoir de révision constitutionnelle.  Cette réponse a été soutenue surtout à l’époque révolutionnaire par Sieyès comme la thèse de la permanence du pouvoir constituant originaire.  Nous préférons utiliser l’expression «permanence exclusive» au lieu de «permanence» tout court.  Car, d’une part, dans la troisième réponse aussi, le pouvoir constituant originaire est permanent, et d’autre part, cette thèse nie l’existence d’un pouvoir de révision constitutionnelle.  C’est pourquoi cette thèse peut être appelée aussi «la thèse de la négation de l’existence du pouvoir de révision constitutionnelle».  Quel que soit l’appellation de cette thèse, notons qu’elle exprime la combinaison de «l’existence du pouvoir constituant originaire et de l’inexistence du pouvoir de révision constitutionnelle».

First answer.  – The originating constituent power which established the constitution will revise it.  Whenever there is a need to revise the constitution, it is always the same sovereign constituent power which intervenes.  Consequently, in this answer there is no place for a power of constitutional revision.  This answer was above all endorsed in the revolutionary era by Sieyès as the theory of the permanence of the originating constituent power.  We prefer to use the expression “exclusive permanence” instead of the abbreviated “permanence”.  Because, on one hand, in the third answer as well, the originating constituent power is permanent, and on the other hand, this theory denies the existence of a power of constitutional revision.  This is why this theory also can be called “the theory of the negation of the existence of the power of constitutional revision”.  Whatever the name of this theory, let us note that it expresses a combination of “the existence of the originating constituent power and the non-existence of the power of constitutional revision”.

Deuxième réponse. – Selon cette réponse, la constitution ne peut être révisée que par le pouvoir de révision constitutionnelle, ou selon la terminologie plus usitée par le pouvoir de révision constitutionnelle.  Dans cette réponse, il n’y a pas de place pour un pouvoir constituant originaire permanent.  Ainsi cette réponse soutient le caractère momentané du pouvoir constituant originaire.  Une fois que le pouvoir constituant originaire établit la constitution, il disparaît pour laisser sa place au pouvoir de révision, ou il se transforme en pouvoir de révision constitutionnelle.  Cette réponse a été soutenue par Rousseau et Frochot.  Nous allons plus tard le voir comme «la thèse de la disparition du pouvoir constituant originaire».  Cette thèse coïncide avec la combinaison de «l’inexistence du pouvoir constituant originaire et de l’existence du pouvoir de révision constitutionnelle ».

Second answer. – According to this response, the constitution can only be revised by the constitutional revision power, or according to the most commonly used terminology, by the power of constitutional revision.  In this answer, there is no place for a permanent originating constituent power.  This answer therefore endorses the momentary character of the originating constituent power.  Once the originating constituent power establishes the constitution, it disappears, leaving in its place the power of constitutional revision, or else it transforms itself into the power of constitutional revision.  This answer has been defended by Rousseau and Frochot.  We will see this later on as “the theory of the disappearance of the originating constituent power”.  This theory coincides with the combination of “the non-existence of the originating constituent power and the existence of the power of constitutional revision”.

Troisième réponse. – Selon cette réponse, la constitution peut être révisée par le pouvoir constituant originaire ou par le pouvoir de révision constitutionnelle.  Dans cette réponse, il y a la place pour les deux pouvoirs constituants.  Ainsi cette réponse essaye de trouver un moyen terme entre les deux premières réponses extrêmes.  Cette réponse a été soutenue par Georges Burdeau (dans son Traité), comme «la thèse de la coexistence du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant institué».  Précisons que cette thèse exprime la combinaison de «l’existence du pouvoir constituant originaire et de l’existence du pouvoir de révision constitutionnelle».

Third answer. – According to this answer, the constitution can be revised by the originating constituent power or by the power of constitutional revision.  In this answer, there is room for two constituent powers.  This answer therefore attempts to find a middle way between the first two extreme responses.  Georges Burdeau endorsed this answer (in his Treatise), as “the theory of the coexistence of the originating constituent power and the instituted constituent power”.  We would specify that this theory expresses the combination of “the existence of the originating constituent power and of the existence of the power of constitutional revision”.

Ainsi conformément à ces trois réponses, il y a trois thèses sur la question de la permanence du pouvoir constituant originaire.

So, in keeping with these three answers, there are three theories on the question of the permanence of the originating constituent power.

Nous allons d’abord voir ces trois thèses en présence (I), ensuite nous allons tenter de faire une appréciation générale de la problématique (II).

We will first look at these three theories (I), we will then try to formulate a general appreciation of the problems (II).

I.  Les thèses en présence

I.  The present theories

Comme on vient de le dire, conformément à ces trois réponses, il y a trois thèses opposées sur la question de la permanence du pouvoir constituant originaire.  La première soutient la permanence exclusive du pouvoir constituant originaire, ainsi qu’elle nie l’existence même d’un pouvoir de révision constitutionnelle (A).  La deuxième thèse affirme la disparition du pouvoir constituant originaire (B).  Enfin la troisième essaye de trouver un moyen terme entre ces deux premières thèses (C).

As we have just said, corresponding to these three answers, there are three competing theories on the question of the permanence of the originating constituent power.  The first supports the exclusive permanence of the originating constituent power, as well as denying the very existence of a power of constitutional revision (A).  The second theory asserts the disappearance of the originating constituent power (B).  Finally, the third attempts to find a middle ground between the first two theories (C).

A.  La thèse de la permanence exclusive du pouvoir constituant originaire

A.  Theory of the exclusive permanence of the originating constituent power

Rappelons d’abord que cette thèse correspond à la combinaison de «l’existence du pouvoir constituant originaire et de l’inexistence du pouvoir de révision constitutionnelle».  Nous allons d’abord voir l’exposé (1), ensuite les critiques adressées à cette thèse (2).

Let us first recall that this thesis corresponds to the combination of “the existence of the originating constituent power and the nonexistence of the power of constitutional revision”.  We will first look at the exposé (1), and then the criticisms addressed to this theory (2).

1.  Exposé

1.  Exposé

Selon cette thèse, à chaque fois que l’on a besoin de modifier la constitution, c’est le même pouvoir constituant originaire qui intervient.  Par conséquent, entre l’établissement d’une nouvelle constitution et la révision d’une constitution en vigueur, il n’y a aucune différence de nature.  C’est toujours le même pouvoir constituant souverain qui apparaît.  De ce fait, on ne peut prévoir aucune règle juridique pour la révision constitutionnelle.  Le pouvoir constituant qui a établi la constitution est donc permanent.  Toutes les fois qu’il le juge nécessaire, il peut réviser la constitution comme il veut quand il le veut, libre de toutes formes juridiques, même par les procédés analogues à ceux qu’opèrent les révolutions et les coups d’Etat.

According to this theory, whenever we need to amend the constitution, the same originating constituent power intervenes.  Consequently, there is no difference between the establishment of a new constitution and the revision of an existing one.  The same sovereign constituent power always appears.  As a result, there can be no legal rule for constitutional revision.  The constituent power which established the constitution is thus permanent.  It can revise the constitution as it wants when it wants, free from all legal forms, even by procedures analogous to those that operate revolutions and coups d’état.

Ainsi cette thèse nie l’existence d’un pouvoir de révision constitutionnelle.  En d’autres termes, dans cette thèse «on élimine toute possibilité pour une constitution de prévoir utilement sa propre modification»[6].  Par conséquent, on peut logiquement affirmer que, selon cette thèse, la constitution ne peut et ne doit pas organiser sa révision.  Si la constitution a organisé sa révision, «ce que l’on appelle pouvoir de révision ne saurait être qu’une parodie du pouvoir constituant véritable, celui-ci n’a qu’un visage, celui sous lequel il se révèle indépendamment de tout ordonnancement étatique, qu’un titulaire, celui qui apparaît dans son exercice originaire»[7].

So, this theory denies the existence of a power of constitutional revision.  Put another way, in this theory “all possibility is eliminated of a constitution’s usefully providing for its own revision”.[6]  Therefore, it can logically be affirmed that, according to this theory, the constitution cannot and must not organize its own revision.  If the constitution has organized its own revision, “what is called the power of revision could only be a parody of the true constituent power which has only one countenance under which it manifests independently of any official scheduling; just one title holder which appears in its originating capacity”.[7]

Cette thèse a été soutenue à l’époque révolutionnaire par Sieyès[8].  Selon lui, le pouvoir constituant du peuple est libre de toutes formes juridiques[9], car la souveraineté populaire réside dans le pouvoir constituant du peuple.  Une constitution est intangible à l’égard des pouvoirs constitués[10], mais elle ne peut pas lier la nation de laquelle elle émane.  Ainsi le peuple a le droit originaire de réviser ses institutions en dehors des procédures prévues par la constitution[11].

This theory was endorsed by Sieyès in the revolutionary era.[8]  In his view, the constituent power of the people is free of all legal forms,[9] because popular sovereignty lies in the constituent power of the people.  A constitution is unassailable by the constituted powers,[10] but it cannot bind the nation from which it emanates.  Thus the people have the originating right to revise their institutions outside of procedures allowed by the constitution.[11]

Sieyès place la nation dans l’état de nature, telle qu’elle est conçue par Rousseau, pour les individus.  «On doit, dit Sieyès, concevoir les nations sur la terre comme des individus hors du lien social ou, comme l’on dit, dans l’état de nature»[12].  La nation se forme par seul droit naturel[13].

Sieyès places the nation in a state of nature, as Rousseau conceives it for individuals.  “One must,” says Sieyès, “conceive of nations on Earth as individuals without social ties or, as we say, in a state of nature”.[12]  The nation is formed solely by natural law.[13]

«Le gouvernement, au contraire ne peut appartenir qu’au droit positif.  La nation est tout ce qu’elle peut être par cela seul qu’elle est.  Il ne dépend point de sa volonté de s’attribuer plus ou moins de droits qu’elle n’en a»[14].

“Government, on the contrary, can only belong to positive law.  The nation is all that it can be, solely in and of itself.  Its rights are in no way contingent upon its will to give itself more or less rights than it has”.[14]

De ces idées, Sieyès dégage une double conséquence[15].

From these ideas, Sieyès derives a twofold consequence.[15]

Premièrement, la nation ne peut être soumise à aucune constitution[16].

Firstly, the nation cannot be subjected to any constitution.[16]

«Qu’on nous dise, demande Sieyès, d’après quelles vues, d’après quel intérêt on aurait pu donner une constitution à la nation elle-même.  La nation existe avant tout, elle est l’origine de tout.  Sa volonté est toujours légale, elle est la loi elle-même.  Avant elle et au-dessus d’elle, il n’y a que le droit naturel»[17].

“Tell us,” demands Sieyès, “according to what views, according to what interest, a constitution could have been given to the nation.  The nation exists before all, it is the origin of all.  Its will is always legal, it is the law itself; prior to it and above it, there is only natural law”.[17]

Deuxièmement, la nation est libre et indépendante de toutes formes juridiques pour changer sa constitution.  C’est à dire que la nation n’est pas liée par les procédures de révision constitutionnelle prévues dans la constitution.  Elle peut exercer son pouvoir constituant en dehors de formes préétablies par la constitution.

Secondly, the nation is free and independent of all legal forms to change its constitution.  Meaning that the nation is not bound by procedures of constitutional revision provided for in the constitution.  It can exercise its constituent power apart from forms pre-established by the constitution.

«L’exercice de la volonté des nations, dit Sieyès, est libre et indépendant de toutes formes civiles.  N’existant que dans l’ordre naturel, leur volonté, pour sortir tout son effet, n’a besoin de porter les caractères naturels d’une volonté.  De quelque manière qu’une nation veuille, il suffit qu’elle veuille; toutes les formes sont bonnes, et sa volonté est toujours la loi suprême. […] Une nation ne sort jamais de l’état de nature, et au milieu de tant de périls elle n’a jamais trop de toutes les manières possibles d’exprimer sa volonté.  Ne craignons point de le répéter:  Une nation est indépendante de toute forme; et de quelque manière qu’elle veuille, il suffit que sa volonté paraisse, pour que tout droit positif cesse devant elle comme devant la source et le maître suprême de toute droit positif»[18].

“The exercise of the will of nations,” says Sieyès, “is free and independent of all civil forms.  Existing only in the natural order, their will, to be fully effective, need not exhibit the natural characteristics of a will.  In whatever manner a nation wills, it is sufficient that it wills; all forms are good, and its will is always the supreme law. […] A nation never leaves the state of nature, and in the midst of so many perils it never has too many potential ways of expressing its will.  Never fear to repeat:  a nation is independent of any form; and in whatever manner it wishes, it is enough that its will be apparent, so that all positive law ceases when faced with it as before the source and supreme Master of all positive law”. [18]

Sieyès reproduira ces principes devant le comité de Constitution de l’Assemblée nationale, dans son «Exposition raisonnée» du 20 juillet 1789:

Sieyès will present these principles to the National Assembly’s Committee on the Constitution in his “Reasoned Exposition” of July 20th, 1789:

«le pouvoir constituant … n’est point soumis d’avance à une Constitution donnée.  La nation, qui exerce alors le plus grand, le plus important de ces pouvoirs, doit être dans cette fonction, libre de toute contrainte, et de toute forme, autre que celle qu’il lui plaît d’adopter»[19].

