Chapter 2

CONSTITUENT POWER

POUVOIR CONSTITUANT

Kemal Gözler in English

— Draft English Translation —

LA DISTINCTION DU POUVOIR CONSTITUANT ORIGINAIRE ET DU POUVOIR CONSTITUANT

THE DISTINCTION BETWEEN THE ORIGINATING CONSTITUENT POWER AND THE DERIVED CONSTITUENT POWER

On distingue en général deux types de pouvoir constituant.  Cependant dans la doctrine constitutionnelle, il n’y a pas d’unanimité pour l’appellation de ces deux pouvoirs constituants.  Le premier type de pouvoir constituant est appelé généralement le «pouvoir constituant originaire» [1].  A la place de cette expression, certains auteurs emploient celle de «pouvoir constituant initial», ou celle de «pouvoir constituant stricto sensu»[2], ou «pouvoir constituant» tout court [3].  Le deuxième type de pouvoir constituant est appelé généralement le «pouvoir constituant dérivé»[4].  Egalement, à la place de cette dénomination certains auteurs préfèrent les appellations suivantes: «pouvoir constituant institué»[5], «pouvoir constituant constitué», «pouvoir de révision constitutionnelle», «pouvoir de révision de la constitution» ou simplement «pouvoir de révision»[6].

In general, two types of constituent power are distinguished.  However, in constitutional doctrine, there is no unanimity as to the designation of these two constituent powers.  The first type of constituent power is generally called the “originating constituent power” [1].  In place of this expression, some authors employ “initial constituting power”, or “constituting power stricto sensu” [2], or simply “constituent power”. [3].  The second type of constituent power is generally called the “derived constitutent power” [4].  Also, in place of this designation some authors prefer the following names:  “instituted constitutent power” [5], “constituted constituent power”, “power of constitutional revision”, “power of revision of the constitution” or simply “power of revision” [6].

Quant à nous, nous choisissons pour l’instant les appellations les plus courantes, c’est à dire celles de «pouvoir constituant originaire» et de «pouvoir constituant dérivé».

As for us, we will choose for now the most current designations, i.e. “originating constituent power” and “derived constituent power”.

Quelques soient leurs appellations, le vrai problème est celui de savoir par quel critère on les distingue.  En effet, plusieurs auteurs définissent plus ou moins différemment le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé.  Néanmoins on peut identifier deux grands courants dans la doctrine sur la distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant déri­vé.  Le premier propose un critère formel de distinction.  Le deuxième opère la distinction par un critère matériel.  Le premier est représenté par les auteurs positivistes tels que par Raymond Carré de Malberg, Georges Burdeau, Roger Bonnard, alors que le deuxième par les auteurs non positivistes tels que Carl Schmitt et récemment Olivier Beaud.  Il nous semble que le premier représente la doctrine majoritaire.  Nous allons voir d’abord la distinction formelle [et] ensuite la distinction matérielle entre ces deux pouvoirs constituants.

Whatever their names, the real problem is that of knowing by what criteria they are distinguished.  Indeed, several authors define more or less differently the originating constituent power and the derived constituent power.  However, two main trends can be identified in the doctrine on the distinction between originating constituent power and derived constituent power.  The first proposes a formal criterion of distinction.  The second operates the distinction by a material criterion.  The first is represented by positivist authors such as Raymond Carré de Malberg, Georges Burdeau, Roger Bonnard, the second by non-positivist authors such as Carl Schmitt and recently Olivier Beaud.  It seems to us that the first represents the majority doctrine.  We will first look at the formal distinction and then the material distinction between these two constituent powers.

Mais avant même de voir cette distinction, il convient de faire une remarque préliminaire sur son origine doctrinale.

But even before looking at this distinction, it is advisable to make a preliminary remark on its doctrinal origin.

D’abord notons que la distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé ne trouve pas son origine dans la théorie de Sieyès.  Il est vrai que, comme on vient de l’expliquer, Sieyès est le principal explorateur de la notion de pouvoir constituant.  C’est lui qui la première fois a distingué le pouvoir constituant des pouvoirs constitués.  Cependant on ne trouve pas, dans l’ouvrage de Sieyès, la moindre trace de l’idée d’une distinction entre pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé.  De plus toute la théorie de Sieyès est diamétralement opposée à l’existence d’un pouvoir constituant dérivé qui sera limité par les conditions prévues par la constitution.  En effet, comme on va le voir plus bas [7], Sieyès défend une thèse que l’on peut appeler «la permanence du pouvoir constituant originaire».  Selon lui, la nation ne peut être soumise à aucune constitution [8].  En d’autres termes, la nation est libre et indépendante de toutes formes juridiques pour changer sa constitution [9].  Par conséquent, elle a le droit originaire de réviser ses institutions en dehors des procédures prévues par la constitution [10].  En effet, dire que la nation a le droit de réviser la constitution en dehors des formes prévues par la constitution revient à nier toute distinction entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé.  C’est pourquoi, Sieyès n’a envisagé qu’un pouvoir constituant originaire permanent.  En conséquence, non seulement Sieyès n’a pas «découvert» la distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé, mais encore sa théorie tout entière est diamétralement opposée à une telle distinction [11].

We first note that the distinction between originating constituent power and derived constituent power does not originate in the theory of Sieyès.  It is true that, as we have just explained, Sieyès is the main explorer of the concept of constituent power.  It was he who first distinguished the constituent power from the constituted powers.  However, we do not find, in the work of Sieyès, the slightest trace of the idea of ​​a distinction between originating constituent power and derived constituent power.  In addition, the whole theory of Sieyès is diametrically opposed to the existence of a derived constituent power which will be limited by the conditions provided for in the constitution.  Indeed, as we will see below [7], Sieyès defends a thesis which can be called “the permanence of the originating constituent power”.  According to him, the nation cannot be subject to any constitution [8].  In other words, the nation is free and independent of all legal forms to change its constitution [9].  Consequently, it has the original right to revise its institutions outside the procedures provided for by the constitution [10].  Indeed, to say that the nation has the right to revise the constitution outside the forms provided for by the constitution amounts to denying any distinction between the originating constituent power and the derived constituent power.  This is why Sieyès envisaged only one permanent originating constituent power.  Consequently, not only did Sieyès not “discover” the distinction between the originating constituent power and the derived constituent power, but also his whole theory was diametrically opposed to such a distinction [11].

La «découverte» de la distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé ne date que du XXe siècle.  Comme on va le voir plus bas, cette distinction a été pour la première fois développée d’une façon systématique par Raymond Carré de Malberg [12].  Cependant, il est loin d’être le parrain de ces appellations.  En reprenant la distinction de Carré de Malberg, Georges Burdeau, dans sa thèse de doctorat, a baptisé ces deux pouvoirs constituants comme le «pouvoir constituant stricto sensu» et le «pouvoir de révision» [13].  Cependant, ces appellations ne sont pas retenues dans la doctrine constitutionnelle.  En effet c’est à Roger Bonnard que revient le parrainage de ces deux pouvoirs constituants.  Dans un article publié dans la Revue du droit public en 1942 [14], il a consacré la distinction entre ces deux pouvoirs constituants sous la double appellation de «pouvoir constituant originaire» et de «pouvoir constituant institué» [15].  Depuis Roger Bonnard la distinction entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé (institué) est devenue classique dans la doctrine française de droit constitutionnel.  Néanmoins le pouvoir constituant «institué» de Roger Bonnard a été ainsi rebaptisé par Georges Vedel comme le pouvoir constituant «dérivé» [16].  Il nous semble que l’appellation de pouvoir constituant «dérivé» est plus usitée que celle de pouvoir constituant «institué» [17].

The “discovery” of the distinction between originating constituent power and derived constituent power only dates from the 20th century.  As we will see below, this distinction was developed for the first time in a systematic way by Raymond Carré de Malberg [12].  However, he is far from being the godfather of these appellations.  By taking up the distinction of Carré de Malberg, Georges Burdeau, in his doctoral thesis, baptized these two constituent powers as the “constituent power stricto sensu” and the “power of revision” [13].  However, these appellations are not retained in constitutional doctrine.  Indeed, it is Roger Bonnard who is responsible for sponsoring these two constituent powers.  In an article published in the [Review of Public Law] in 1942 [14], he established the distinction between these two constituent powers under the double designation of “originating constituent power” and “established constituent power” [15].  Since Roger Bonnard, the distinction between the originating constituent power and the derived (instituted) constituent power has become classic in French constitutional law doctrine.  Nevertheless, the “instituted” constituent power of Roger Bonnard was thus renamed by Georges Vedel as the “derived” constituting power [16].  It seems to us that the designation of “derived” constituent power is more commonly used than that of “instituted” constituent power [17].