“constituent power … is in no way subject in advance to a given Constitution.  The nation, which exercizes the greatest, most important of these powers, must in this function be free of all constraint, and of all form other than that which it pleases to adopt”.[19]

Notons que Sieyès préconise le régime représentatif en matière constituante.  Mais il fait une distinction entre la représentation ordinaire et la représentation d’ordre constituant[20].  Cependant dans la doctrine de Sieyès cette représentation extraordinaire n’est soumise à aucune forme, pour changer la constitution.  En d’autres termes, Sieyès étendait cette même liberté absolue de la nation d’être indépendante de toute forme aux représentants extraordinaire de la nation.  La représentation extraordinaire «n’est soumise à aucune forme en particulier; elle s’assemble et délibère comme ferait la nation elle-même.»[21].  Ceci parce que cette représentation extraordinaire remplace la nation dans son indépendance de toutes formes constitutionnelles.

Note that Sieyès advocates a representative regime in constitutional matters.  But he makes a distinction between ordinary representation and representation of a constituent nature.[20]  However, in the doctrine of Sieyès, this extraordinary representation is subject to no form in order to change the constitution.  In other words, Sieyès extended this same absolute freedom of the nation to be independent of all form to the extraordinary representatives of the nation.  Extraordinary representation “is subject to no form in particular; it assembles and deliberates as would the nation itself”.[21]  This is because this extraordinary representation replaces the nation in its independence from all constitutional forms.

Après avoir ainsi expliqué la thèse de la permanence exclusive du pouvoir constituant originaire sur la doctrine de Sieyès, maintenant voyons la critique de cette thèse.

Having explained the thesis of the exclusive permanence of the originating constitutent power in the doctrine of Sieyès, let’s look now at critiques of this theory.

2.  Les critiques adressées à cette thèse[22]

2.  Criticisms addressed to this theory [22]

Plusieurs critiques sont adressées à cette thèse.

A number of criticisms are addressed to this theory.

1.  Tout d’abord Esmein note que les idées de Sieyès «n’étaient pas neuves.  Elles avaient été développées bien auparavant, au profit du souverain, alors que la souveraineté résidait dans un monarque.  Ici on transportait au peuple souverain ce qui avait été établi pour le souverain monarque»[23].

1.  First of all Esmein notes that the ideas of Sieyès “Were not new.  They had been developed long before, to the advantage of the sovereign, when sovereignty resided in a monarch.  Here, what had been established for the sovereign monarch has been transferred to the sovereign people”.[23]

2.  Ensuite, comme l’observe Georges Burdeau, «placée dans le cadre où elle a pris naissance, la théorie de Sieyès se justifiait par un puissant motif d’opportunité»[24].  En effet, cette théorie est en parfaite harmonie avec les idées dominantes de son époque.  «Parmi les nuées révolutionnaires qui contribuèrent à assombrir l’horizon juridique, ce pouvoir absolu et indépendant de toute forme reconnu à la nation pour la révision de sa constitution est parfaitement à sa place»[25].  En d’autres termes, comme le constate Massimo Luciani, l’idée d’un pouvoir constituant, comme pouvoir illimité, a été élaborée au début de la révolution française comme un instrument constitutionnel pour réaliser, et légitimer les grandes transformations sociales et politiques de l’époque[26].  En ce qui concerne le caractère opportuniste de cette thèse, on peut avec Georges Burdeau noter que «c’est elle également qu’invoquent les milieux politiques pour s’affranchir des règles fixées par la procédure révisionniste»[27].

2.  Then, as Georges Burdeau observes, “placed in the framework in which it originated, Sieyès’s theory was justified by a powerful motive of expediency”.[24]  Indeed, this theory is in perfect harmony with the dominant ideas of its time.  “Among the revolutionary clouds which contributed to darkening the legal horizon, this absolute power independent of any form recognized to the nation for the revision of its constitution is perfectly in its place”.[25]  In other words, as Massimo Luciani remarks, the idea of a constituent power as unlimited power was developed at the start of the French revolution as a constitutional instrument to achieve and legitimize the great social and political transformations of the time.[26]  With regard to the opportunistic nature of this theory, we can, with Georges Burdeau, note that “political circles also invoke it to free themselves from the rules set by revisionist procedure”.[27]

3.  Georges Burdeau, dans sa thèse de doctorat, souligne que «toute la théorie de Sieyès est viciée par une erreur initiale, celle de placer l’idée d’un droit naturel[28] à la base de l’oeuvre constituante, en ne reconnaissant à la constitution d’autre fondement que ce droit absolu antérieur à l’Etat»[29].  Selon Georges Burdeau,

3.  Georges Burdeau, in his doctoral thesis, underlines that “the entire theory of Sieyès is invalidated by a preliminary error, that of placing the idea of natural law[28] at the foundation of the constituent work, in recognizing to the constitution no foundation other than this absolute right prior to the State”.[29]  According to Georges Burdeau,

«sans doute il existe des normes de morale supérieure au droit positif, mais elles ne sauraient être érigées en préceptes juridiques.  Toutes les théories qui procèdent de la croyance en un pacte social commettent la même erreur qui est de vouloir enfermer dans une construction juridique les événements d’où sont sorties la fondation et l’organisation de l’Etat.  Du moment, en effet, que le Droit est un ensemble de règles applicables aux individus vivant sur un territoire déterminé, règles dont le respect est assuré par une autorité capable de faire valoir la force de contrainte qui leur est inhérente, il est difficile de rechercher hors de l’Etat cette autorité puisqu’elle est probablement l’autorité étatique»[30].

“Undoubtedly there are moral standards superior to positive law, but they cannot be set up as legal precepts.  All theories which proceed from a belief in a social pact commit the same error which is to want to enclose in a legal construction the events from which the foundation and organization of the State emerged.  From the moment, in fact, that the Law is a set of rules applicable to individuals living in a determined territory, rules whose respect is ensured by an authority capable of asserting the force of constraint inherent in them, it is difficult to seek outside the State for this authority since it is probably the authority of the State”.[30]

4.  Georges Burdeau précise encore que l’idée d’un pouvoir constituant inconditionné et permanent repose sur le dogme de l’inaliénabilité de la souveraineté du peuple.  En d’autres termes,

4.  Georges Burdeau further specifies that the idea of an unconditioned and permanent constituent power is based on the dogma of the inalienability of the sovereignty of the people.  In other words,

«derrière la puissance constituante du peuple, il y a la souveraineté populaire qui l’étaie et l’entraîne, l’une sans l’autre n’est rien:  la souveraineté du peuple s’affirme en ce que c’est lui qui constitue les autorités représentatives et leur pouvoir.  Ainsi la reconnaissance de la puissance constituante absolue de la nation reçoit sa signification parfaite lorsqu’on l’envisage comme devant être le signe le plus manifeste de la souveraineté.  Là est sa véritable portée, sa raison d’être, mais aussi sa faiblesse»[31].

behind the constituent power of the people, there is popular sovereignty which underpins and entails it, the one without the other is nothing:  the sovereignty of the people is affirmed in that it is they who constitute the representative authorities and their power.  Thus the recognition of the absolute constituent power of the nation receives its perfect meaning when considered to be the most manifest sign of sovereignty.  Therein lies its true significance, its raison d’être, but also its weakness”.[31]

Il y a aussi d’autres auteurs qui voient un lien entre la notion de pouvoir constituant et celle de souveraineté.  Par exemple, Walter Leisner, dans sa thèse de doctorat, identifie le pouvoir constituant à la souveraineté.  Selon lui, «la principale manifestation de la souveraineté en droit interne est le pouvoir constituant»[32].  Et il examine les théories de la souveraineté au lieu du pouvoir constituant.  Plus récemment encore Olivier Beaud défend qu’il existe un lien fondamental entre la souveraineté et le pouvoir constituant[33].  Selon l’auteur, «d’un côté la souveraineté de l’Etat se caractérise par la monopolisation du droit positif et, de l’autre, la forme moderne de cette souveraineté est la détention du pouvoir constituant par le peuple»[34].

There are also other authors who see a link between the notion of constituent power and that of sovereignty.  For example, Walter Leisner, in his doctoral thesis, identifies constituent power with sovereignty.  According to him, “the main manifestation of sovereignty in domestic law is constituent power”.[32]  And he examines theories of sovereignty instead of constituent power.  Even more recently, Olivier Beaud argues that a fundamental link exists between sovereignty and constituent power.[33]  According to the author, “on one hand, State sovereignty is characterized by the monopolization of positive law and, on the other, the modern form of this sovereignty is the retention of constituent power by the people”.[34]

En établissant ainsi un lien entre la souveraineté et le pouvoir constituant, on peut parler de la «souveraineté constituante du peuple» au lieu du «pouvoir constituant originaire».  Mais dans ce cas, on revient au débat classique sur la souveraineté, et par conséquent on peut aussi transposer les critiques adressées à la notion de souveraineté à celle de pouvoir constituant.

By thus establishing a link between sovereignty and constituent power, we can speak of the “constituent sovereignty of the people” instead of “originating constituent power”.  But in this case, we return to the classic debate on sovereignty, and consequently, we can also transpose the criticisms addressed to the notion of sovereignty onto constituent power.

« il faut expliquer … comment dans un groupe humain donné, il y a certains individus qui peuvent légitimement imposer leur volonté comme telle aux autres individus, mettre légitimement en mouvement une puissance de contraindre irrésistible, déterminer les cas dans lesquels ils peuvent la mettre en mouvement, comment il y a dans une société donnée certaines volontés qui ont légitimement le privilège de ne se déterminer que par elles-mêmes, le pouvoir d’adresser des commandements inconditionnés aux autres volontés »[36].

“It must be explained … how, in a given human group, there are certain individuals who can legitimately impose their will as such on other individuals, legitimately set in motion an irresistible power to constrain, determine the cases in which they can set it in motion; how, in a given society, there are certain wills which have the rightful privilege of determining solely by themselves, the power to issue unconditional commands to other wills”.[36]

«on discute ce problème depuis des siècles, et … cependant la solution n’a pas avancé d’un pas.  La raison en est que le problème est insoluble.  Pour le résoudre, en effet, il faudrait démontrer que certaines volontés terrestres sont d’une essence supérieure à certaines autres.  Dans le langage courant, on peut bien parler d’ordre, de commandement; mais si l’on réfléchit, on s’aperçoit que pour qu’il y ait un commandement, il faut nécessairement que la volonté qui commande ait une supériorité de nature sur les volontés auxquelles s’adresse le commandement.   Cette supériorité ne peut exister au profit d’une volonté humaine sur une autre volonté humaine.  Rien, en effet, ne nous permet d’affirmer qu’une volonté humaine est supérieure à une autre volonté humaine.  Rien ne nous permet de dire qu’une volonté même collective (si l’on admet l’existence de volontés humaines collectives) est supérieure à une volonté humaine individuelle»[37].

“this problem has been discussed for centuries, and … yet the solution has not advanced a step.  The reason is that the problem is insoluble.  To solve it, in fact, one would have to demonstrate that certain earthly wills are of a higher essence than certain others.  In everyday language, we can speak of order, of command; but if we reflect, we realize that for there to be a command, the will which commands must necessarily have superiority in nature over the wills to which the command is addressed.  This superiority cannot exist for the advantage of one human will over another human will.  Nothing, in fact, allows us to affirm that one human will is superior to another human will.  Nothing allows us to say that even a collective will (if we admit the existence of collective human wills) is superior to an individual human will”.[37]

Léon Duguit note que l’on peut probablement expliquer «la souveraineté par l’intervention d’une puissance surnaturelle»[38].  Mais «il est absolument impossible d’expliquer humainement la souveraineté de l’Etat.  C’est … le vice irrémédiable de toutes les doctrines démocratiques qui veulent expliquer humainement la souveraineté»[39].

Léon Duguit notes that one can probably explain “sovereignty by the intervention of a supernatural power”.[38]  But “it is absolutely impossible to explain the sovereignty of the State in human terms.  It is … the irremediable defect of all democratic doctrines that want to explain sovereignty in human terms”.[39]

En conséquence selon Duguit, les deux explications (divine et humaine) qu’on donne à l’origine de la souveraineté

In consequence, according to Duguit, the two explanations (divine and human) that are given for the origin of sovereignty

«sont aussi artificielles et chimériques l’une que l’autre.  Dire que la puissance publique est de création divine, ou dire qu’elle est de création populaire, sont deux affirmations de même ordre et de même valeur, c’est à dire de valeur égale à zéro, parce qu’elles sont aussi indémontrées et indémontrables l’une que l’autre»[40].

“are both equally artificial and chimerical.  To say that public power is of divine creation, or to say it is a popular creation, are two affirmations of the same order and the same value, i.e. value equal to zero, because both are equally undemonstrated and undemonstratable”.[40]

Dans sa thèse de doctorat, Georges Burdeau, après avoir critiqué la notion de souveraineté[41] fait la conclusion suivante:

In his doctoral thesis, after criticizing the notion of sovereignty,[41] Georges Burdeau concludes as follows:

«Des lors, si le concept de souveraineté populaire est impuissant à légitimer la puissance étatique, le pouvoir constituant inconditionné de la nation que l’on avait fait intervenir comme essentiel à cette souveraineté devient une notion inutile et encombrante»[42].

“Therefore, if the concept of popular sovereignty is powerless to legitimate State power, the unconditioned constituent power of the nation that had been brought in as essential to this sovereignty becomes a useless and cumbersome idea”.[42]

Ainsi selon Georges Burdeau, en organisant la procédure de révision, le peuple abdique son pouvoir constituant illimité.  Ainsi, la nation entre dans un état de droit, en sortant de l’état de nature.   Désormais le peuple ne peut plus logiquement user de son pouvoir constituant illimité, parce qu’il l’a abdiqué[43].