Après avoir fait cette remarque préliminaire, nous pouvons maintenant passer à l’examen des conceptions formelle et matérielle de la distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé.

Having made this preliminary remark, we can now move on to an examination of the formal and material conceptions of the distinction between originating constituent power and derived constituent power.

I.  La conceptIon formelle

I.  The formal concept

Dans cette conception, le pouvoir constituant dérivé et le pouvoir constituant originaire se distinguent par les critères formels.  Nous allons d’abord étudier, dans l’ordre chronologique, les auteurs qui ont proposé ces critères (1), ensuite les points sur lesquels le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé diffèrent (2).  Enfin nous allons voir que, dans cette conception, il y a non seulement une distinction, mais aussi une identification entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé (3).

In this conception, the derived constituent power and the originating constituting power are distinguished by formal criteria.  We will first study, in chronological order, the authors who proposed these criteria (1), then the points on which the originating constituent power and the derived constituent power differ (2).  Finally we will see that, in this conception, there is not only a distinction, but also an identification between the originating constituent power and the derived constituent power (3).

A.  Les origines doctrinales

A.  Doctrinal origins

La conception formelle de la distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé est défendue par les auteurs positivistes.  Elle a été pour la première fois envisagée par Raymond Carré de Malberg, développée ensuite par Georges Burdeau (alors positiviste), Roger Bonnard et d’autres.

The formal conception of the distinction between original constituent power and derived constituent power is defended by positivist authors.  It was first envisaged by Raymond Carré de Malberg, then developed by Georges Burdeau (a positivist at the time), by Roger Bonnard and others.

1.  Carré de Malberg

1.  Carré de Malberg

Nous trouvons, pour la première fois, chez Carré de Malberg, une distinction claire entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé.

We find, for the first time, in Carré de Malberg, a clear distinction between the originating constituent power and the derived constituent power.

D’abord, Carré de Malberg fait une distinction entre le pouvoir constituant dans l’établissement de la première constitution de l’Etat [18] et le pouvoir constituant dans l’Etat une fois formé [19].

First, Carré de Malberg makes a distinction between the constituent power in establishing the first State constitution [18] and the constituent power in the State once formed [19].

Selon lui, la question du pouvoir constituant dans l’établissement de la première constitution de l’Etat n’est pas une question d’ordre juridique  [20].  Selon l’auteur,

According to him, the question of constituent power in the establishment of the first State constitution is not a question of a legal nature.  [20] According to the author,

«la formation initiale de l’Etat, comme aussi sa première organisation, ne peuvent être considérées que comme un pur fait, qui n’est susceptible d’être classé dans aucune catégorie juridique, car ce fait n’est point gouverné par des principes de droit» [21].

“The initial formation of the State, as also its first organization, can only be considered as a pure fact, which cannot be classified in any legal category, because this fact is not governed by principles of law”. [21]

En revanche selon Carré de Malberg, le pouvoir constituant dans l’Etat une fois formé est un pouvoir d’ordre juridique et il peut être étudié comme un «organe de l’Etat».  Il affirme que la théorie de l’organe de l’Etat «s’adapte parfaitement à l’exercice du pouvoir constituant… dans l’Etat une fois formé»[22].  Ainsi selon lui,

On the other hand, according to Carré de Malberg, constituent power in the State once formed is a legal power and it can be studied as a “state organ”.  He affirms that the theory of the State organ “adapts perfectly to the exercise of the constituent power … in the State once formed”. [22]  So, according to him,

«dans les collectivités érigées en Etats, le pouvoir constituant de la collectivité, placé par le fait même de l’organisation de celle-ci dans l’Etat, devra être mise en oeuvre par les organes mêmes que la Constitution assigne, à cet effet, à l’être collectif national.  Ces organes pourront être, soit une assemblée spécialement élue dans ce but, soit le corps des citoyens actifs agissant par la voie du gouvernement direct, soit encore une ou plusieurs des autorités constituées elles-mêmes.  Mais quelles que soient les personnes ou les assemblées appelées à exercer la fonction constituante, elles présenteront le caractère juridique d’organes étatiques» [23].

“In communities erected into States, the constituent power of the community, placed into the State by the very fact of the latter’s organization, must be put into operation by the very bodies the Constitution allocates to the collective national entity for this purpose.  These bodies could be either an assembly especially elected to this end, or the body of active citizens acting by way of direct government, or yet again, one or more of the constituted authorities themselves.  But whatever the persons or the assemblies called upon to exercise the constituent function, they will present the legal character of State bodies.” [23]

Ensuite Carré de Malberg divise le pouvoir constituant en deux, selon les circonstances dans lesquelles «le pouvoir constituant est appelé à s’exercer» [24], comme le pouvoir constituant exercé dans les circonstances révolutionnaires [25] et le pouvoir constituant exercé dans les circonstances paisibles, régulières et juridiques [26].

Carré de Malberg then divides the constituent power into two, according to the circumstances in which “the constituent power is called upon to be exercised” [24], like the constituent power exercised in revolutionary circumstances [25] and the constituent power exercised in peaceful, regular and legal circumstances. [26]

Le premier type de pouvoir constituant [27] s’exerce «en dehors du droit établi par la Constitution en vigueur» [28].  Car,

The first type of constituent power [27] is exercised “outside the law established by the current Constitution” [28].  Because,

«à la suite d’un bouleversement politique résultant d’une révolution ou d’un coup d’Etat, il n’y a plus ni principes juridiques, ni règles constitutionnelles: on ne se trouve plus ici sur le terrain du droit, mais en présence de la force» [29].

”Following a political upheaval resulting from a revolution or a coup, there are no longer any legal principles or constitutional rules:  here, we are no longer on the terrain of law, but in the presence of force.” [29]

«Dans toutes ces circonstances, affirme-t-il, la Constitution nouvelle ne sera point confectionnée selon la procédure, le mode constituant et les formes, qui avaient été prévus et prescrits par sa devancière.  Celle-ci ayant été radicalement détruite par l’effet même du coup d’Etat ou de la révolution, il ne reste plus rien d’elle; et par suite, elle ne peut plus fournir d’organes pour la confection de la Constitution future…  Ainsi, entre la Constitution ancienne, dont il a été fait table rase, et la Constitution nouvelle, qui reste à faire de toutes pièces, il n’existe pas de lien juridique; mais il y a, au contraire, entre elles une solution de continuité, un interrègne constitutionnel, un intervalle de crise» [30].

“In all these circumstances,” he affirms, “the new Constitution will not be made according to the procedure, constituent mode and forms which had been foreseen and prescribed by its predecessor.  Its having been radically destroyed by the very effect of the coup d’état or the revolution, nothing remains of it; and as a result, it can no longer provide organs for the preparation of the future Constitution … Thus, between the old Constitution, which was wiped clean, and the new Constitution, which remains to be made in all its parts, there is no legal connection; but there is, between them, on the contrary, a void of continuity, a constitutional interregnum, an interval of crisis.” [30]

Selon Carré de Malberg, il faut laisser de côté cette première hypothèse, dans laquelle l’exercice du pouvoir constituant n’est point régi par le droit;

According to Carré de Malberg, this first hypothesis must be left aside, in which the exercise of constituent power is not governed by law;

«car, il n’y a point place dans la science du droit public pour un chapitre consacré à une théorie juridique des coups d’Etat ou des révolutions et de leurs effets»[31].

“For there is no place in the science of public law for a chapter devoted to a legal theory of coups d’etat or revolutions and their effects.” [31]

En revanche, d’après Carré de Malberg, dans les circonstances paisibles [32], la situation est toute autre.  En effet, si «l’on fait abstraction des révolutions et des coups d’Etat»[33], la révision constitutionnelle «devra s’opérer suivant les règles fixées par la Constitution»[34].  Alors, selon lui, quand il y aura lieu de réviser la constitution, il ne sera nullement nécessaire de procéder à une révolution; mais il suffira de faire intervenir les organes que la Constitution elle-même a fixés à cet effet [35].  Ainsi Carré de Malberg conclut que «cet exercice du pouvoir constituant rentre purement et simplement dans le cadre de la théorie générale et normale de l’organe d’Etat» [36].