So, according to Georges Burdeau, by organizing the revision procedure, the people abdicate their unlimited constituent power.  This way, the nation enters into a rule of law, exiting the state of nature.  Henceforth, logically, the people can no longer use their unlimited constituent power, because they have abdicated it.[43]

D’ailleurs il y a d’autres auteurs qui critique la thèse de la permanence du pouvoir constituant inconditionné.  Par exemple selon Massimo Luciani,

Moreover, other authors criticize the theory of the permanence of the unconditioned constituent power.  For example, according to Massimo Luciani,

«l’idée que le pouvoir souverain est unitaire et que son titulaire est aussi unitaire et individualisé … est actuellement difficilement perceptible dans les systèmes de démocratie pluraliste»[44].  Car, d’une part, «le peuple se sert d’une expression qui fait référence à une pure fiction juridique:  il n’existe pas de sujet unitaire qualifié de ce nom, alors qu’existe la réalité des divisions sociales, économiques, culturelles, etc.  D’autre part, aujourd’hui la souveraineté apparaît pulvérisée et dispersée, si bien qu’il est devenu plus difficile d’individualiser ‘des actes de souveraineté’ particuliers plutôt que la souveraineté en elle-même et par elle-même»[45].

“The idea that sovereign power is unitary and that its holder is also unitary and individualized … is currently hardly perceptible in pluralist democratic systems”[44].  Because, on the one hand, “the people use an expression that refers to a pure legal fiction:  there is no unitary subject characterized by this name, while the reality of social, economic, cultural and other divisions exists.  On the other hand, today, sovereignty appears to be pulverized and dispersed, so much so that it has become more difficult to individualize particular ‘acts of sovereignty’ rather than sovereignty in and of itself”.[45]

5.  La critique la plus destructive adressée à la thèse de Sieyès se concentre, sans doute, sur le fait que cette thèse n’est pas conciliable avec un ordre juridique stable[46].&nbp; L’intervention d’un pouvoir constituant libre de toutes formes n’assure à l’Etat aucune stabilité et conduit à une agitation révolutionnaire chronique[47].  A chaque fois que l’on a besoin de réviser la constitution, on ne peut pas admettre que la constitution puisse être révisée par le pouvoir constituant originaire, en utilisant les procédés extra-juridiques analogues à ceux qu’opèrent les révolutions et les coups d’Etat[48].  Il est évident qu’une telle solution pourrait conduire à l’anarchie dans l’ordre constitutionnel.  Georges Burdeau note que dans cette solution, «c’est la stabilité des institutions qui est compromise puisque, dès qu’il s’agira de les retoucher, il faudra faire appel au pouvoir originaire dont les réactions sont souvent brutales et toujours imprévues»[49].

5.  Without doubt, the most destructive criticism leveled at Sieyès’s theory focuses on the fact that this theory is not reconcilable with a stable legal order [46]  The intervention of a constituent power free of all forms guarantees no stability to the State and leads to chronic revolutionary agitation.[47]  Whenever there is a need to revise the constitution, we cannot admit that the constitution can be revised by the originating constituent power, using extra-legal procedures analogous to those operated by revolutions and coups d’etat.[48]  It is obvious that such a solution could lead to anarchy in the constitutional order.  Georges Burdeau notes that in this solution, “stability of institutions is compromised since, as soon as it comes to retouching them, it is necessary to call in the originating constituent power whose reactions are often brutal and always unforeseen”.[49]

Esmein refuse toute idée de Sieyès en disant que la conséquence de telle doctrine

Esmein rejects the whole concept of Sieyès, stating that the consequence of such a doctrine

«ce n’est pas autre chose qu’une action révolutionnaire reconnue légitime et presque en permanence; mieux vaudrait cent fois le système qui permet au législateur de statuer librement en toutes matières»[50].

“It is nothing less than revolutionary action recognized as legitimate and almost permanently; a hundred times better would be the system which allows the legislator to rule freely in all matters”.[50]

Comme le montre Paul Bastid, le raisonnement de Sieyès «maintient au coeur même de la société politique comme un foyer permanent d’insurrections possibles»[51].  Comme on l’a déjà cité, Sieyès déclare formellement qu’«on doit concevoir les nations sur la terre comme des individus hors du lien social, ou comme l’on dit dans l’état de nature»[52].  Bref, la thèse de Sieyès est une thèse proprement révolutionnaire.

As Paul Bastid shows, Sieyès’s reasoning “maintains at the very core of political society a permanent home for future insurrections”[51].  As already mentioned, Sieyès formally states that “the nations of the earth must be conceived of as individuals outside of the social tie, or as has been said, in a state of nature”[52].  In short, Sieyès’s theory is a truly revolutionary theory.

6.  Ensuite les auteurs notent que la thèse de Sieyès n’a pas été retenue par le droit positif.  Car si la thèse de la permanence du pouvoir constituant originaire telle qu’elle est défendue par Sieyès avait été acceptée, les constitutions ne devraient pas comporter les règles prévoyant leur révision.  Puisque presque toutes les constitutions écrites prévoient et organisent leur révision, cela signifie qu’il existe un pouvoir constituant institué chargé de révision constitutionnelle.  Par conséquent les constitutions n’acceptent pas le droit originaire du peuple à la révision de sa constitution en dehors des procédures prévues par celle-ci à cet effet.  Comme le disait Louis Dupraz, «la simple présence de normes de révision dans une constitution … atteste le fait de l’institutionnalisation du pouvoir constituant»[53].  L’existence des règles de révision signifie l’organisation d’un pouvoir de révision constitutionnelle.  Ainsi en déterminant les procédures de leur révision, les constitutions créent un pouvoir de révision.  Ce pouvoir, puisqu’il est créé et réglementé par la constitution, est un pouvoir constitué.

6.  Then the authors note that Sieyès’s theory has not been retained by positive law.  For if the theory of the permanence of the originating constituent power as defended by Sieyès had been accepted, constitutions should not include rules providing for their revision.  Since almost all written constitutions provide for and organize their revision, this means there is an instituted constituent power responsible for constitutional revision.  Consequently, constitutions do not accept the people’s original right to revise their constitution outside of procedures provided by it for this purpose.  As Louis Dupraz said, “the mere presence of norms for revision in a constitution … attests to the fact of the institutionalization of the constituent power”.[53]  The existence of the rules of revision signifies the organization of a power of constitutional revision.  Thus by determining the procedures for their revision, constitutions create a power of revision.  This power, since it is created and regulated by the constitution, is a constituted power.

A titre d’exemple citons les deux premières constitutions du Monde.  La Constitution américaine de 1787 réglemente sa révision dans son article V.  Ainsi l’article premier du titre VIII de la Constitution française de 1791 stipule que

By way of example, let us quote the first two constitutions in the World.  The American Constitution of 1787 regulates its revision at its Article V.  Similarly, Article 1 of title VIII of the French Constitution of 1791 stipulates that

«… la nation a le droit imprescriptible de changer sa constitution, et néanmoins considérant qu’il est plus conforme à l’intérêt national d’user seulement, par les moyens pris dans la constitution même[54], du droit d’en reformer les articles dont l’expérience avait fait sentir les inconvénients, décrète qu’il y sera procédé par une Assemblée de Révision en la forme suivante».

“… the nation has the inalienable right to change its constitution, and nonetheless, as it is more in keeping with the national interest to exercise the right to reform those Articles whose inconvenience had been felt through experience only by means adopted in the constitution itself[54], decrees that this will be carried out by a Revision Assembly in the following form”.

Comme on le voit, les deux premières Constitutions, ainsi que les suivantes, en organisant la procédure de leur révision, ont rejeté la thèse de la permanence exclusive du pouvoir constituant originaire, et ont attribué la tâche de leur révision à une autorité qu’elles ont instituée.

As can be seen, the first two Constitutions, and those that followed, by organizing the procedure for their revision, rejected the theory of the exclusive permanence of the originating constituent power, and assigned the task of their revision to an authority that they instituted.

7.  Enfin, il faut remarquer que la pensée de Sieyès a été évaluée sur ce point.  En effet Sieyès lui-même a tempéré ses idées sur le pouvoir constituant libre de tout forme.  Comme l’a bien montré Paul Bastid, «il y a deux phases dans la vie de Sieyès.  Révolutionnaire intransigeant dans la première période, par la suite, soucieux d’ordre et de stabilité»[55].

7.  Finally, it should be noted that Sieyès’s thought evolved on this point.  Indeed, Sieyès himself tempered his ideas on a constituent power free of any form.  As Paul Bastid clearly demonstrated, “there are two stages in the life of Sieyès.  An uncompromising revolutionary in the first period, then subsequently desirous of order and stability”.[55]

La doctrine révolutionnaire que nous avons vue en haut, comme le constate Paul Bastid,

The revolutionary doctrine that we saw above, as Paul Bastid notes,

«se modifiera avec les années.  De plus en plus Sieyès s’apercevra que c’est surtout dans les fondements de l’édifice constitutionnel qu’il convient d’assurer la stabilité.  Quant à l’exacte observation des compétences à l’intérieur de la constitution établie, il va chercher s’il n’y a pas moyen de la garantir autrement que par l’intervention redoutable d’un pouvoir régulateur, lui-même soustrait à toute règle»[56].

“will change over the years.  Increasingly, Sieyès will realize that above all, stability must be assured in the foundations of the constitutional edifice.  As for the exact compliance of competencies internal to the established constitution, he will look to see if there is not some way to guarantee it other than through the formidable intervention of a regulatory power, itself exempt from any rule”.[56]

Et c’est dans cette recherche qu’il rencontrera l’idée de son Jury constitutionnaire[57], doté de certaines attributions constituantes, chargé de préparer l’amélioration des lois fondamentales en même temps que d’assurer leur stricte observation[58].  Cependant, ce Jury constitutionnaire, comme le montre Paul Bastid,

And in this pursuit, he will formulate the idea of his Constitutional Jury [57], endowed with certain constituent powers, charged with preparing the improvement of fundamental laws as well as ensuring their strict observance [58].  However, this Constitutional Jury, as Paul Bastid shows,

«n’est lui-même qu’une institution établie par les textes fondamentaux et soumise dans l’exercice de ses prérogatives aux formes que ces textes prévoient.  Ce n’est, comme nous dirions aujourd’hui, qu’un pouvoir constituant institué, dérivé.  Toujours est-il que, dans le discours du 2 thermidor, le pouvoir constituant de la nation s’estompe dans le lointain.  Après avoir exalté la distinction des pouvoirs constituants et des pouvoirs constitués, Sieyès déclare qu’on n’en a pas tiré tout le parti qu’elle comportait.  Il est donc temps d’en faire un meilleur usage, c’est à dire un usage plus restreint, en organisant le jury constitutionnaire»[59].

“is itself but an institution established by the fundamental texts and subject in the exercise of its prerogatives to the forms that these texts provide.  It is, as we would say today, only an instituted, derived constituent power.  Still, in the address of 2 Thermidor, the constituent power of the nation fades into the distance.  After extolling the distinction between constituent powers and constituted powers, Sieyès declares that full advantage has not been taken of this.  It is therefore time to make better use of it, meaning a more restricted use, by organizing the constitutional jury”. [59]

On se rapproche ainsi de la deuxième fonction et de la deuxième utilité du pouvoir constituant.  Celui-ci doit être considéré dans ses effets aussi bien que dans son origine.  Dire qu’il y a un pouvoir constituant supérieur aux pouvoirs constitués, ce n’est pas seulement affirmer la puissance inconditionnée de l’autorité nationale et entretenir la flamme révolutionnaire derrière les institutions existantes, c’est aussi maître [sic] à l’abri de violations accidentelles accomplies par des autorités subalternes certaines règles fondamentales, favorables en l’espèce à la liberté, puisque l’autonomie de l’individu est le principe même et la raison d’être de l’Etat[60].

This brings us closer to the second function and the second utility of constituent power.  It must be considered in its effects as well as in its origin.  To say that there is a constituent power superior to the constituted powers is not only to affirm the unconditioned power of the national authority and to feed the revolutionary flame behind existing institutions, it is also to protect from accidental violation by subordinate authorities certain fundamental rules, favorable, in this case, to liberty, since the autonomy of the individual is the very principle and raison d’être of the State.[60]

Ainsi «l’affirmation qu’un peuple a toujours le droit de revoir et de reformer sa constitution recule-t-elle peu à peu au second plan.  Formulée avec énergie en 1789, elle ne joue plus aucun rôle en l’an III»[61].

Thus, “the affirmation that a people always has the right to revise and reform its constitution is gradually receding into the background.  Energetically formulated in 1789, it no longer plays any role in Year III.”[61]

En conclusion, comme le remarque Paul Bastid, «considérée de ce point de vue, la constitution n’est plus l’expression momentanée d’une force révolutionnaire permanente.  Elle représente au contraire une vertu d’ordre et de stabilité»[62].  En conséquence, on peut avec Georges Burdeau dire que, l’évolution de la pensée de Sieyès s’achève par le transfert du pouvoir originaire à un pouvoir institué[63].

In conclusion, as Paul Bastid remarks, “considered from this point of view, the constitution is no longer the momentary expression of a permanent revolutionary force.  On the contrary, it represents a virtue of order and stability [62].  Consequently, we can, along with Georges Burdeau, say that the evolution of Sieyès’s thought culminates in the transfer of originating power to an instituted power.[63]

Nous arrivons ainsi à la thèse la transformation du pouvoir constituant originaire en pouvoir constituant institué, autrement dit celle de la disparition du pouvoir constituant originaire.

We therefore arrive at the theory of the transformation of the originating constituent power into an instituted constituent power, in other words, the disappearance of the originating constituent power.

B.  La thèse de la disparition du pouvoir constituant originaire (la thèse [de] la transformation[64] du pouvoir constituant originaire en pouvoir constituant institué)[65]

B.  The theory of the disappearance of the originating constituent power (the theory of the transformation [64] of the originating constituent power into an instituted constituent power) [65]

Cette thèse correspond à la combinaison de «l’inexistence du pouvoir constituant originaire et de l’existence du pouvoir de révision constitutionnelle».  Nous allons d’abord voir l’exposé ensuite la critique de cette thèse.

This theory corresponds to the combination of “the nonexistence of the originating constituent power and the existence of the power of constitutional revision”.  We will first look at the exposé and then at the critique of this theory.

1.  Exposé

1.  Exposé

Cette thèse soutient le caractère momentané du pouvoir constituant originaire.  Le pouvoir constituant originaire, après avoir établi la constitution, doit disparaître[66] pour laisser la place au pouvoir de révision, ou au moins doit se transformer en pouvoir constituant institué.  En d’autres termes, «dès que la Constitution est établie … s’efface le pouvoir constituant originaire et … naît le pouvoir constituant institué»[67].  Bref, le pouvoir constituant originaire s’épuise dans le premier usage.

This theory supports the momentary character of the originating constituent power.  The originating constituent power, having established the constitution, must vanish,[66] to make way for the power of revision, or at least it must transform itself into an instituted constituent power.  In other words, “the moment the Constitution is established … the originating constituent power effaces itself  and … the instituted constituent power is born”.[67]  In short, the originating constituent power exhausts itself in its first use.

1.  Selon cette thèse, la constitution peut et doit prévoir sa révision.  Le principal argument de cette thèse consiste à dire que presque toutes les constitutions écrites[68] prévoient et organisent leur révision, cela signifie qu’il existe un pouvoir de révision institué par la constitution.  Car, comme le disait Louis Dupraz, «la simple présence de normes de révision dans une constitution … atteste le fait de l’institutionnalisation du pouvoir constituant»[69].  Et une fois que la constitution a organisé un pouvoir de révision constitutionnelle, elle ne peut être révisée que par ce pouvoir.  En d’autres termes, le droit de réviser la constitution appartient seul au pouvoir de révision constitutionnelle, non pas au pouvoir constituant originaire.   Ainsi, à chaque fois que l’on a besoin de modifier la constitution c’est le pouvoir de révision qui intervient, non pas le pouvoir constituant originaire qui a établi la constitution.  C’est à dire qu’après avoir fait la première constitution, le pouvoir constituant originaire disparaît pour laisser sa place au pouvoir de révision constitutionnelle ou bien il se transforme en pouvoir constituant institué.  En empruntant la métaphore de Georges Burdeau, on peut dire que le pouvoir constituant originaire «comme l’agave de Mistral qui meurt après avoir donné sa fleur, disparaît à partir du moment où il s’est épanoui dans l’oeuvre qui l’épuise»[70].

1.  According to this theory, the constitution can and must provide for its own revision.  The main argument of this theory consists in saying that almost all written constitutions[68] foresee and organize their own revision, which means that a power of revision is instituted by the constitution.  For, as Louis Dupraz said, “the mere presence in a constitution of norms for revision … attests to the fact of the institutionalization of constituent power”.[69]  And once the constitution has organized a power of constitutional revision, it can only be revised by that power.  Put another way, the right to revise the constitution belongs solely to the power of constitutional revision, not to the originating constituent power.  Thus, whenever the constitution needs to be modified, the power of revision intervenes, not the originating constituent power which established the constitution.  Meaning that having made the first constitution, the originating constituent power vanishes, leaving in its place the power of constitutional revision, or else it transforms itself into an instituted constituent power.  To borrow the metaphor of Georges Burdeau, it can be said that the originating constituent power “like the agave desmettiana which dies after flowering, vanishes, having depleted itself in the act of blooming.”[70]

2.  Cette theory repose essentiellement sur la doctrine de Rousseau sur un pouvoir constituant lié par la procédure prévue par la constitution[71] exposée dans les Considérations sur le gouvernement de Pologne, comme l’autre thèse repose sur la doctrine de Sieyès.

2.  This theory is based essentially on Rousseau’s doctrine of a constituent power bound by the procedure provided in the constitution [71] set out in Considerations on the government of Poland, as the other theory is based on the doctrine of Sieyès.

Comme on le sait, Rousseau soutenait dans Du contrat social, que le peuple ne peut se lier par aucune loi fondamentale.  «Il n’y a ni ne peut y avoir nulle espèce de loi fondamentale obligatoire pour le corps du peuple»[72].  Cependant dans les Considérations sur le gouvernement de Pologne, il atténuait la rigueur de ce principe, en acceptant que la constitution peut exiger pour sa révision la mise en oeuvre d’une certaine procédure.  Dans ce cas la constitution ne peut être révisée que par l’autorité et selon la procédure qu’elle détermine elle-même[73].  C’est ce qui résulte de la citation suivante:

As we know, Rousseau maintained in The Social Contract, that the people cannot be bound by any fundamental law.  “There is not nor can there be any kind of fundamental law binding on the body of the people”.[72]  However, in Considerations on the Government of Poland, he toned down the rigor of this principle by accepting that the constitution may require for its revision the implementation of a certain procedure.  In this case, the constitution can be revised only by the authority and according to the procedure that it determines itself.[73]  This is what emerges from the following quote:

«Il faut bien peser et bien méditer les points capitaux qu’on établira comme des lois fondamentales, et l’on fera porter sur ces points seulement la force du liberum veto.  De cette manière on rendra la constitution solide et ses lois irrévocables autant qu’elles peuvent l’être:  car il est contre la nature du corps politique de s’imposer des lois qu’il ne puisse révoquer; mais il n’est ni contre la nature ni contre la raison qu’il ne puisse révoquer ces lois qu’avec la même solennité qu’il mit à les établir.  Voilà toute chaîne qu’il peut se donner pour l’avenir»[74].

“The all-important points to be established as fundamental laws must be carefully weighed and reflected upon, and on these points, solely the might of the liberum veto will be brought to bear.  In this way the constitution will be made solid and its laws irrevocable as much as can be:  for it is contrary to the nature of the body politic to impose upon itself laws it cannot revoke; but it is neither contrary to nature nor against reason that it can only revoke these laws with the same solemnity applied to establish them.  This is the only chain with which it can bind itself for the future”[74].

3.  Cette thèse a été particulièrement défendue par Georges Burdeau dans sa thèse de doctorat.  Selon Georges Burdeau, l’attribution de la tâche de révision constitutionnelle à un seul pouvoir de révision organisé par la constitution elle-même peut assurer une vie juridique régulière et paisible[75].  Dans cette solution, pour modifier la constitution, il n’y aura pas de lieu de sortir du droit.  La constitution sera révisée selon la procédure prévue par celle-ci, c’est à dire sans solution de continuité[76].

3.  This theory was notably defended by Georges Burdeau in his doctoral thesis.  According to Georges Burdeau, attributing the task of constitutional revision to a single power of revision organized by the constitution itself can ensure an orderly and peaceful legal life.[75]  With this solution, there is no reason to depart from the law to amend the constitution.  The constitution will be revised according to the procedure provided for therein, meaning with no break in legal continuity.[76]

Ainsi Georges Burdeau écarte le droit originaire du peuple de réviser sa constitution en dehors de tout ordre statutaire[77].  Selon lui, la révision de la constitution aura lieu selon les formes prescrites par le droit positif[78].  De plus, «on ne peut pas dire que le pouvoir de révision suppose et met en oeuvre un pouvoir constituant autonome dont le sujet serait la nation.  C’est une fiction que de dire que le peuple manifeste sa volonté par l’intermédiaire de l’organe qui a statutairement compétence pour réviser la constitution: la révision est juridiquement organisée pour que l’ordre social soit maintenu, mais pour prix de cet ordre, le peuple a abdiqué l’indépendance constituante dont il jouissait lorsqu’il vivait dans une société inorganisée.  La nation ayant accepté un état de droit ne peut plus légitimement user du pouvoir constituant qui était, et ne pouvait être en elle, qu’un pouvoir de fait ; elle s’en est dépouillée»[79].

Thus Georges Burdeau discounts the original right of the people to revise their constitution outside of any statutory order. [77]  In his view, revision of the constitution will take place according to the forms prescribed by positive law.[78]  Moreover, “it cannot be said that the power of revision supposes and implements an autonomous constituent power whose subject would be the nation.  It is a fiction to say that the people manifests its will through the intermediary of the organ which has statutory competence to revise the constitution:  revision is legally organized so that the social order is maintained, but as the price of this order, the people abdicated the constituent independence they enjoyed while living in an unorganized society.  The nation’s having accepted a rule of law, it can no longer legitimately use the constituent power, which, in it, was and could only be a power de facto; it has abandoned it”.[79]

4.  Maryse Baudrez accepte que le peuple soit souverain et ait le droit de changer sa constitution.  Néanmoins, d’après elle, le droit du peuple de changer sa Constitution doit être utilisé dans le cadre déterminé par la constitution[80].  En d’autres termes, «le pouvoir constituant ne s’exerce pas hors constitution»[81].  Selon l’auteur,

4.  Maryse Baudrez accepts that the people are sovereign and have the right to change their constitution.  Nevertheless, according to her, the right of the people to change their Constitution must be used within the framework determined by the constitution. [80]  In other words, “constituent power is not exercised outside the constitution”.[81]  According to the author,

«admettre qu’il existe un droit originaire du peuple à la révision des institutions en dehors des procédures prévues par la constitution, revient à nier toute distinction entre le pouvoir constituant originaire et pouvoir de révision constitutionnelle ou plus exactement … entre pouvoir constituant et pouvoirs constitués, dans la mesure où l’on considère que le pouvoir constituant institué n’est, en réalité, lui-même qu’un pouvoir constitué supérieur.  Or l’idée même de Constitution repose sur cette distinction entre pouvoirs constituant originaire et dérivé»[82].

“to admit the existence of an original right of the people to revise institutions outside the procedures provided for by the constitution, amounts to denying any distinction between the originating constituent power and the power of constitutional revision, or more precisely … between the constituent power and the constituted powers, insofar as one considers that the instituted constituent power is, in reality, itself but a higher constituted power.  The very idea of a Constitution is based on this distinction between originating and derived constituent powers”.[82]

5.  Comme le note Georges Burdeau, la thèse de la transformation du pouvoir constituant originaire en pouvoir constituant institué a été soutenue par Frochot pour réfuter la doctrine de Sieyès sur un pouvoir constituant libre de toutes formes.  «En effet, tandis que pour Sieyès la souveraineté de la nation impliquait son indépendance complète en matière constituante, pour Frochot, la même souveraineté permettait à la nation de fixer les formalités et la procédure à l’intérieure desquelles sera enfermé son exercice»[83].  Frochot résumait avec une parfaite clarté cette thèse dans son discours prononcé devant l’Assemblée constituante en 1791:

5.  As Georges Burdeau notes, the theory of the transformation of the originating constituent power into an instituted constituent power was endorsed by Frochot to refute the doctrine of Sieyès of a constituent power free of all forms.  “Indeed, while for Sieyès the sovereignty of the nation implied its complete independence in constituent matters, for Frochot, the same sovereignty allowed the nation to fix the formalities and procedure within which its exercise will be circumscribed”.[83]  Frochot summed up this theory with perfect clarity in his speech to the Constituent Assembly in 1791:

«La souveraineté nationale, a-t-on dit, ne peut se donner aucune chaîne; sa détermination future ne peut être interprétée ou prévue, ni soumise à des formes certaines, car il est de son essence de prévoir ce qu’elle voudra.  Eh bien!  Messieurs, c’est précisément par un effet de sa toute puissance que la nation veut aujourd’hui en consacrant son droit, se prescrire à elle-même un moyen légal et paisible de l’exercer, et, loin de trouver dans cet acte une aliénation de la souveraineté nationale, j’y remarque au contraire un des plus beaux moments de sa force et de son indépendance … Il n’est pas une loi, depuis l’acte constitutionnel jusqu’au décret de police le moins important, qui ne soit en effet un engagement de la souveraineté nationale envers elle de vouloir telle chose de telle manière et non d’aucune autre … Garantir au peuple sa constitution contre lui-même, je veux dire contre ce penchant irrésistible de la nature humaine qui la porte sans cesse à changer de position pour un mieux chimérique; garantir au peuple sa constitution contre les attaques des factieux, contre les entreprises de ses délégués ou de ses représentants; enfin, donner au peuple souverain le moyen de réformer dans ses parties et même de changer dans sa totalité la constitution qu’il a jurée tel est, il me semble, Messieurs, le véritable objet de la loi qui nous occupe»[84].

“National sovereignty, it has been said, cannot enchain itself; its future status cannot be construed or foreseen, nor subjected to particular forms, for it is of its essence to provide as it sees fit.  Well!  Gentlemen, it is precisely by an effect of its supremacy, that the nation today, by enshrining its right, wants to prescribe for itself a legal and peaceful means of exercising it, and, far from finding in this act an alienation of national sovereignty, I see in it on the contrary one of the finest moments of its power and independence … There is not a single law, starting from the constitutional act to the least of police edicts, which is not, in fact, a commitment of the national sovereignty to want such and such a thing in such a way and not in any other … To guarantee their constitution to the people in spite of themselves, I mean in spite of the irresistible bent of human nature which leads it over and over to change its position to one more fleeting; to guarantee the people’s constitution against attacks by factions, against the enterprises of its delegates or its representatives; finally, to give to the sovereign people the means to reform its parts and even to change in its entirety the constitution it has vouchsafed, such is, it seems to me, Gentlemen, the true object of the law which occupies us».[84]

En résumé, comme le montre Georges Burdeau, selon cette thèse, le pouvoir constituant, lorsqu’il est aménagé par la constitution, devient un pouvoir constitué. Et si la nation est liée par le fonctionnement des pouvoirs constitués, elle est aussi liée par l’organisation de la révision constitutionnelle telle qu’elle est réglée par la constitution elle-même. Bref selon cette thèse, le pouvoir constituant se transforme en pouvoir institué du seul fait de son aménagement par la constitution[85].