On the other hand, according to Carré de Malberg, in peaceful circumstances [32], the situation is quite different.  Indeed, if “we disregard revolutions and coups d’état” [33], constitutional revision “will have to be carried out according to the rules fixed by the Constitution” [34].  So, according to him, when there is reason to revise the constitution, there will be no need for a revolution; but it will suffice to involve the bodies that the Constitution itself has established for this purpose. [35]  Carré de Malberg thus concludes that “this exercise of constituent power falls purely and simply within the framework of the general and normal theory of the organ of State” [36].

De plus, selon Carré de Malberg,

In addition, according to Carré de Malberg,

«les organes dits constituants ne peuvent pas plus que les organes constitués avoir de pouvoirs antérieurs à la Constitution.  Tout organe, même celui qui est appelé à exercer la puissance constituante, procède essentiellement de la Constitution et tient d’elle sa capacité.  A ce point de vue, on peut même dire qu’il n’existe pas, à proprement parler, d’organe constituant: il n’y a dans l’Etat que des organes constitués» [37].

“The so-called constituent bodies cannot have powers prior to the Constitution any more than the constituted bodies.  Any organ, even that which is called upon to exercise the constituent power, proceeds essentially from the Constitution and derives from it its capacity.  From this point of view, it could even be said that there is not, strictly speaking, a constituent organ:  there are only constituted organs in the State.” [37]

Comme on le voit, Carré de Malberg distingue les deux types de pouvoirs constituants.  L’un s’exerce dans les circonstances révolutionnaires, l’autre dans le cadre d’une constitution en vigueur.  Cette distinction correspond à celle du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé.  Cependant Carré de Malberg n’emploie pas les expressions «pouvoir constituant originaire» et «pouvoir constituant dérivé (ou institué)»; d’ailleurs, il ne donne pas même d’appellations univoques à ces deux pouvoirs qu’il a explorés.

As we can see, Carré de Malberg distinguishes the two types of constituent powers.  One is exercised in revolutionary circumstances, the other within the framework of a constitution in force.  This distinction corresponds to that of originating constituent power and derived constituent power.  However, Carré de Malberg does not use the expressions “originating constituent power” and “derived (or instituted) constituent power”; moreover, he does not even give unequivocal names to these two powers which he has explored.

A propos du phénomène que l’on appelle aujourd’hui le «pouvoir constituant originaire», il parle de la «formation initiale de l’Etat» [38], de l’exercice du pouvoir constituant «dans les circonstances révolutionnaires» [39] ou «en dehors du droit établi par la Constitution en vigueur» [40], etc.

With regard to the phenomenon that today is called “originating constituent power”, he speaks of the “initial formation of the State” [38], of the exercise of constituent power “in revolutionary circumstances” [39] or “outside the law established by the current Constitution” [40], etc.

Egalement à propos de ce que l’on appelle aujourd’hui le «pouvoir constituant dérivé ou institué», il parle de «l’exercice du pouvoir constituant dans l’Etat une fois formé»[41], de l’exercice du pouvoir constituant «dans les collectivités érigées en Etats» [42], du pouvoir constituant «mis en oeuvre par les organes mêmes que la Constitution assigne à cet effet» [43]; des «organes de l’Etat appelés à exercer la fonction constituante» [44]; du pouvoir constituant présentant «le caractère juridique d’organes étatiques»[45].  Le pouvoir constituant exercé «dans les circonstances paisibles»[46]; l’exercice du pouvoir constituant rentrant «dans le cadre de la théorie de l’organe d’Etat»[47]; le pouvoir constituant procédant de la Constitution[48]; «la notion juridique du pouvoir constituant» [49].

Also in connection with what is today called “derived or instituted constituent power”, he speaks of “the exercise of constituent power in the State once formed” [41], the exercise of constituent power “in communities erected into States” [42], of the constituent power “implemented by the very bodies that the Constitution assigns for this purpose” [43]; “State organs called upon to exercise the constituent function” [44]; of the constituent power presenting “the legal character of state organs” [45], the constituent power exercised “in peaceful circumstances” [46]; the exercise of constituent power falling “within the framework of the theory of the body of State” [47]; the constituent power proceeding from the Constitution [48]; “The legal concept of the constituent power” [49].

En conclusion, même si Carré de Malberg est le principal explorateur de la distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé, il ne lui appartient pas la dénomination de ces deux pouvoirs constituants.  En effet, on ne voit pas dans chez Carré de Malberg d’effort pour donner des noms différents à ces deux pouvoirs constituants.

In conclusion, even if Carré de Malberg is the main explorer of the distinction between originating constituent power and derived constituent power, his did not name these two constituent powers.  In fact, we see in Carré de Malberg no effort to give different names to these two constituent powers.

2.  Georges Burdeau

2.  Georges Burdeau

Georges Burdeau [50], étant un disciple de Carré de Malberg, dans sa thèse de doctorat soutenue en 1930, a souligné qu’il faut établir une distinction entre ces deux pouvoirs constituants [51].  Georges Burdeau constate que «la doctrine traditionnelle, sous le terme unique de pouvoir constituant, englobe deux notions tout à fait différentes» [52].  Il les appelle le «pouvoir constituant stricto sensu» et le «pouvoir de révision» [53].

Georges Burdeau [50], being a disciple of Carré de Malberg, in his doctoral thesis defended in 1930, stressed that a distinction must be made between these two constituent powers [51].  Georges Burdeau notes that “traditional doctrine, under the single term of constituent power, encompasses two quite different notions” [52].  He calls them the “constituent power stricto sensu” and the “power of revision” [53].

Le pouvoir constituant stricto sensu est «celui qui établit la première constitution» [54].  Selon Georges Burdeau, «c’est un pouvoir de fait qui, par conséquent, est extérieur au droit» [55].  Il existe «après tous les mouvements révolutionnaires» [56].

The constituent power stricto sensu is “the one that establishes the first constitution.” [54]  According to Georges Burdeau, “it is a de facto power which, consequently, is outside the law.” [55]  It exists “following all revolutionary movements” [56].

Par contre, selon lui, le pouvoir de révision est «le pouvoir dont un organe est statutairement investi pour modifier ou remplacer la règle fondamentale qui est au sommet du système des normes étatiques»[57].  Ce pouvoir est «considéré à travers l’ordre juridique» [58].  Il tire sa compétence de «l’ordre juridique en vigueur, et, au premier chef, de la constitution» [59].

On the other hand, according to him, the power of revision is “the power with which a body is statutorily invested to modify or replace the basic rule which is at the summit of the system of State norms” [57].  This power is “studied via the legal order.” [58]  It draws its competence from “the legal order in force, and, first and foresmost, from the constitution.” [59]

Comme Carré de Malberg, Georges Burdeau aussi affirme que l’examen du pouvoir constituant stricto sensu «échappe totalement à l’analyse juridique» [60].  «En réalité, dit l’auteur, le juriste ne devrait parler que du pouvoir de révision et jamais du pouvoir constituant proprement dit, celui qui établit la première constitution, n’est qu’un fait » [61].

Like Carré de Malberg, Georges Burdeau also affirms that examination of the constituent power stricto sensu “completely escapes legal analysis” [60].  “In reality,” says the author, “the jurist should speak only of the power of revision and never of the constituent power proper, that which establishes the first constitution is but a fact.” [61]

Comme on le voit, Georges Burdeau a exprimé d’une façon la plus claire la distinction entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé.  Cependant, comme Carré de Malberg, lui non plus n’est pas le parrain des ces appellations.  En effet, Georges Burdeau a baptisé ces deux pouvoirs constituants comme le «pouvoir constituant stricto sensu» et le «pouvoir de révision».  Cependant, ces appellations ne sont pas généralement retenues dans la doctrine constitutionnelle.

As we can see, Georges Burdeau expressed most clearly the distinction between the originating constituent power and the derived constituent power.  However, like Carré de Malberg, he too is not the godfather of these appellations.  Indeed, Georges Burdeau baptized these two constituent powers as the “constituent power stricto sensu” and the “power of revision”.  However, these names are not generally used in constitutional doctrine.