In summary, as Georges Burdeau shows, according to this theory, the constituent power, when it is arranged by the constitution, becomes a constituted power.  And if the nation is bound by the functioning of the constituted powers, it is also bound by the organization of constitutional revision as regulated by the constitution itself.  In short, according to this theory, the constituent power is transformed into an instituted power by the sole fact of its arrangement by the constitution.[85]

2.  Les critiques adressées à cette thèse[86]

2.  Criticisms adressed to this theory[86]

Comme on l’a vu, Georges Burdeau, dans sa thèse de doctorat, soutient que le pouvoir constituant originaire disparaît après avoir établi la première constitution du pays. Cependant Georges Burdeau, dans son Traité de science politique, souligne qu’il ne partage plus aujourd’hui cette opinion[87].  Voyons donc maintenant les raisons qui ont poussé Georges Burdeau à renoncer à la thèse de la transformation du pouvoir constituant originaire en pouvoir constituant institué.  En effet l’exposé de ces raisons sera la critique de cette thèse.

As we have seen, Georges Burdeau, in his doctoral thesis, maintains that the originating constituent power disappears after establishing the country’s first constitution.  However, Georges Burdeau, in his [Treatise on political science], underlines that he no longer shares this opinion today.[87]  Let’s look at the reasons that prompted Georges Burdeau to renounce the theory of the transformation of the originating constituent power into an instituted constituent power.  The presentation of these reasons will constitute the critique of this theory.

1.  Selon Georges Burdeau, la thèse de la disparition du pouvoir constituant originaire n’est acceptable que si l’on admet d’abord que la constitution est une oeuvre parfaite qui peut durer éternellement.  Car, si cela est vrai, une fois que la constitution est faite par un pouvoir constituant originaire, celui-ci peut disparaître, parce que la constitution est parfaite et qu’elle va durer éternellement, par conséquent on n’a plus besoin d’un pouvoir constituant originaire.  Or, l’expérience historique nous apprend qu’aucune constitution ne saurait se prétendre éternelle.  Par conséquent il n’est pas possible d’admettre que le pouvoir constituant originaire s’épuise dans le premier usage.  Alors il subsiste[88].

1.  According to Georges Burdeau, the theory of the disappearance of the originating constituent power is only acceptable if we first admit that the constitution is a perfect work which can last forever.  For, if this is true, once the constitution is made by an originating constituent power, the latter can vanish, because the constitution is perfect and will last eternally, so we no longer need an originating constituent power.  However, historical experience teaches us that no constitution can claim to be eternal.  It is therefore not possible to admit that the originating constituent power exhausts itself in the first use.  It therefore remains.[88]

2.  D’après Georges Burdeau, la thèse de la transformation du pouvoir constituant originaire en pouvoir constituant institué repose sur un syllogisme étayé lui-même par une pétition de principe.  Voici le syllogisme:

2.  According to Georges Burdeau, the theory of the transformation of the originating constituent power into an instituted constituent power rests on a syllogism, itself propped up a by begging of the question.  Here is the syllogism:

– le pouvoir constituant, lorsqu’il est aménagé par la constitution, devient un pouvoir constitué

– the constituent power, when arranged by the constitution, becomes a constituted power

– la nation est liée par le fonctionnement des pouvoirs constitués;

– the nation is bound by the functioning of the constituted powers;

– donc, elle est liée par l’organisation de la révision réglée par l’acte constitutionnel.

– it is therefore bound by the organization of revision regulated by the constitutional act.

Et voici la pétition de principe :

And here is the begging of the question:

– le pouvoir constituant devient le pouvoir institué du seul fait de son aménagement par la constitution[89].

– the constituent power becomes the instituted power by the sole fact of its arrangement by the constitution.[89]

Selon Georges Burdeau,

According to Georges Burdeau,

«c’est ce qu’il faudrait prouver … et ce qui ne peut l’être, car ce n’est pas en faisant du pouvoir constituant un pouvoir constitué par son aménagement qu’on l’empêchera de demeurer constituant par son objet. Malgré son baptême il restera carpe … Et comme la majeure du syllogisme repose sur cette pétition de principe, c’est le syllogisme dans son ensemble qui s’effondre»[90].

“This is what would have to be proved … but cannot, because it is not by making the constituent power into a constituted power that it is prevented from remaining constituent as to its object.&nbp; It remains a fish in spite of its baptism … And since the syllogism in large part rests on this prophecy, it is the syllogism as a whole that collapses”.[90]

3.  Selon Georges Burdeau encore, la transformation du pouvoir constituant originaire en pouvoir constitué porte atteinte à la souveraineté nationale.  Car, dans ce cas la nation sera liée par la décision de ce pouvoir constitué chargé de révision constitutionnelle.  «Or, le seul fondement valable de l’obligation où se trouve la nation de respecter la volonté des pouvoirs constitués, c’est la possibilité qu’elle conserve de les organiser différemment»[91].  Et d’après Georges Burdeau, avec l’attribution du pouvoir constituant à un organe constitué, cette liberté disparaît puisque cet organe constitué pourrait éventuellement écarter la nation de la possibilité d’organiser les pouvoirs constitués différemment.  On ne peut donc pas dire que la révision faite par l’organe constitué est toujours celle qui est voulue par la nation.  Car, l’organe de révision peut faire une telle révision constitutionnelle pour qu’à l’avenir la nation n’ait plus la possibilité d’influencer la procédure de révision[92].

3.  According to Georges Burdeau again, the transformation of the originating constituent power into a constituted power undermines national sovereignty.  Because, in this case, the nation will be bound by the decision of this constituted power charged with constitutional revision.”  However, the only valid basis for the nation’s obligation to respect the will of the constituted powers is the possibility that it retains to organize them differently”.[91]  And according to Georges Burdeau, in attributing constituent power to a constituted body, this liberty vanishes, since this constituted body might eventually preclude the nation’s reorganizing of the constituted powers.  We cannot therefore say that the revision made by the constituted body is always the one deired by the nation.  For, the revising body can revise the constitution so that in future the nation could no longer influence the revision process.[92]

Ainsi, [selon] Georges Burdeau affirme qu’«il est impossible d’aligner le pouvoir constituant sur le même plan que les pouvoirs constitués par le seul artifice de son aménagement par la constitution»[93].  Car, le souveraine demeure toujours libre de réorganiser le pouvoir de révision.

Thus, Georges Burdeau affirms that “it is impossible to align the constituent power on the same level as the constituted powers solely by the artifice of its arrangement by the constitution”.[93]  For, the sovereign remains always free to reorganize the power of revision.

4.  Enfin Georges Burdeau invoque un dernier argument contre la thèse de la transformation du pouvoir constituant originaire en pouvoir constituant institué.  C’est la possibilité du changement du souverain.  Certes, l’hypothèse n’est pas fréquente.  Cependant elle peut se produire.  Qu’adviendra-t-il si le souverain a été changé dans le pays à la suite de la modification de l’équilibre des forces?  Pourra-t-on affirmer que le nouveau souverain sera lié, quant à l’exercice du pouvoir constituant, par la procédure de révision prévue par la constitution en vigueur?

4.  Finally, Georges Burdeau invokes one last argument against the theory of the transformation of the originating constituent power into an instituted constituent power.  This is the possibility of a change of sovereign.  Admittedly, the hypothesis is not often proposed.  However, what would happen if the sovereign had been changed in a country after an amendment of the balance of forces?  Could it be affirmed that, as to the exercice of constituent power, the new sovereign would be bound by the procedure of revision provided for by the constitution in force?

«Quand bien même le souverain du régime précédent aurait lui-même établi cette procédure, il est clair qu’elle n’obligera pas son successeur.  Qu’est-ce à dire, sinon qu’il subsiste un pouvoir constituant qui n’est pas absorbé par les institutions de l’ordre juridique positif»[94]?

“In spite of the fact that the sovereign of the previous regime had itself established this procedure, it is clear that it will not bind its successor.  What does this mean, if not that there remains a constituent power which is not absorbed by the institutions of the positive legal order”?[94]

5.  Dans le même sens, Dmitri Georges Lavroff souligne que

5.  In the same sense, Dmitri Georges Lavroff underscores that

«le fait que le souverain détermine une organisation constitutionnelle n’implique pas qu’il soit définitivement lié par celle-ci notamment qu’il ne puisse s’expliquer autrement que par la voie qui a été définie pour que les organes institués puissent réviser la constitution»[95].

The fact that the sovereign determines a constitutional organization does not imply that it is definitively bound by it, in particular that it cannot act otherwise than by way of the defined route, in order for the instituted bodies to be able to revise the constitution”.[95]

Selon le président Lavroff,

According to the chairman Lavroff,

«la seule obligation que le souverain s’est créée en établissant une organisation constitutionnelle, c’est de respecter sa présence et non pas de s’imposer son maintien.  Le constituant originaire a toujours la possibilité de modifier l’organisation constitutionnelle, les organes institués qu’il a mis en place, il a simplement l’obligation de mettre fin à l’institution qu’il a créée avant de la remplacer par une autre, mais il n’est jamais obligé de la conserver indéfiniment.  Comment peut-on soutenir que le titulaire du pouvoir constituant originaire, qui est nécessairement le souverain, soit limité par ses propres créations et par l’ordre juridique qu’il a établi»[96]?

“The only obligation that the sovereign created for itself by establishing a constitutional organization is to respect its presence; and not to oblige itself as to its maintenance.  The originating constituent can always modify the constitutional organization, the instituted bodies that it has set up, it simply has the duty to put an end to the institution that it created before replacing it with another, but it never has to keep it indefinitely.  How can it be maintained that the holder of originating constituent power, who is necessarily the sovereign, is limited by its own creations and by the legal order it has established”?[96]

6.  En dernier lieu, Carl Schmitt, lui non plus, n’accepte pas la thèse de la transformation du pouvoir constituant originaire en pouvoir de révision constitutionnelle.  Car, selon le célèbre constitutionnaliste du IIIe Reich, le pouvoir constituant [originaire[97]] est inaliénable.  Le pouvoir constituant [originaire] «ne peut pas être transmis, aliéné, absorbé ou consommé.  Il continue toujours à exister virtuellement, coexiste et reste supérieur à toute constitution qui procède de lui et à toute disposition des lois constitutionnelles valide au sein de cette constitution»[98].  L’exercice du pouvoir constituant ne s’épuise pas[99].  D’après lui,

6.  Finally, Carl Schmitt, too, does not accept the theory of the transformation of the originating constituent power into a power of constitutional revision.  For, according to this famous constitutional scholar of the Third Reich, the [originating97] constituent power is inalienable.  The [originating] constituent power cannot be transmitted, alienated, absorbed or consumed.  It always continues to exist virtually, coexists with and remains superior to any constitution that proceeds from it and to any provision of valid constitutional laws within this constitution”.[98]  The exercise of constituent power is not exhausted.[99]  According to him,

«de même qu’édicter un règlement d’organisation n’épuise pas le pouvoir d’organisation de celui qui a la haute main sur l’organisation et le pouvoir d’organisation, de même édicter une constitution ne peut en aucun cas épuiser, absorber ou consommer le pouvoir constituant [originaire].  Le pouvoir constituant [originaire] n’est pas abrogé ou évacué parce qu’il s’est exercé une fois.  La décision politique que représente la constitution ne peut agir en retour sur son sujet et supprimer son existence politique.  Cette volonté continue à exister à coté de la constitution et au-dessus d’elle»[100].

“Just as enacting an organizational rule does not exhaust the organizational power of whoever has the upper hand over the organization and the power of organization, likewise, enacting a constitution can in no case exhaust, absorb or consume [originating] constituent power.  [Originating] constituent power is not abrogated or removed because it has been exercised once.  The political decision represented by the constitution cannot act in return on its subject and suppress its political existence.  This volition continues to exist alongside the constitution and above it”.[100]

Après avoir ainsi vu les critiques adressées à la thèse de la transformation du pouvoir constituant originaire en pouvoir constituant institué, maintenant nous pouvons passer à la troisième thèse.

Having thus seen the critiques addressed to the theory of the transformation of the originating constituent power into an instituted constituent power, we can now move on to the third theory.

C.  La thèse de la coexıstence du pouvoır constıtuant orıgınaıre et du pouvoır de révısıon constıtutıonnelle

C.  The theory of the coexıstence of the originating constituent power and the power of constitutional revision

Cette thèse a été développée par le professeur Georges Burdeau dans son Traité de science politique[101].  Selon l’auteur, la thèse de la permanence du pouvoir constituant originaire et celle de la transformation de ce pouvoir en pouvoir institué, l’une et l’autre, sont excessives.  La première «élimine toute possibilité pour une constitution de prévoir utilement sa propre modification»[102].  La deuxième «élimine radicalement, dans le cadre d’un ordre juridique donné, toute possibilité d’intervention régulière du pouvoir constituant originaire.  Ses manifestations ne pourront, par conséquent, qu’être affectées d’un caractère révolutionnaire»[103].  Dans le premier cas, «c’est la stabilité des institutions qui est compromise puisque, dès qu’il s’agira de les toucher, il faudra faire appel au pouvoir originaire dont les réactions sont souvent brutales et toujours imprévues»[104].  Dans le second cas, «ce sont les prérogatives du souverain qui risquent de se voir méconnues puisque le statut constitutionnel de l’Etat peut être changé sans son consentement actuel»[105].

This theory was developed by Professor Georges Burdeau in his [Treatise on political science[101].  According to the author, the theory of the permanence of the originating constituent power and that of the transformation of this power into an instituted power, both, are excessive.  The first “eliminates any possibility for a constitution to usefully provide for its own modification” [102].  The second “radically eliminates, within the framework of a given legal order, any possibility of regular intervention by the originating constituent power.  Its manifestations can therefore only assume a revolutionary character”.[103] In the first case, “stability of institutions is compromised since, as soon as it comes to touching them, the originating power will have to be called on, whose reactions are often brutal and always unforeseen”[104].  In the second case, “it is the prerogatives of the sovereign which risk being disregarded since the constitutional status of the state can be changed without its current consent”.[105]

C’est pourquoi, Georges Burdeau essaye de trouver un moyen terme entre ces deux extrêmes.

This is why Georges Burdeau tries to find a middle ground between these two extremes.

D’abord Georges Burdeau constat que «presque toutes les constitutions écrites prévoient la manière dont elles peuvent être modifiées, ce qui veut dire qu’elles organisent – et lient par conséquent – l’exercice du pouvoir constituant»[106].  Et puis, il pose la question suivante:  «Dans quelle mesure une pratique si répandue peut-elle se concilier, en fait, avec l’existence du pouvoir constituant proprement dit»[107]?

First of all, Georges Burdeau notes that “nearly all written constitutions provide for the manner by which they may be amended, meaning that they organize – and are thus bound by – the exercise of the constituent power.”[106]  And then, he asks the following question:  “To what degree does a practice so widely spread reconcile itself, in fact, with the existence of the constituent power”?[107]

Ensuite pour trouver un terrain de compromis, Georges Burdeau considère les raisons qui militent en faveur de l’intervention d’un pouvoir constituant institué.

Then, to find a ground of compromise, Georges Burdeau considers the reasons which militate in favor of the intervention of an instituted constituent power.

«Il s’agit, écrit-il, avant tout, d’éliminer le jeu de forces politiques inorganisées, d’éviter l’agitation et le désordre que ne manque pas de déclencher l’intervention du pouvoir constituant originaire … C’est pourquoi la plupart des constitutions prévoient elles-mêmes l’autorité qui aura qualité pour les modifier et la procédure selon laquelle seront effectués les changements éventuels»[108].

“It is above all a question,” he writes, “of eliminating the play of unorganized political forces, of avoiding the agitation and disorder that the intervention of the originating constituent power would not fail to unleash … This is why most constitutions provide for the authority with the capacity to amend them and the procedure by which the eventual changes will be achieved”.[108]

Selon Georges Burdeau, «il y a là un souci légitime de garantir contre les emportements du souverain la stabilité des institutions en vigueur.  On ne saurait donc nier l’opportunité de l’aménagement d’un pouvoir de révision»[109].

According to Georges Bureau, “there is a legitimate desire to guarantee the stability of existing institutions against flights of the sovereign.  The felicitousness of a power of revision could therefore hardly be denied”.[109]

Mais d’autre part, il faut sauvegarder la permanence du pouvoir constituant originaire.  C’est pourquoi Georges Burdeau envisage la coexistence du pouvoir constituant institué avec le pouvoir constituant originaire.  Et pour cela, selon lui, le pouvoir constituant institué doit respecter une triple condition[110].

But on the other hand, the permanence of the original constituent power must be safeguarded.  This is why Georges Burdeau contemplates the coexistence of the instituted originating power with the originating constituent power.  And for this, in his view, the instituted constituent power must respect three conditions.[110]

(1) «Le pouvoir constituant institué ne peut d’abord prétendre éliminer le pouvoir originaire. En aucun cas, son établissement n’implique que le souverain a renoncé à ses prérogatives constituantes»[111].

(1) “The instituted constituent power first cannot claim to eliminate the originating power.  In no case does its establishment mean that the sovereign has renounced its constituent prerogatives.”[111]

(2) Le pouvoir constituant institué est seulement compétent pour des révisions limitées[112].

(2) The instituted constituent power is only competent for limited revisions.[112]

(3) «Enfin, l’existence d’une procédure de révision ne sera compatible avec le pouvoir constituant du souverain que dans la mesure où elle permettra à celui-ci de se faire entendre au cours de l’opération»[113].

(3)  “Lastly, the existence of a revision procedure would only be compatible with the constituent power of the sovereign to the extent it allows the latter to be heard in the course of the operation.”[113]

II.  L’apprécıatıon générale de la questıon

II.  General apprecıatıon of the questıon

Comme nous l’avons indiqué dans l’introduction, selon la conception que nous avons adoptée dans ce travail, il n’appartient pas à la science du droit de justifier telle ou telle doctrine sur telle ou telle institution.  La science du droit a pour objet les normes juridiques.  La tâche de la science du droit, comme celle de toutes les autres sciences est seulement de décrire, non pas de prescrire.

As we have indicaated in the introduction, according to the view that we have adopted in this work, it is not up to legal science to justify a given doctrine concerning a given institution.  The object of legal science is legal norms.  The task of legal science, like that of all the other sciences, is only to describe not to prescribe.[114]

C’est pourquoi, nous excluons, par hypothèse même, les arguments prescriptifs invoqués pour justifier la thèse de la permanence du pouvoir constituant originaire ou celle de sa transformation en pouvoir institué, ou celle de la coexistence de ces deux pouvoirs.

This is why we necessarily exclude prescriptive arguments advanced to justify the theory of the permanence of the originating constituent power or that of its transformatioon into an instituted power, or that of the coexistence of these two powers.

Ainsi, les arguments de Sieyès invoqués en faveur de la thèse de la permanence du pouvoir constituant originaire n’ont pour objet de que justifier cette thèse, non pas décrire une norme juridique.  Par exemple, Sieyès affirmait qu’«une nation ne doitI[115] pas se mettre dans les entraves d’une forme positive»[116], et que «la nation … doit[117] être dans cette fonction, libre de toute contrainte, et de toute forme, autre que celle qu’il lui plaît d’adopter»[118], ainsi qu’«on doit[119] concevoir les nations sur la terre comme des individus hors du lien social ou, comme l’on dit, dans l’état de nature»[120].  Comme on le voit, ces propositions sont prescriptives, non pas descriptives, par conséquent elles n’appartiennent pas à la science du droit.  D’ailleurs elles ne concernent nullement une norme juridique.

Thus, the arguments advanced by Sieyès in favor of the theory of the permanence of the originating constituent power are only intended to justify this theory, not to describe a legal norm.  For example, Sieyès affirmed that a nation must[115] not place itself into the shackles of a positive form[116], and that the nation must[117] … in this function, be free of all constraint and of all forms other than what which it pleases to adopt.”[118], so that nations on this Earth must be viewed as individuals outside of all social ties, or, as they say, in a state of nature.[120]

  As we can see, these propositions are prescriptive, not descriptive, therefore they do not belong to the science of law.  Moreover, they in no way concern a legal norm.

D’autre part, une partie des arguments invoqués en faveur de la thèse de la transformation du pouvoir constituant originaire en pouvoir constituant institué, eux non plus, ne relèvent pas de la science juridique.  Par exemple, rappelons-nous que selon Georges Burdeau (dans sa thèse de doctorat), le pouvoir constituant originaire, après avoir fait la première constitution, doit disparaître pour laisser sa place au pouvoir institué, car la permanence d’un pouvoir constituant libre de toutes formes n’assure à l’Etat aucune stabilité et conduit à une agitation révolutionnaire chronique[121], tandis que l’attribution de la tâche de révision constitutionnelle à seul un pouvoir de révision organisé par la constitution peut assurer une vie juridique régulière et paisible[122].  Ces propositions, quoiqu’elles expriment une idée juste ou injuste, ne décrivent aucune norme juridique.

Furthermore, a part of the arguments advanced in favor of the theory of the transformation of the originating constituent power into an instituted constituent power are also not derived from legal science.  For example, remember that according to Georges Burdeau (in his doctoral thesis), the originating constituent power, after having made the first constitution, must disappear to leave an instituted power in its place, because the permanence of a constituent power free of all forms assures no stability to the State and leads to chronic revolutionary agitation,[121]  whereas the attribution of the task of constitutional revision solely to a power of revision organized by the constitution assures a regular and peaceful legal existence.[122]  These propositions, whether they express a right or a wrong idea, do not describe a legal norm.

En outre, une partie des arguments de Georges Burdeau (dans son Traité) invoqués en faveur de la thèse de la coexistence du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant institué n’appartiennent non plus à la science du droit.  Comme on l’a vu, Georges Burdeau, d’une part, constate que le pouvoir constituant originaire ne disparaît pas après avoir établi une nouvelle constitution, mais d’autre part, il essaye de justifier la coexistence d’un pouvoir de révision organisé par la constitution.  Rappelons-nous ce passage que nous avons déjà cité:

Again, some of Georges Burdeau’s arguments (in his Treatise) favoring the theory of the coexistence of the originating constituent power and the instituted constituent power, also do not belong to legal science.  As we saw, Georges Burdeau, on one hand, notes that the originating constituent power does not disappear after establishing a new constitution, but on the other hand, he tries to justify the coexistence of a power of revision organized by the constitution.  Remember this passage, that we cited above:

«Il y a là un souci légitime de garantir contre les emportements du souverain la stabilité des institutions en vigueur.  On ne saurait donc nier l’opportunité de l’aménagement d’un pouvoir de révision».&nbsap; Mais puisque, par ailleurs, celui-ci doit sauvegarder la permanence du pouvoir originaire, il devra respecter une triple condition»[123].

“There is a legitimate desire to guarantee the stability of existing institutions against flights of the sovereign.  The felicitousness of a power of revision could therefore hardly be denied”.  But since, moreover, this must safeguard the permanence of the originating power, it must respect a three-fold condition”[123].

Comme on le voit clairement, le langage de Georges Burdeau est un langage prescriptif, et non pas descriptif.  Il veut légitimer l’existence d’un pouvoir constituant institué, autrement dit il veut justifier l’opportunité de l’organisation d’un tel pouvoir.  Comme on l’a dit, il n’appartient pas à la science du droit de justifier quoi que ce soit.  La science du droit a pour objet de décrire les normes juridiques en vigueur.  Or les propositions de Georges Burdeau ne sont pas relatives à une norme juridique.  De plus, Georges Burdeau prescrit une norme qui n’existe dans aucun texte positif: «le pouvoir de révision doit respecter une triple condition».  Par exemple, une de ces conditions est que le pouvoir de révision ne peut pas entreprendre une refonte totale des institutions constitutionnelles, ainsi qu’il ne peut pas atteindre à l’esprit du régime politique ou à la substance de l’idée de droit[124].  Cependant ces conditions ne sont pas inscrites dans le texte de la Constitution.  Ainsi Georges Burdeau essaye non seulement de justifier l’opportunité de telle ou telle disposition constitutionnelle, mais encore de prescrire des normes qui n’existent pas dans la constitution.  Or, le rôle de la science du droit est seulement de décrire les normes juridiques en vigueur, non pas ni de justifier leur opportunité, ni de prescrire des nouvelles normes[125].

As can clearly be seen, the language of Georges Burdeau is prescriptive and not descriptive language.  He wants to legitimize the existence of an instituted constituent power, or put another way, he wants to justify the felicitousness of the organization of such a power.  As we have said, it does not belong to legal science to justify anything whatsoever.  The object of legal science is to describe legal norms in force.  Now, Georges Burdeau’s propostions are not in relation to a legal norm.  Furthermore, Georges Burdeau prescribes a norm that does not exist in any positive text:  “the power of revision must respect three conditions”.  For example, one of these conditions is that the power of revision cannot undertake a complete recasting of constitutional institutions, so that it cannot attack the spirit of the political regime or the substance of the legal idea.[124]  However, these conditions are not written into the text of the Constitution.  Thus Georges Burdeau not only tries to justify the advisability of this or that constitutional provision, but also to prescribe norms which do not exist in the constitution.  However, the role of the science of law is only to describe the legal norms in force, not nor to justify their advisability, nor to prescribe new norms.[125]

* * *

* * *

Alors, maintenant, conformément à notre conception de la science du droit, c’est à dire, en décrivant les normes constitutionnelles, essayons de vérifier le bien fondé de ces trois thèses, c’est à dire celle de la permanence exclusive du pouvoir constituant originaire, celle de la transformation de ce pouvoir en pouvoir constituant institué et celle de la coexistence de ces deux pouvoirs.

So, now, in keeping with our view of legal science, meaning that it describes constitutional norms, let’s try to verify the tenability of these three theories, i.e., that of the exclusive permanence of the originating constituent power, that of the transformation of this power into an instituted constituent power, and that of the coexistence of these two powers.

Commençons d’abord par la première.

Let’s start with the first one.

A.  La vérıfıcatıon de la thèse de la permanence exclusıve du pouvoır constıtuant orıgınaıre

A.  Verıfıcatıon of the theory of the exclusive permanence of the originating constıtuent power

Rappelons-nous que selon cette thèse, c’est le pouvoir constituant originaire qui a établi la constitution qui va la réviser.  A chaque fois que l’on a besoin de réviser la constitution, c’est toujours le même pouvoir constituant souverain qui intervient.  Par conséquent, dans cette thèse, il n’y a pas de place pour un pouvoir constituant institué.  Autrement dit, cette thèse, telle qu’elle est défendue par Sieyès, nie l’existence même d’un pouvoir constituant institué.

Remember that according to this theory, the originating constituent power that established the constitution will revise it.  Whenever the constitution needs to be revised, it is always the same sovereign constituent power that intervenes.  Consequently, in this theory, there is no room for an instituted constituent power.  Put another way, this theory, as defended by Sieyès, denies the very existence of an instituted constituent power.