3.  Roger Bonnard

3.  Roger Bonnard

En effet c’est à Roger Bonnard qu’appartient la dénomination de ces deux pouvoirs constituants.  Dans un article publié dans la Revue du droit public en 1942 [62], il a consacré la distinction entre ces deux pouvoirs constituants sous la double appellation de «pouvoir constituant originaire» et de «pouvoir constituant institué» [63].

Indeed the naming of these two constituent powers belongs to Roger Bonnard.  In an article published in the [Review of Public Law] in 1942 [62], he established the distinction between these two constituent powers under the double designation of “originating constituent power” and “instituted constitutional power”. [63]

Selon l’auteur, le pouvoir constituant originaire est «un pouvoir existant en dehors de toute habilitation constitutionnelle» [64].  Il intervient «pour faire une constitution alors qu’il n’y a pas… ou qu’il n’y a plus de constitution en vigueur.  Ce qui se produit au moment de la création d’un nouvel Etat ou après une révolution qui a renversé la constitution existante» [65].

According to the author, the originating constituent power is “a power existing outside of any constitutional empowerment”. [64]  It intervenes “to make a constitution when there is none… or there is no longer a constitution in force.  Which occurs at the creation of a new State or after a revolution which has overturned the existing constitution.” [65]

Par contre, «le pouvoir constituant institué est celui qui existe en vertu d’une constitution et qui a été établi pour venir, le cas échéant, réviser cette constitution» [66].  Ainsi le pouvoir constituant institué «suppose une constitution en vigueur, à la différence du pouvoir constituant originaire qui existe en dehors de toute constitution» [67].

On the other hand, “the instituted constituent power exists by virtue of a constitution, and was established to come, if necessary, to revise this constitution”. [66]  Thus, the instituted constituent power “supposes a constitution in force, unlike the originating constituent power which exists outside of any constitution”. [67]

Depuis Roger Bonnard la distinction entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant institué est devenue classique dans la doctrine française de droit constitutionnel.

Since Roger Bonnard, the distinction between the originating constituent power and the instituted constituent power has become classic in French doctrine of constitutional law.

Cette distinction est reprise d’abord par Guy Héraud dans sa thèse de doctorat soutenu en 1945 [68].  Cependant il appelle le pouvoir constituant originaire directement le «pouvoir originaire» [69].

This distinction is taken up first by Guy Héraud in his doctoral thesis defended in 1945. [68]  However, he directly calls the originating constituent power the “originating power”. [69]

La distinction entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant institué est reprise également par Georges Vedel dans son manuel de Droit constitutionnel publié en 1949.  Cependant l’auteur préfère le qualificatif «dérivé» à la place de celui d’«institué» [70].

The distinction between originating constituent power and instituted constituent power is also taken up by Georges Vedel in his textbook on [Constitutional Law] published in 1949.  However, the author prefers the qualifier “derived” instead of “instituted” [70].

Le pouvoir constituant «institué» de Roger Bonnard a été ainsi rebaptisé par Georges Vedel comme «pouvoir constituant dérivé».  Il nous semble que l’appellation de «pouvoir constituant dérivé» est plus usitée que celle de «pouvoir constituant institué» [71].

The “instituted” constituent power of Roger Bonnard was thus rebaptized by Georges Vedel as the “derived constituent power”.  It seems to us that the term “derived constituent power” is more commonly used than “instituted constituent power”. [71]

B.  Les poınts sur lesquels le pouvoır constıtuant orıgınaıre et le pouvoır constıtuant dérıvé dıffèrent

B.  The points on which the originating constituent power and the derived constituent power differ

D’abord, comme nous venons de le voir, dans la théorie défendue par Carré de Malberg, Georges Burdeau et Roger Bonnard, le principal critère de distinction entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé est la situation dans laquelle ils s’exercent.  Ainsi, ils définissent le pouvoir constituant originaire comme le pouvoir d’établir une constitution lorsqu’il n’y en a pas ou qu’il n’y en a plus et le pouvoir constituant dérivé, comme le pouvoir de réviser une constitution déjà en vigueur suivant les règles fixées par celle-ci [72].

First, as we have just seen, in the theory defended by Carré de Malberg, Georges Burdeau and Roger Bonnard, the main criterion for distinguishing between the originating constituent power and the derived constituent power is the situation in which they are exercised.  Thus, they define the originating constituent power as the power to establish a constitution when there is none or it is no more and the derived constituent power as the power to revise a constitution already in force according to the rules set down by it. [72]

En partant d’une telle définition, les auteurs positivistes opposent le pouvoir constituant originaire au pouvoir constituant dérivé sur les différents points:  les circonstances de leur exercice, leur nature, leur titulaire, leur forme, etc.

On the basis of such a definition, the positivist authors oppose the originating constituent power to the derived constituent power on various points:  the circumstances of their exercise, their nature, their holder, their form, etc.

1.  Les circonstances de leur exercice

1.  The circumstances of their exercise

Selon les auteurs formalistes, le pouvoir constituant originaire s’exerce dans le vide juridique.  Et selon eux il peut exister deux types de vide juridque:  le vide juridique déjà existant et le vide juridique créé.

According to the formalist authors, the originating constituent power is exercised in a legal void.  And according to them, there can exist two types of legal void:  the already existing legal void and the created legal void.

Le vide juridique déjà existant se produit dans les circonstances de naissance d’un nouvel Etat [73].  Dans ce cas, le pouvoir constituant originaire, pour fonder un nouvel Etat, pour établir une nouvelle constitution, ne détruit pas un Etat, n’abroge pas une constitution; il construit seulement.  Dans une telle situation le pouvoir constituant originaire comble le vide juridique en faisant une nouvelle constitution, en fondant un nouvel Etat.  L’Etat qu’il fonde ainsi est un Etat tout neuf qui n’existait pas du tout avant; la constitution qu’il établit est aussi toute première constitution de l’Etat.  Les auteurs notent qu’un tel vide juridique peut se produire dans les circonstances telles que la guerre, la décolonisation, la guerre d’indépendance, la fédération des Etats indépendants, le démembrement d’un Etat, etc [74].

The already existing legal void occurs in the circumstances of the birth of a new State [73].  In this case, the originating constituent power, to found a new State, to establish a new constitution, does not destroy a State, does not repeal a constitution; it only builds.  In such a situation the originating constituent power fills the legal void by making a new constitution, by founding a new State.  The State which it thus founds is a brand new State which did not exist at all before; the constitution which it establishes is also the very first constitution of the State.  The authors note that such a legal void can occur in circumstances such as war, decolonization, a war of independence, the federation of independent States, the dismemberment of a State, etc [74].

Il est évident que dans une telle situation le pouvoir constituant originaire ne peut pas être de nature juridique.  Il n’est qu’un pur fait, non susceptible de qualification juridique.  Car, puisqu’il n’y a jamais eu de constitution, l’établissement de la première constitution du pays ne peut être régie par aucun texte.  C’est à dire que l’acte de l’établissement de la première constitution ne repose sur aucune règle juridique préalable.  En d’autres termes, cet acte n’est pas formellement valable, et par conséquent il n’est pas juridique.  Dans cette hypothèse, le pouvoir constituant originaire tire sa validité de lui même, non pas d’une règle juridique préalable.

It is obvious that in such a situation the originating constituent power cannot be of a legal nature.  It is only a pure fact, not subject to legal qualification.  Because, since there has never been a constitution, the establishment of the country’s first constitution cannot be governed by any text.  In other words, the act of establishing the first constitution is not based on any prior legal rule.  Put another way, this act is not formally valid, and therefore it is extra-legal.  In this case, the originating constituent power derives its validity from itself, not from a prior legal rule.

Le deuxième type de vide juridique, c’est à dire le vide juridique créé, apparaît dans les circonstances de changement du régime dans un Etat déjà existant.  Dans ce cas, il existe déjà un ordre juridique en vigueur.  Le pouvoir constituant originaire, d’abord en abrogeant la constitution existante, crée un vide juridique, et après, en en faisant une nouvelle, il le comble.  En d’autres termes, le pouvoir constituant originaire détruit d’abord, reconstruit ensuite.  En ce sens, on peut dire qu’il y a deux aspects du pouvoir constituant originaire:  l’un est négatif (l’abrogation de la constitution) et l’autre positif (l’établissement de la constitution).  Guy Héraud baptise l’aspect négatif du pouvoir constituant originaire comme le pouvoir déconstituant [75].  Dans cette hypothèse on ne crée pas un nouvel Etat; il s’agit simplement du renouvellement de la fondation de l’Etat [76] ou, autrement dit, du changement de régime dans un Etat déjà existant [77].  Les auteurs notent qu’un tel vide juridique peut se produire à la suite d’une révolution ou d’un coup d’Etat ou bien d’une guerre qui renverse le régime politique existant [78].