Or quand on regarde les constitutions, on voit que presque toutes les constitutions organisent un pouvoir de révision, en réglementant la procédure de leur révision. En d’autres termes, la présence des normes constitutionnelles qui règlent la révision constitutionnelle atteste qu’il existe un pouvoir de révision. Alors, si cette thèse niant l’existence du pouvoir constituant institué avait été retenue par le droit positif, les constitutions ne devraient pas comporter les règles prévoyant leur révision. Par conséquent, nous pouvons affirmer que la thèse de la permanence exclusive du pouvoir constituant originaire, telle qu’elle est défendue par Sieyès, n’est pas fondée devant l’existence des normes de la constitution qui règlent la révision constitutionnelle. En d’autres termes, cette thèse a été démentie par le droit positif.

Now, when looking at constitutions, we see that almost all constitutions organize a power of revision by regulating the procedure for their revision.  In other words, the presence of constitutional norms which regulate constitutional revision attest that a power of revision exists.  So, if this theory denying the existence of instituted constituent power had been retained by positive law, constitutions ought not to include rules providing for their revision.  Consequently, we can confirm that the theory of the exclusive permanence of an originating constituent power, as defended by Sieyès, is not vindicated when confronted with the existence of constitutional norms that regulate constitutional revision.  In other words, this theory has been disproved by positive law.

B.  La vérıfıcatıon de la thèse de la transformatıon du pouvoır constıtuant orıgınaıre en pouvoır constıtuant ınstıtué

B.  Verıfıcatıon of the theory of the transformatıon of the originating constituent power into an instituted constıtuant power

On se souviendra que, selon cette thèse, les constitutions, en réglementant leur révision, organisent un pouvoir de révision.  Ainsi, une fois que le pouvoir constituant originaire établit la constitution, il disparaît en se transformant en pouvoir constituant institué.  C’est à dire que le pouvoir constituant originaire, lorsque la constitution a organisé sa révision, dévient un pouvoir constituant institué.  Et comme on l’a vu, dans cette thèse il n’y a pas de place pour le pouvoir constituant originaire permanent.  Par conséquent la constitution ne peut être révisée que par la mise en oeuvre des procédés prévus par la constitution elle-même à cet effet.  Ainsi cette thèse, qui soutient le caractère momentané du pouvoir constituant originaire, nie la possibilité de réapparition de ce pouvoir après avoir fait une nouvelle constitution.

It will be remembered that, according to this theory, constitutions, in regulating their own revision, organize a power of revision.  Thus, once the originating constituent power establishes the constitution, it disappears by transforming itself into an instituted constituent power.  Meaning to say that the originating constituent power, when the constitution has organized its own revision, becomes an instituted constituent power.  And, as we have seen, in this theory there is no room for a permanent originating constituent power.  In consequence, the constitution cannot be revised except by the implementation of procedures provided for this purpose by the constitution itself.  Therefore, this theory, which argues for the momentary character of the originating constituent power, denies the possibility of the reappearance of this power after it makes a new constitution.

Pour vérifier le bien-fondé de cette thèse devant les normes constitutionnelles, posons-nous la question suivante:  L’organisation d’un pouvoir de révision signifie t elle la disparition du pouvoir constituant originaire?  En d’autres termes, la présence des dispositions de la constitution qui règlent la révision constitutionnelle élimine t elle l’existence permanente du pouvoir constituant originaire?

To verify the tenability of this theory in the face of constitutional norms, we ask the following question:  Does the organization of a power of revision signify the disappearance of the originating constituent power?  In other words, does the presence of constitutional provisions which regulate constitutional revision rule out the permanent existence of the originating constituent power?

A notre avis, non.  Parce que, selon la conception formelle que nous avons adoptée dans cette thèse, le pouvoir constituant originaire est un pur fait, non susceptible de qualification juridique.  Ce pouvoir, on l’a vu, s’exerce par les voies révolutionnaires[126].  Le pouvoir constituant originaire, après avoir fait une nouvelle constitution se retire de l’exercice pour une certaine durée, mais il ne disparaît pas éternellement, parce qu’il a toujours la possibilité de se remettre en exercice, de réapparaître, simplement en procédant à une révolution.  En d’autres termes, pour que le pouvoir constituant originaire réapparaisse, il lui suffit d’abroger ou de déconstitutionnaliser la constitution en vigueur et d’anéantir le pouvoir de révision constitutionnelle en place.  Mais cette possibilité dépend des circonstances de forces, c’est à dire qu’elle relève du domaine du fait, non pas du droit.

In our view, no.  Because, according to the formal conception that we have adopted in this thesis, the originating constituent power is a pure fact, not susceptible of legal characterization.  This power, as we saw, acts through revolutionary channels.[126]  The originating constituent power, having made a new constitution, withdraws from the exercise for a certain duration, but it does not disappear forever, because it can always go back into action, reappear, simply by carrying out a revolution.  In other words, for the originating constituent power to reappear, it only has to abrogate or deconstitutionalize the existing power of constitutional revision.  But this possibility depends on circumstances of force, meaning that it belongs to the realm of fact, not of law.

Par conséquent on ne peut pas nier la possibilité de la réapparition du pouvoir constituant originaire.  Car, nier cette possibilité revient à nier aussi le phénomène des révolutions.  Or, comme on le sait, les révolutions sont des purs faits qui ne connaissent pas des restrictions juridiques.  De ce fait, une constitution ne peut ni prévoir, ni interdire sa révision révolutionnaire.  Même si une constitution comporte une règle interdisant sa révision révolutionnaire, cette règle n’a aucun sens, n’a aucune valeur juridique.  Car, les dispositions de la constitution sont adressées aux pouvoirs constitués, mais non pas au pouvoir constituant originaire.  Le pouvoir constituant originaire, étant un pouvoir de fait, n’est pas lié par les dispositions constitutionnelles.

Consequently, the possibility cannot be denied of the reappearance of the originating constituent power.  For, to deny this possibility amounts to denying the phenomenon of revolutions.  Now, as we know, revolutions are pure facts which know no legal restrictions.  Hence, a constitution can neither anticipate nor forbid its revolutionary revision.  Even if a constitution includes a rule forbidding its revolutionary revision, this rule is meaningless, it has no legal value.  Because constitutional provisions are addressed to constituted powers, not to an originating constituent power.  The originating constituent power, being a de facto power, is not bound by the constitutional provisions.

En conséquence, les dispositions de la constitution qui règlent sa révision n’interdisent pas la révision révolutionnaire de la constitution, c’est à dire la révision faite par le pouvoir constituant originaire.  Alors, le pouvoir constituant originaire ne disparaît pas, ou ne se transforme pas en pouvoir constituant institué du seul fait que la constitution organise un pouvoir de révision.  Bref le pouvoir constituant originaire n’est qu’un pur fait; et un pouvoir de fait ne peut pas être réglementé par le droit.  Ainsi une disposition de la constitution ne peut pas disparaître du pouvoir constituant originaire.

Consequently, provisions of the constitution which regulate its own revision do not forbid revolutionary revision of the constitution, meaning revision made by the originating constituent power.  So, the originating constituent power does not disappear, or is not transformed into an instituted constituent power by the sole fact that the constitution organizes a power of revision.  In short, the originating constituent power is but a pure fact; and a de facto power cannot be regulated by law.  Thus, a provision of the constitution cannot cause the originating constituent power to disappear.

De plus il est logiquement impossible de transformer le pouvoir constituant originaire en pouvoir constituant institué, car ces deux pouvoirs se trouvent dans deux différents mondes:  le premier dans le monde des faits, le deuxième dans celui du droit.  Et, selon la «loi de Hume», il n’y a pas de passage autorisé entre ces deux mondes[127].

In addition, it is logically impossible to transform the originating constituent power into an instituted constituent power, for these two powers are found in two different worlds:  the first in the world of facts, the second in the that of law.  And, according to “Hume’s law”, there is no authorized passage between these two worlds.[127]

D’ailleurs, dans la pratique aussi, probablement parce qu’étant conscientes de ce phénomène, les constitutions en général ne nient pas les révolutions.  Presque toutes les constitutions organisent leur révision,  Cependant ces mêmes constitutions ne contiennent aucune disposition interdisant leur révision révolutionnaire.  A notre connaissance, il y a seulement deux constitutions qui nient le phénomène révolutionnaire.  L’article 136 de la Constitution du Mexique du 31 janvier 1917[128] et l’article 250 de la Constitution du Venezuela du 23 janvier 1961[129] stipulent que les interventions de fait n’ont aucun effet sur la validité de la constitution.

Moreover, in practice also, probably due to awareness of this phenomenon, constitutions in general do not deny revolutions.  Almost all constitutions organize their revision.  However, these same constitutions do not contain any provision prohibiting their revolutionary revision.  To our knowledge, there are only two constitutions that deny the revolutionary phenomenon.  Article 136 of the Constitution of Mexico of January 31, 1917[128] and article 250 of the Constitution of Venezuela of January 23, 1961 [129] stipulate that de facto interventions have no effect on the validity of the constitution.

Même si une constitution interdit sa révision révolutionnaire, cette interdiction n’a aucun sens, n’a aucune valeur juridique.  Car, comme on vient de l’expliquer les révolutions sont des purs faits qui ne connaissent pas de restrictions juridiques.

Even if a constitution forbade its own revolutionary revision, this interdiction would be meaningless, it would have no legal value.  For, as we have just explained, revolutions are pure facts which know no legal restrictions.

En conclusion (1) les dispositions de la constitution qui règlent la révision constitutionnelle n’interdisent pas la révision révolutionnaire de la constitution.  Car, elles sont adressées au pouvoir constituant institué, non pas au pouvoir constituant originaire.   Alors, l’organisation d’un pouvoir de révision ne signifie pas la disparition du pouvoir constituant originaire.

In conclusion (1) provisions of the constitution which regulate constitutional revision do not forbid revolutionary revision of the constitution.  For, they are addressed to the instituted constituent power, not to the originating constituent power.  Thus, the organization of a power of revision does not signify the disappearance of the originating constituent power.

(2) Même si une constitution, en interdisant sa révision révolutionnaire, prévoit la disparition du pouvoir constituant originaire, cette interdiction n’a aucun sens, n’a aucune valeur juridique. Car, une constitution ne peut ni prévoir ni interdire sa révision révolutionnaire.

(2) Even if a constitution, by forbidding its revolutionary revision, envisions the disappearance of the originating constituent power, this interdiction is meaningless, it has no legal value.  Because a constitution can neither foresee nor forbid its revolutionary revision.

En conséquence, le pouvoir constituant originaire, après avoir fait une nouvelle constitution, se retire de l’exercice pour une certaine durée, mais il ne disparaît pas éternellement.  Car il a toujours la possibilité de se remettre en exercice, de réapparaisse, de resurgir.  Pour cela il lui suffit d’abroger ou de déconstitutionnaliser la constitution en vigueur par la voie révolutionnaire.

In consequence, the originating constituent power, after making a new constitution, withdraws from exercise for a certain time, but it does not disappear forever.  Because it can always go back into action, reappear, rise up.  For this, it suffices to abrogate or to deconstitutionalize the constitution in force by the revolutionary route.

Maintenant passons à la vérification de la troisième thèse.

Let’s move on now to verification of the third theory.

C.  La vérıfıcatıon de la thèse de la coexıstence du pouvoır constıtuant orıgınaıre et du pouvoır constıtuant ınstıtué

C.  Verıfıcatıon of the theory of the coexıstence of the originating constıtuent power and of the instituted constıtuent power

Rappelons-nous que cette thèse, qui est défendue par Georges Burdeau, essaye de trouver un moyen terme entre les deux premières thèses extrêmes.  Dans cette thèse, il y a la place pour les deux pouvoirs constituants.  En effet, Georges Burdeau, d’une part, en acceptant la permanence du pouvoir constituant du souverain, et d’autre part, en observant «l’opportunité de l’aménagement d’un pouvoir de révision»[130], envisage la coexistence du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant institué.  Et pour cela, il prévoit quelques conditions que nous avons vues plus haut.  Soulignons seulement que, selon une de ces conditions, la procédure de révision doit permettre au pouvoir constituant du souverain de se faire entendre au cours de l’opération[131].  En d’autres termes, le souverain, c’est à dire le pouvoir constituant originaire peut toujours intervenir dans l’opération de révision constitutionnelle.

Remember that this theory, defended by Georges Burdeau, seeks a middle ground between the two extreme theories.  In this theory, there is room for two constituent powers.  Indeed, Georges Burdeau, on one hand, by accepting the permannce of the originating constituent power of the sovereign, and on the other hand, by noting the “felicitousness of a power of revision”[130], contemplates the coexistence of the originating constituent power and the instituted constitiuent power.  And for this, he foresees a few conditions that we looked at further above.  We would only underline that, according to one of these conditions, the procedure of revision must allow the soveriegn constituent power to be heard in the course of the opertion.[131]  In other words, the sovereign, meaning the originating constituent power, can always intervene in the operation of constitutional revision.

A notre avis, la thèse de la coexistence du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant institué, telle qu’elle est entendue par Georges Burdeau, est loin d’être discutable.  Car, d’abord, répétons que nous acceptons la permanence du pouvoir constituant originaire, telle que nous l’avons expliquée en haut, c’est à dire que le pouvoir constituant originaire, après avoir fait une nouvelle constitution, ne disparaît pas éternellement.  Il subsiste donc.  Il a toujours la possibilité de réapparaître.  Il peut intervenir quand il veut, comme il le veut.  Cependant, par définition même, il ne peut intervenir que par les voies révolutionnaires, c’est à dire en abrogeant ou en déconstitutionnalisant la constitution en vigueur.  Car, le pouvoir constituant originaire, selon la conception formelle, ne peut s’exercer que dans le vide juridique.  Autrement dit, l’exercice d’un pouvoir constituant originaire et l’existence d’une constitution en vigueur ne sont pas en même temps concevables.  La présence d’une constitution signifie que le pouvoir constituant originaire n’est pas en exercice.  Par conséquent s’il y a une constitution en vigueur, et tant que celle-ci n’est pas abrogée ou déconstitutionnalisée, logiquement elle ne peut être révisée que par le pouvoir de révision constitutionnelle conformément à la procédure prévue par la constitution, non pas par le pouvoir constituant originaire.  De ce fait, la thèse de Georges Burdeau selon laquelle le pouvoir constituant originaire peut s’immiscer dans l’opération de révision ne nous paraît pas pertinente.  Car, ce dernier, on l’a dit, ne s’exerce pas en présence d’une constitution.  Autrement dit, pour que le pouvoir constituant originaire soit en exercice, il ne faut pas qu’il y ait une constitution en place.  Parce que par définition même il ne peut pas exister à la fois un pouvoir constituant originaire en exercice et une constitution en vigueur.