The second type of legal void, meaning the created legal void, appears in the circumstances of a change of regime in an already existing State.  In this case, there is already a legal order in force.  The originating constituent power, first by abrogating the existing constitution, creates a legal void, and then, by making a new one, fills it.  In other words, the originating constituent power first destroys, then rebuilds.  In this sense, one can say that there are two aspects to the originating constituent power:  one is negative (the abrogation of the constitution) and the other is positive (the establishment of the constitution).  Guy Héraud baptises the negative aspects of the originating constituent power as the deconstituent power. [75]  In this case, a new State is not created; it simply is a question of the renewal of the founding of the State [76] or, said another way, of a change of regime in an already existing State. [77]  The authors note that such a legal void can be generated after a revolution or a coup d’Etat or even a war which overthrows the existing political regime [78].

Dans cette situation aussi le pouvoir constituant originaire est un pouvoir de fait, non susceptible de qualification juridique.  Car comme on vient de le montrer, dans cette hypothèse, le pouvoir constituant originaire abroge d’abord la constitution en vigueur.  Il est évident que cet acte d’abrogation n’est pas prévu par la constitution abrogée.  En d’autres termes, l’acte de l’abrogation de la constitution ne repose sur aucune norme juridique préexistante, par conséquent il n’est pas juridique.  Après avoir abrogé la constitution en vigueur, dans la seconde phase, le pouvoir constituant originaire établit une nouvelle constitution.  L’établissement de cette nouvelle constitution n’est pas réglementé par l’ancienne constitution.  Autrement dit, l’acte de l’établissement d’une nouvelle constitution ne repose sur aucune règle juridique préalable, par conséquent il n’est pas juridique.

In this situation as well, the originating constituent power is a power de facto, not susceptible of legal qualification.  For as we have just shown, in this supposition, the originating constituent power first abrogates the constitution in force.  It is obvious that this act of abrogation is not envisaged by the abrogated constitution.  In other words, the act of the abrogation of the constitution rests on no pre-existing legal norm, consequently it is extra-legal.  After having abrogated the constitution in force, in the second phase, the originating constituent power establishes a new constitution.  The establishment of this new constitution is not regulated by the former constitution.  Put another way, the act of the establishment of a new constitution rests on no prior legal rule, consequently it is extra-legal.

Comme nous venons de le voir, dans la conception formelle, le pouvoir constituant dérivé se définit comme le pouvoir de réviser une constitution par la mise en oeuvre de la procédure prévue par celle-ci à cet effet.  On a vu que selon la théorie formelle, le pouvoir constituant originaire apparaît dans le vide juridique.  Par contre le pouvoir constituant dérivé s’exerce dans l’ordre juridique.  En d’autres termes, le pouvoir constituant dérivé suppose une constitution en vigueur [79].  Cette supposition résulte de la définition même du pouvoir constituant dérivé, et cela à deux égards.  Premièrement, le pouvoir constituant dérivé se définit comme le pouvoir de réviser la constitution, c’est à dire que l’on suppose, par définition même, qu’il existe une constitution à réviser.  Deuxièmement, le pouvoir constituant dérivé est celui de réviser la constitution, non pas par n’importe quel moyen, mais par la mise en oeuvre de la procédure prévue par celle-ci.  En d’autres termes, on suppose encore qu’il existe une constitution qui fixe la procédure de sa révision.

As we have just seen, in the formal conception, the derived constituent power is defined as the power to revise a constitution by implementation of the procedure envisaged by the latter for this purpose.  We have seen that according to the formal theory, the originating constituent power appears in the legal void.  In contrast, the derived constituent power is exercised in the legal order.  In other words, the derived constituent power supposes a constitution in force [79].  This supposition results from the very definition of the derived constituent power, and this in two respects.  Firstly, the derived constituent power is defined as the power to revise the constitution, meaning that one assumes, by the definition itself, that a constitution exists to be revised.  Secondly, the derived constituent power is that of revising the constitution, not by any means at all, but by implementation of the procedure envisaged by the latter.  In other words, it is again assumed that a constitution exists which defines the procedure for its own revision.

2.  Leur nature

2.  Their nature

Selon les auteurs positivistes, le pouvoir constituant originaire est un pouvoir extra juridique, est un pur fait non susceptible de qualification juridique [80].  D’après eux, l’examen du pouvoir constituant originaire ne serait pas du ressort des juristes.  Car il est impossible de faire une interprétation juridique des actes qui ont déterminé la première organisation de l’Etat.  En effet, pour que le pouvoir constituant originaire puisse être qualifié juridiquement, il faut accepter que le droit existe avant la naissance de l’Etat [81].  Or comme on le sait, les positivistes ne l’acceptent jamais.

According to the positivist authors, the originating constituent power is an extra-legal power, is a pure fact not susceptible of legal qualification [80].  According to them, investigation of the originating constituent power would not be the responsibility of jurists.  Because it is impossible to make a legal interpretation of the acts which determined the first organization of the State.  Indeed, for the originating constituent power to be able to be qualified legally, it would have to be accepted that law existed before the birth of the State [81].  However, as we know, positivists never accept this.

Par contre, selon eux, le pouvoir constituant dérivé est un pouvoir de nature juridique.  Car le pouvoir constituant dérivé est un pouvoir statutaire, dont l’organisation et le fonctionnement sont prévus par la constitution.  Ainsi ce pouvoir s’exerce dans le cadre déterminé par la constitution.  Il révise la constitution suivant les règles fixées par celle-ci.  En d’autres termes, le pouvoir constituant dérivé pose une règle constitutionnelle en reposant sur une autre règle constitutionnelle préalable, c’est à dire sur la disposition de la constitution qui règle sa révision.  C’est pourquoi, la règle posée par le pouvoir constituant dérivé tire sa validité de la constitution, non pas d’elle-même.  De ce fait, l’acte de poser une règle constitutionnelle dans ces conditions, c’est à dire l’acte du pouvoir constituant dérivé, est un acte formellement valable, par conséquent juridique.

In contrast, according to them, the derived constituent power is a power of a legal nature.  For the derived constituent power is a statutory power whose organization and functioning are provided for by the constitution.  Thus, this power is exercized within the framework determined by the constitution.  It revises the constitution according to the rules set by it.  In other words, the derived constituent power lays down a constitutional rule based on another prior constitutional rule, meaning on the provision of the constitution which regulates its revision.  This is why the rule laid down by the derived constituent power derives its validity from the constitution, not from itself.  Therefore, the act of laying down a constitutional rule in these conditions, meaning the act of the derived constituent power, is a formally valid act, which is therefore legal.

3.  Leur titulaire

3.  Their holder

Etant un pouvoir de fait, le titulaire du pouvoir constituant originaire se détermine par les circonstances de force.  Comme l’estime Carré de Malberg,

Being a power de facto, the holder of originating constituent power is determined by circumstances of force.  As Carré de Malberg believes,

«les mouvements révolutionnaires et les coups d’Etat offrent ceci de commun que les uns et les autres constituent des actes de violence et s’opèrent, par conséquent, en dehors du droit établi par la Constitution en vigueur.  Dès lors il serait puéril de se demander, en pareil cas, à qui appartiendra l’exercice légitime du pouvoir constituant.  A la suite d’un bouleversement politique résultant de tels événements,  il n’y a plus, ni principes juridiques, ni règles constitutionnelles:  on ne se trouve plus ici sur le terrain du droit, mais en présence de la force.  Le pouvoir constituant tombera aux mains du plus fort» [82].

«revolutionary movements and coups d’Etat offer this in common, that both constitute acts of violence and therefore take place outside the law established by the Constitution in force.  Consequently it would be childish to ask, in such a case, to whom will belong the legitimate exercise of the constituent power.  Following a political upheaval resulting from such events, there are no longer any legal principles or constitutional rules:  here, we are no longer in the field of law, but in the presence of force.  Constituent power will fall into the hands of the strongest”. [82]

En revanche, le titulaire du pouvoir constituant dérivé est déterminé par les constitutions.  En d’autres termes, pour savoir à qui appartient le droit de réviser la constitution, il suffit de se reporter à la constitution.  C’est la constitution qui prévoit l’autorité qui va la réviser [83].

However, the holder of the derived constituent power is determined by constitutions.  In other words, to find out who owns the power to revise the constitution, one need only refer to the constitution.  The constitution provides for the authority which will revise it. [83]

Les constitutions attribuent en général ce pouvoir à l’un des organes qu’elles ont établis, par exemple au parlement; ou bien elles le partagent entre les organes qu’elles ont fondés, par exemple entre le parlement et le chef de l’Etat.  Par ailleurs, il y a des constitutions qui prévoient l’intervention du peuple par les moyens référendaires.

Constitutions generally attribute this power to one of the bodies they have established, for example to parliament; or else they share it between the bodies they founded, for example between the parliament and the head of state.  In addition, there are constitutions which provide for the intervention of the people by means of referendums.

Cependant, pour le choix du titulaire du pouvoir constituant dérivé entre ces organes, il n’y a pas de nécessité juridique qui s’impose au pouvoir constituant originaire.  Ce dernier est libre de choisir comme il lui plaît l’un de ces organes.  Il peut attribuer le pouvoir constituant dérivé au parlement, comme il peut l’attribuer à un roi.  Ou alors il peut le partager entre les divers organes.  A ce propos, il n’existe aucune obligation juridique.  Entre l’attribution du pouvoir constituant dérivé au peuple et celle à un roi, il n’y a aucune différence juridique; même si cette dernière peut être considérée comme non démocratique [84].  Les deux solutions, l’une et l’autre, sont des solutions juridiques.  Car, elles, l’une et l’autre, reposent sur une règle constitutionnelle préalablement posée par le pouvoir constituant originaire.  Puisque le pouvoir constituant originaire est un pouvoir de nature non juridique, il peut désigner le titulaire du pouvoir constituant dérivé comme il lui plaît.

However, as to the choice of holder of the derived constituent power from amongst these bodies, there is no legal constraint upon the originating constituent power.  The latter is free to choose one of these bodies as it pleases.  It can attribute derived constituent power to a parliament, as it can attribute it to a king.  Or it can share it amongst the various bodies.  In this regard, there is no legal obligation.  Between the attribution of derived constituent power to the people and to a king, there is no legal difference; even if the latter can be considered undemocratic. [84]  Both solutions are legal solutions.  Because both are based on a constitutional rule previously laid down by the originating constituent power.  Since the originating constituent power is a non-legal power, it can designate the holder of the derived constituent power as it pleases.

4.  Leur caractère limité ou illimité

4.  Their limited or unlimited nature

Le pouvoir constituant originaire est un pouvoir illimité.  Car lorsque le pouvoir constituant originaire fait une constitution, il ne rencontre aucune règle qui va le limiter.  Puisqu’il n’y a pas ou qu’il n’y a plus de constitution en vigueur, on se trouve dans une situation de vide juridique, c’est à dire qu’il n’existe plus de règle supérieure à la volonté du pouvoir constituant originaire.  C’est pourquoi le pouvoir constituant originaire est un pouvoir initial, autonome et inconditionné.  Par définition même il n’est soumis à aucune règle préalable [85].

The originating constituent power is an unlimited power.  For when the originating constituent power makes a constitution, it encounters no rule which will limit it.  Since there is not or there is no longer a constitution in force, we find ourselves in a situation of a legal void, meaning that there is no longer any rule superior to the will of the originating constituent power.  This is why the originating constituent power is an initial, self-contained and unconditioned power.  By definition, it is not subject to any prior rule. [85]

En revanche, le pouvoir constituant dérivé est un pouvoir limité au moins par les conditions de procédure dans lesquelles il s’exerce.  D’ailleurs, certaines constitutions prévoient des limites matérielles et temporaires à l’exercice du pouvoir constituant dérivé.  En effet, même dans la doctrine positiviste, il n’y a pas d’unanimité sur ce point.  Selon certains auteurs, le pouvoir constituant dérivé est lié par ces limites.  Par contre, les autres affirment que ces limites n’ont aucune force obligatoire.  Elles ne sont que des barrières de papier.  Bref la question de la limitation du pouvoir constituant dérivé est très discutée.  Nous allons l’examiner tout au long de notre thèse.

On the other hand, the derived constituent power is a power limited at least by the procedural conditions in which it is exercised.  Moreover, some constitutions provide for material and temporary limits to the exercise of the derived constituent power.  Indeed, even in positivist doctrine, there is no unanimity on this point.  According to some authors, the derived constituent power is bound by these limits.  On the other hand, others affirm that these limits have no binding force.  They are only paper barriers.  In short, the question of limiting the derived constituent power is much discussed.  We will examine it throughout our thesis.

5.  Les modes de leur exercice

5.  The modes of their exercise

Enfin, selon les auteurs positivistes, les modes suivant lesquels le pouvoir constituant originaire établit une nouvelle constitution ne peuvent pas être juridiquement déterminés.  En d’autres termes, les modes d’établissement des constitutions sont des modes purs, non susceptibles de qualification juridique.  Puisque le pouvoir constituant originaire est inconditionné, il n’est subordonné à aucune procédure.  Il est libre de prononcer sa volonté selon les modalités qu’il fixe lui-même [86].

Finally, according to the positivist authors, the modes by which the originating constituent power establishes a new constitution cannot be legally determined.  In other words, the modes of establishment of constitutions are pure modes, not subject to legal qualification.  Since the originating constituent power is unconditioned, it is not subject to any procedure.  It is free to pronounce its will according to the modalities which it lays down itself. [86]

Par contre, les modes suivant lesquels le pouvoir constituant dérivé révise une constitution en vigueur, sont des modes juridiques.  Ils sont déterminés par les constitutions [87].  En d’autres termes, pour savoir comment le pouvoir constituant dérivé va réviser la constitution, il suffit de regarder cette constitution elle-même.  Car, c’est la constitution qui fixe le mode de sa révision.

On the other hand, the modes whereby the derived constituent power revises a constitution in force are legal modes.  They are determined by constitutions. [87]  In other words, to know how the derived constituent power will revise the constitution, it suffices to look at this constitution itself.  For it is the constitution which fixes the mode of its own revision.

Chaque constitution détermine la procédure de sa propre révision [88].  Mais à ce propos, il n’y a pas de règle universelle qui s’impose aux constitutions.  D’ailleurs du point de vue juridique, il n’existe pas d’obligation de choisir telle ou telle procédure.  Le pouvoir constituant originaire est libre de fixer la procédure suivant laquelle le pouvoir constituant dérivé va réviser la constitution, comme il est libre de déterminer le titulaire de ce pouvoir.

Each constitution determines the procedure for its own revision. [88]  But in this regard, there is no universal rule which is imposed on constitutions.  Besides, from a legal point of view, there is no obligation to choose this or that procedure.  The originating constituent power is free to fix the procedure according to which the derived constituent power will revise the constitution, as it is free to determine the holder of this power.

En résumé, selon les auteurs positivistes, le pouvoir constituant originaire est celui d’établir une constitution alors qu’il n’y a pas ou qu’il n’y a plus de constitution en vigueur.  Ce pouvoir apparaît dans le vide juridique.  Il est de nature non juridique et illimitée.  Son titulaire et les modes de son exercice se déterminent par les circonstances de force.

To summarize, according to the positivist authors, the originating constituent power is that of establishing a constitution when there is none or when there is no longer a constitution in force.  This power appears in the legal void.  It is non-legal and unlimited in nature.  Its holder and the modes of its exercise are determined by circumstances of force.

Par contre, le pouvoir constituant dérivé est le pouvoir de réviser la constitution suivant les règles fixées par celle-ci à cet effet.  Ce pouvoir s’exerce dans le cadre d’une constitution en vigueur.  Il est de nature juridique.  Son titulaire et les modes de son exercice sont déterminés par la constitution.

In contrast, the derived constituent power is the power to revise the constitution according to the rules fixed by the latter for this purpose.  This power is exercised within the framework of a constitution in force.  It is legal in nature.  Its holder and the modes of its exercise are determined by the constitution.