In our view, the theory of the coexistence of the originating constituent power and of the instituted constituent power, as understood by Georges Burdeau, is far from debatable.  Because, first, we repeat, we accept the permanence of the originating constituent power, such as we have explored it further above, meaning that the originating constituent power, after making a new constitution, does not disappear eternally.  It therefore subsists.  It can always reappear.  It may intervene when it wants, as it wants.  Even so, by definition, it cannot intervene by the revolutionary route, meaning by abrogating or by deconstitutionalizing the constitutionin force.  For, the orginating constituent power, in the formal conception, cannot act except in a legal void.  Put another way, the exercise of an originating constitution power and the existence of a constitution in force are not simultaneously conceivable.  The presence of a constitution signifies tha the originating constituent power is not being exercised.  Consequently, if there is a constitution in force, and as long as it is not abrogated or deconstitutionalized, logically, it cannot be revised other than by the power of constitutional revision in conformity with the procedure provided by the constitution, not by the originating constituent power.  Hence, the theory of Georges Burdeau that the originating constituent power can interfere in the operation of revision does not seem feasible.  Because, the latter, as we said, does not act in the presence of a constitution.  Put another way, for the originating constituent power to be in exercise, there must be no constitution in place.  Because by definition, an originating constituent power in exercise and a constitution in force cannot exist simultaneously.

Alors, le pouvoir constituant originaire ne peut s’exercer qu’après avoir abrogé ou déconstitutionnalisé la constitution en vigueur.  Et si une constitution est abrogée ou déconstitutionnalisée, le pouvoir de révision institué par cette constitution s’effondre aussi, car il tient son existence de cette constitution.  En d’autres termes, l’apparition du pouvoir constituant originaire implique néces¬sairement la disparition du pouvoir de révision constitutionnelle en place.  Alors, l’exercice du pouvoir constituant originaire et l’existence du pouvoir de révision constitutionnelle sont deux choses logiquement incompatibles[132].

Thus, the originating constituent power cannot act except after having abrogated or deconstitutionalized the constitution in force.  And if a constitution is abrogated or deconstitutionalized, the power of revision instituted by this constitution collapses, too, because it holds its existence from this constitution.  In other words, the appearance of the originating constituent power necessarily implies the disappearance of the power of constitutional revision.  Thus, the exercise of the originating constituent power and the existence of the power of constitutional revision are two logically incompatible things.[132]

En conséquence, la thèse de la coexistence de pouvoir constituant origi¬naire et du pouvoir de révision constitutionnelle, telle qu’elle est défendue par Georges Burdeau, c’est à dire que ces deux pouvoirs peuvent s’exercer en même temps, n’est pas acceptable, car s’il y a un pouvoir constituant originaire en exercice, cela implique nécessairement qu’il n’existe pas de pouvoir de ré¬vision constitutionnelle en place, et s’il y a un pouvoir de révision constitution¬nelle en place, cela signifie que le pouvoir constituant originaire n’est pas en exercice.

Consequently, the theory of the coexistence of the originating constituent power and of the power of constitutional revision, as defended by Georges Burdeau, i.e., that the two powers can act at the same time, is unacceptable, because if there is an originating constituent power in exercise, this necessarily implies that no power of constitutional revision exists, and if there is a constitutional power of revision in place, this means that the originating constituent power is not in exercise.

Alors, la thèse de la coexistence de pouvoir constituant originaire et du pouvoir de révision constitutionnelle ne peut être acceptée que si le pouvoir constituant originaire n’est pas en exercice.  Il faut donc reformuler cette thèse comme suit:  «la thèse de la coexistence du pouvoir constituant originaire qui n’est pas en exercice et du pouvoir de révision constitutionnelle qui est en exercice».  C’est à dire que cette thèse est fondée à condition que le pouvoir constituant originaire ne soit pas en exercice.

Now, the theory of the coexistence of the originating constituent power and of the power of constitutional revision cannot be accepted unless the originating constituent power is not in exercise.  This theory must therefore be reformulated as follows:  “the theory of the coexistence of the originating constituent power which is not in exercise and of the power of constitutional revision which is in exercise.”  Which is to say that this theory is founded on condition that the originating constituent power is not in exercise.

Et comme on l’a vu, le non-exercice du pouvoir constituant originaire, c’est à dire la réalisation de cette condition, dépend des circonstances de force.  Autrement dit, c’est une condition de fait, non pas de droit.  Par conséquent, même dans sa nouvelle formulation, cette thèse n’est pas fondée du point de vue de la théorie positiviste du droit, parce qu’elle insère une condition de fait dans une proposition de droit.  En d’autres termes, selon cette nouvelle formu¬lation, le pouvoir constituant originaire coexiste avec le pouvoir de révision constitutionnelle, s’il n’est pas en exercice. La vérification de la valeur «vraie / fausse» d’une proposition du droit se fait par le critère de la validité juridique.  Tandis que dans la proposition ci-dessus, il y a une prémisse dont la valeur «vraie» dépend des faits, non pas du droit.  En effet, le pouvoir constituant originaire peut être en exercice ou non, et cela ne dépend pas du droit, mais seulement des faits.

And, as we have seen, the non-exercise of the originating constituent poewr, meaning the realization of this condition, depends on circumstances of force.  Put another way, it is a de facto condition, not a legal one.  In consequence, even in its new formulation, this theory is not founded from the point of view of the positivist theory of law, because it inserts a condition of fact into a proposition of law.  In other words, according to this new formulation, the originating constituent power coexists with the constitutional power of revision.  Verification of the value “true/false” of a proposition of law is made through the criterion of legal validity.  Whereas, in the proposition above, there is a premise whose value is “true” depending on facts, not on law.  Indeed, the originating constituent power can be in exercise or not, and that depends not on law, but only on facts.

Alors, la thèse de la coexistence du pouvoir constituant originaire et du pouvoir de révision constitutionnelle telle qu’elle est formulée par Georges Burdeau n’est pas fondée, car si le pouvoir constituant originaire est en exer¬cice, le pouvoir de révision constitutionnelle disparaît.  C’est pourquoi il faut corriger comme il suit:  le pouvoir constituant originaire et le pouvoir de révi¬sion constitutionnelle coexistent, si le pouvoir constituant originaire n’est pas en exercice.  Néanmoins, même dans cette nouvelle formulation, cette thèse n’est pas fondée, parce qu’elle est en contradiction avec la «loi de Hume» se¬lon laquelle on ne peut pas inférer les conclusions du droit à partir de prémis¬ses des faits, autrement dit il n’y a pas de passage autorisé entre le «fait» et le «droit»[133].

Therefore, the theory of the coexistence of the originating constituent power and of the power of constitutional revision as formulated by Georges Burdeau is not founded, for if the originating constituent power is in exercise, the power of constitutional revision disappears.  This is why it must be corrected as follows:  the originating constituent power and the power of constitutional revision coexist, if the originating constituent power is not in action.  Nonetheless, even in this new formulation, this theory is not founded, because it is in contradiction with “Hume’s law” according to which conclusions of law cannot be inferred from premises of facts, or said another way, there is no authorized traffic between “fact” and “law”.[133]

Récapitulons maintenant nos conclusions ci-dessus.

Recapping our conclusions above:

1.  La thèse de la permanence exclusive du pouvoir constituant originaire, c’est à dire celle de la négation de l’existence du pouvoir de révision constitutionnelle n’est pas valable, parce que les constitutions, en organisant leur révi¬sion, créent un pouvoir de révision.

1.  The theory of the exclusive permanence of the originating constituent power, meaning the negation of the existence of the power of constitutional revision, is not valid, because constitutions, by organizing their own revision, create a power of revision.

2.  La thèse de la disparition du pouvoir constituant originaire n’est pas fondée, parce que l’organisation d’un pouvoir de révision par la constitution n’implique pas la disparition du pouvoir constituant originaire. Car les dis¬positions de la constitution qui règlent la révision constitutionnelle n’interdi¬sent pas la révision révolutionnaire de la constitution.  En effet, elles sont adressées au pouvoir de révision constitutionnelle, non pas au pouvoir consti¬tuant originaire.  Même si une constitution, en interdisant sa révision révolu¬tionnaire, prévoit la disparition du pouvoir constituant originaire, cette interdiction n’a aucun sens, n’a aucune valeur juridique, parce qu’une constitution ne peut ni prévoir, ni interdire sa révision révolutionnaire.  Alors, le pouvoir constituant originaire, après avoir fait une nouvelle constitution, se retire de l’exercice pour une certaine durée, mais il ne disparaît pas éternellement.  Car, il a toujours la possibilité de se remettre en exercice, de réapparaître, de resur¬gir.  Pour cela il lui suffit d’abroger ou de déconstitutionnaliser la constitution en vigueur par la voie révolutionnaire.

2.  The theory of the disappearance of the originating constituent power is not founded, because the organization of a power of revision by the constitution does not imply the disappearance of the originating constituent power.  Because constitutional provisions which regulate constitutional revision do not forbid revolutionary revision of the constitutions.  Indeed, they are addressed to the constitutional power of revision, not to the originating constituent power.  Even if a constitution, by forbidding its revolutionary revision, foresees the disappearance of the originating constituent power, this interdiction is meaningless, it has no legal value, because a constitution can neither foresee, nor forbid its revolutionary revision.  Thus, the originating constituent power, having made a new constitution, withdraws from exercise for a certain time, but it does not disappear forever.  Because, it can always go back into action, reappear, rise up.  For this, it suffices to abrogate or to deconstitutionalize the constitution in force by the revolutionary route.

3.  La thèse de la coexistence du pouvoir constituant originaire et du pou¬voir de révision constitutionnelle telle qu’elle est formulée par Georges Burdeau n’est pas fondée, car si le pouvoir constituant originaire est en exer¬cice, le pouvoir de révision constitutionnelle disparaît.  C’est pourquoi cette thèse doit être corrigée comme il suit:  le pouvoir constituant originaire et le pouvoir de révision constitutionnelle coexistent, à condition que le pouvoir constituant originaire ne soit pas en exercice.  Mais, même après cette correc¬tion, cette thèse n’est pas valable du point de vue de la théorie générale du droit, parce qu’elle insère une condition de fait dans une proposition du droit.

3.  The theory of the coexistence of the originating constituent power and of the power of constitutional revision as formulated by Georges Burdeau is not founded, because if the originating constituent power is in exercise, the power of constitutional revision disappears.  This is why this theory must be corrected as follows:  the originating constituent power and the power of constitutional revision coexist, on condition that the originating constituent power is not in exercise.  But, even after this correction, this theory is not valid from the viewpoint of the general theory of law, because it inserts a condition of fact into a proposition of law.

Quel que soit le bien-fondé de ces trois thèses, pour nous, il y a un pouvoir constituant originaire et un pouvoir de révision constitutionnelle.  Le pouvoir constituant originaire, après avoir fait une nouvelle constitution, se retire de l’exercice, mais il ne disparaît pas éternellement.  Il pourrait toujours réapparaî¬tre.  Pour cela il lui suffit d’abroger ou de déconstitutionnaliser la constitution en vigueur, ainsi que d’anéantir le pouvoir de révision constitutionnelle en place.  Alors, tant que la constitution n’est pas abrogée ou déconstitutionnalisée, elle ne peut être révisée que par le pouvoir de révision conformément à la pro¬cédure prévue par la constitution à cet effet.  Mais une fois que la constitution a été abrogée ou déconstitutionnalisée, le pouvoir de révision constitutionnelle disparaît, seul le pouvoir constituant originaire reste.  Comme on le voit, en tout état de cause, le pouvoir constituant originaire subsiste.  Ce pouvoir est donc permanent, même s’il n’est pas toujours en exercice[134].

Whether or not these three theories are tenable, for us, there is an originating constituent power and a power of constitutional revision.  The originating constituent power, after making a new constitution, withdraws from exercise, but does not disappear forever.  It can always reappear.  For this, it suffices to abrogate or to deconstitutionalize the constitution in force, thus annihilating the power of constitutional revision.  So, as long as the constitution is not abrogated or deconstitutionalized, it cannot be revised except by the power of revision in conformity with the the procedure provided by the constitution for this purpose.  But once the constitution has been abrogated or deconstitutionalized, the power of constitutional revision disappears; only the originating constituent power remains.  As we have seen, in every situation, the originating constituent power subsists.  This power is thus permanent, even if it is not always in exercise.[134]

__________

[1]. Voir par exemple Burdeau, Traité…, op. cit., t.IV, p.193-196 ; Lavroff, Le droit constitutionnel…, op. cit., p.100.

__________

[1]. See, for example, Burdeau, [Treatise…], op. cit., vol. IV, pp. 193-196; Lavroff, [Constitutional Law…,] op. cit. , p. 100.

[2]. «Le pouvoir constituant originaire est-il permanent?»

[2]. “Is the originating constituent power permanent?

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