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Ainsi nous venons de voir la distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé dans la conception formelle.  Soulignons tout particulièrement que, comme l’appellation «conception formelle» l’indique, cette distinction est faite strictement du point de vue formel.  En d’autres termes, la différence qui existe entre ces deux pouvoirs constituants est du point de vue de leur forme, et non pas de leur matière.  Selon la théorie positiviste, il n’existe aucune différence entre ces deux pouvoirs constituants du point de vue matérielle.  De ce point de vue, ils sont identiques.  Voyons donc maintenant l’identité du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé.

Thus we have just seen the distinction between the originating constituent power and the derived constituent power in the formal conception.  It should be noted in particular that, as the designation “formal conception” indicates, this distinction is made strictly from the formal point of view.  In other words, the difference which exists between these two constituent powers is with regard to their form and and not their substance.  According to positivist theory, there exists no difference between these two constituent powers from the material point of view.  From this point of view, they are identical.  So, let’s look now at the identity of the originating constituent power and of the derived constituent power.

C.  L’identité du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérıvé du point de vue de leur fonction

C.  The identity of the originating constituent power and of the derived constituent power from the viewpoint of their function

Comme on vient de le voir, selon la conception formelle, le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé diffèrent du point de vue de leur organisation.  Le pouvoir constituant originaire est un pouvoir de fait, initial et autonome; il tient sa puissance de lui-même, non pas d’un autre pouvoir.

As we have just seen, according to the formal conception, the originating constituent power and the derived constituent power differ from the point of view of their organization.  The originating constituent power is a power de facto, initial and autonomous; it derives its power from itself, not from another power.

Par contre, le pouvoir constituant dérivé est un pouvoir juridique dont l’organisation et le fonctionnement sont prévus par la constitution [89].  Il procède de la constitution et tient d’elle sa compétence [90].  En d’autres termes, le pouvoir constituant dérivé est un pouvoir constitué par la constitution.  Cependant, du point de vue de leur fonction, il n’existe aucune différence entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé.  Ils exercent la même fonction [91]:  édicter des normes constitutionnelles.  Du point de vue de sa fonction, le pouvoir constituant dérivé est l’équivalent du pouvoir constituant originaire.  Car il peut réviser la constitution qui est établie par le pouvoir constituant originaire.  Il n’y a aucune différence de force juridique entre la règle initialement posée par le pouvoir constituant originaire et celle ultérieurement édictée par le pouvoir constituant dérivé.  Toutes les deux sont de même valeur juridique en tant que règles se trouvant dans la même constitution.  En d’autres termes, le pouvoir constituant dérivé qui est créé par le pouvoir constituant originaire exerce la même fonction que celle qu’exerce son créateur.  C’est à dire qu’il n’y a pas de différence de valeur juridique entre la norme qui pose la condition et celle qui est faite selon cette condition.  Ceci est la conséquence logique de la théorie selon laquelle il n’existe pas de hiérarchie entre les normes d’une constitution.  Dans la conception formelle de la constitution, ce qui compte, c’est la forme, non pas le contenu des règles.  Par conséquent, les règles qui se trouvent dans une constitution, quelle que soit leur source (le pouvoir constituant originaire ou le pouvoir constituant dérivé) ont toujours la même valeur.  La différence chronologique n’a aucun effet sur la valeur juridique d’une norme.  Bref, la règle posée par le pouvoir constituant originaire et celle posée par le pouvoir constituant dérivé, toutes les deux, occupent le même rang dans la hiérarchie des normes.

In contrast, the derived constituent power is a legal power whose organization and operation are provided for by the constitution. [89]  It proceeds from the constitution and derives its competence from it. [90]  Put another way, the derived constituent power is a power constituted by the constitution.  However, from the point of view of their function, there is no difference between the originating constituent power and the derived constituent power.  They exercise the same function [91]:  to enact constitutional norms.  From the point of view of its function, the derived constituent power is the equivalent of the originating constituent power.  For it can revise the constitution established by the originating constituent power.  There is no difference in legal force between the rule initially laid down by the originating constituent power and that subsequently enacted by the derived constituent power.  Both have the same legal value as rules found in the same constitution.  In other words, the derived constituent power which is created by the originating constituent power exercises the same function as that which its creator exercises.  In other words, there is no difference in legal value between the norm which lays down the condition and that which is made in accordance with that condition.  This is the logical consequence of the theory that there is no hierarchy among the norms of a constitution.  In the formal coneption of the constitution, what counts is the form, not the content of the rules.  Consequently, the rules found in a constitution, whatever their source (the originating constituent power or the derived constituent power) always have the same value.  The chronological difference has no effect on the legal value of a norm.  In short, the rule laid down by the originating constituent power and that laid down by the derived constituent power, both occupy the same rank in the hierarchy of norms.

En conséquence, le pouvoir constituant dérivé, du point de vue de sa source, est inférieur au pouvoir constituant originaire; car il en dérive.  Mais du point de vue de sa fonction, elle est l’équivalent du pouvoir constituant originaire; car il peut réviser la constitution qui a été établie par le pouvoir constituant originaire [92]  Cette situation du pouvoir constituant dérivé a été expliquée parfaitement par Georges Burdeau en affirmant que «l’autorité chargée des révisions constitutionnelles» est un «organe constituant par son but, mais un organe constitué par son origine»[93].  Georges Vedel aussi a affirmé la même idée:  «Il est constituant par ses effets; il est constitué quant à ses conditions d’exercice» [94].

Consequently, the derived constituent power, from the point of view of its source, is inferior to the originating constituent power; because it derives from it.  But from the point of view of its function, it is the equivalent of the originating constituent power; because it can revise the constitution which was established by the originating constituent power. [92]  This situation of the derived constituent power has been perfectly explained by Georges Burdeau in affirming that “the authority tasked with constitutional revisions” is a “constituent body by virtue of its purpose, but a constituted body by virtue of its origin”. [93]  Georges Vedel also has affirmed the same idea:  “It is constituent by its effects; it is constituted as to the conditions of its exercise.” [94]

En d’autres termes, il y a un organe constituant originaire et un organe constituant dérivé, mais il n’y a qu’une fonction constituante.  C’est dans ce sens là que le doyen Georges Vedel écrit:  «le pouvoir constituant dérivé n’est pas un pouvoir d’une autre nature que le pouvoir constituant initial» [95].  Plus récemment encore il a affirmé que le pouvoir constituant dérivé «est souverain.  Il n’est dérivé que sous l’aspect organique et formel; il est l’égal du pouvoir constituant originaire du point de vue matériel» [96].  Ainsi le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé diffèrent par leur organisation, par leur origine, mais ils s’unifient par leur fonction.  En conclusion, il y a une homogénéité, une identité entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé quant à leur fonction [97].

In other words, there is an originating constituent organ and a derived constituent organ, but there is only one constituent function.  It is in this sense that Dean Georges Vedel writes:  “The derived constituent power is not a power of another nature than the initial constituent power”. [95]  Still more recently he has affirmed that the derived constituent power “is sovereign.  It is derived only under the organic and formal aspect; it is the equal of the originating constituent power from the material point of view”. [96]  Thus the originating constituent power and the derived constituent power differ by their organization, by their origin, but they are unified by their function.  In conclusion, there is an homogeneity, an identity between the originating constituent power and the derived constituent power as to their function. [97]

C’est pourquoi, selon la théorie positiviste on peut affirmer qu’il faut examiner séparément le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé quand il s’agit d’un problème concernant leur organisation, mais il faut les examiner ensemble quand il s’agit d’un problème relevant de leur fonction.

This is why, according to positivist theory, it can be said that the originating constituent power and the derived constituent power must be examined separately when there is a problem concerning their organization, but together when there is a problem related to their function.

Nous venons de voir la conception formelle de la distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé.  Maintenant nous allons voir cette distinction selon la conception matérielle.

We have just seen the formal conception of the distinction between the originating constituent power and the derived constituent power.  Now we will look at this distinction according to the material conception.

II.  La conception matérielle

II.  The material conception

La distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé selon la conception matérielle est privilégiée par les auteurs non positivistes.  Cette distinction a été préparée par Carl Schmitt et reprise récemment par Olivier Beaud.

The distinction between originating constituent power and derived constituent power according to the material conception is favored by non-positivist authors.  This distinction was prepared by Carl Schmitt and recently taken up by Olivier Beaud.

A.  Carl Schmitt

A.  Carl Schmitt

Tout d’abord notons que Carl Schmitt emploie l’expression «pouvoir constituant» tout court [98] à la place du «pouvoir constituant originaire»; et celle de «pouvoir de révision constitutionnelle» [99] à la place du «pouvoir constituant dérivé».

First of all, we note that Carl Schmitt uses the expression “constituent power” quite simply [98]  instead of “originating constituent power”; and “power of constitutional revision” [99] instead of “derived constituent power”.

En effet, selon Carl Schmitt, il n’y a qu’un pouvoir constituant, c’est celui qu’il appelle le «pouvoir constituant» tout court.  Pour lui, le «pouvoir de révision constitutionnelle» n’est pas un pouvoir constituant.  Il l’écrit clairement:

Indeed, according to Carl Schmitt, there is only one constituent power, that is what he calls the “constituent power”.  For him, the “power of constitutional revision” is not a constituent power.  He clearly writes:

«Le pouvoir constituant est un et indivisible…  La confusion entre constitution et loi constitutionnelle a produit une confusion entre le pouvoir constituant et la compétence de révision constitutionnelle, ce qui conduit souvent à ranger cette compétence sous le nom de pouvoir constituant à côté d’autres pouvoirs» [100].

“The constituent power is one and indivisible … The confusion between constitution and constitutional law has produced a confusion between constituent power and the competence of constitutional revision, which often leads to classification of this competence under the name constituent power beside other powers.“ [100]

Selon l’auteur, «le pouvoir constituant s’exerce dans l’acte de la décision politique fondatrice» [101].  Il ajoute qu’«il peut même exister un pouvoir légiconstitutionnel de ‘modification’ ou ‘révision’ des lois constitutionnelles.  Mais, affirme-t-il, il faut en distinguer le pouvoir constituant lui-même» [102].

According to the author, “the constituent power is exercised in the act of the founding political decision”. [101]  He adds that “there may even be a legislative power to “change” or “revise” constitutional laws.  But, he asserts, it must be distinguished from the constituent power itself.” [102]

Carl Schmitt définit le pouvoir constituant [originaire] comme

Carl Schmitt defines [originating] constituent power as

«la volonté politique dont le pouvoir ou l’autorité sont en mesure de prendre la décision globale concrète sur le genre et la forme de l’existence politique propre, autrement dit déterminer l’existence de l’unité politique dans son ensemble» [103].

the political will whose power and authority are capable of making the concrete and general decision about the type and form of its own political existence, i.e., to determine the political existence of the political unity as a whole.” [103] (1928b: 75f.)

Carl Schmitt distingue le pouvoir constituant [originaire] et le pouvoir de révision constitutionnelle [= pouvoir constituant dérivé] par leur objet.  L’objet du premier est la «constitution» (Verfassung) et l’objet du second est les lois constitutionnelles (Verfassungsgesetz) [104].  Le pouvoir constituant [originaire] serait donc le «pouvoir de donner une nouvelle constitution» [105], alors que le pouvoir de révision constitutionnelle ne serait que le pouvoir de modifier le «texte des lois constitutionnelles en vigueur jusqu’alors» [106].  En d’autres termes, Carl Schmitt fonde la distinction entre le pouvoir constituant [originaire] et le pouvoir de révision constitutionnelle sur sa distinction entre la «constitution» et les «lois constitutionnelles».  Voyons alors qu’est-ce qu’une «constitution» au sens schmittien et ce que sont des «lois constitutionnelles».

Carl Schmitt distinguishes the [originating] constituent power and the power of constitutional revision [= derived constituent power] by their object.  The object of the first is the “constitution” (Verfassung) and the object of the second is the constitutional laws (Verfassungsgesetz). [104]  The [originating] constituent power would therefore be the “power to give a new constitution” [105], whereas the power of constitutional revision would only be the power to modify the “text of the constitutional laws until then in force”. [106]  In other words, Carl Schmitt bases the distinction between the [originating] constituent power and the power of constitutional revision on his distinction between “constitution” and “constitutional laws”.  So let’s see what a “constitution” is in the Schmittian sense and what are “constitutional laws”.

Carl Schmitt définit la «constitution» comme le «choix global du genre et de la forme de l’unité politique» [107].  Elle «est valide grâce à la volonté politique existante de celui qui la donne» [108].  La «constitution» «naît d’un acte du pouvoir constituant.  L’acte constituant (Verfassungsgebung) en tant que tel ne contient pas telles ou telles normations particulières, mais détermine par une décision unique la globalité de l’unité politique du point de vue de sa forme particulière d’existence» [109].  En d’autres termes, le célèbre constitutionnaliste du IIIe Reich conçoit la constitution comme «décision politique fondamentale du titulaire du pouvoir constituant» [110].

Carl Schmitt defines the “constitution” as the general decision about the type and form of the political unity”. [107] (1928b: 75f.)  It “is valid thanks to the existing political will of the one who gives it” [108].  The “constitution” “is born from an act of the constituent power.  The constituting act (Verfassungsgebung) as such does not contain any particular norms, but determines by a single decision the totality of the political unit from the point of view of its particular form of existence” [109].  In other words, the famous constitutionalist of the Third Reich conceived of the constitution as a “fundamental political decision of the holder of the constituent power”. [110]

En revanche, les lois constitutionnelles contiennent telles ou telles normations particulières [111].  Elles «n’ont de validité que sur le fondement de la constitution et présupposent une constitution» [112].  Ces lois sont formellement constitutionnelles [113], mais du point de vue de leur objet, elles sont «mineures» et «négligeables» [114].

On the other hand, the constitutional laws contain various particular norms [111].  They “only have validity on the basis of the constitution and presuppose a constitution”.  [112]  These laws are formally constitutional [113], but from the point of view of their object, they are “minor” and “negligible”. [114]

Carl Schmitt illustre les lois constitutionnelles par les exemples suivantes (tirés de la Constitution de Weimar):  art. 129:  «le fonctionnaire doit se voir garantir l’accès à son dossier personnel»; art.149:  «les facultés de théologie sont maintenues dans les universités» [115].  Selon Carl Schmitt, «toutes ces dispositions sont des réglementations par loi qui ont été élevées au rang des lois constitutionnelles parce qu’elles ont été intégrées à la ‘constitution’» [116].

Carl Schmitt illustrates constitutional laws with the following examples (taken from the Weimar Constitution): art. 129: “the official must be guaranteed access to his personal file”; art.149: “the faculties of theology are maintained in the universities”  [115].  According to Carl Schmitt, “all of these provisions are statutory regulations which have been elevated to the rank of constitutional laws because they were incorporated into the ‘constitution’.” [116]

Carl Schmitt donne également quelques exemples à la «constitution», c’est à dire aux «décisions politiques fondamentales» dans le cas de la Constitution de Weimar:  la décision en faveur de la démocratie (art.1), la décision pour la république contre la monarchie (art.1: «le Reich allemand est une république), la décision en faveur d’une structure d’Etat fédéral, la décision pour une forme fondamentalement représentative et parlementaire du législatif et du gouvernement, etc.  Selon Carl Schmitt, ces principes ne sont pas des lois constitutionnelles, «ce sont les décisions politiques concrètes qui fixent la forme d’existence politique du peuple allemand et forment le présupposé fondamental de toutes normations ultérieures, même celles données par les lois constitutionnelles» [117].  «Elles forment la substance de la constitution» [118].

Carl Schmitt also gives some examples of the “constitution”, meaning the “fundamental political decisions” in the case of the Weimar Constitution:  the decision in favor of democracy (art.1), the decision for the republic and against the monarchy (art.1: “the German Reich is a republic”), the decision in favor of a federal State structure, the decision for a fundamentally representative and parliamentary form of the legislative and of the government, etc.  According to Carl Schmitt, these principles are not constitutional laws, “these are the concrete political decisions which determine the form of political existence of the German people and form the fundamental presupposition of all subsequent norms, even those given by constitutional laws” [ 117]. “They form the substance of the constitution”. [118]

L’importance pratique de la distinction entre la «constitution» et les «lois constitutionnelles» apparaît du point de vue de leur révision.  Selon Carl Schmitt, la «constitution», c’est à dire les décisions politiques fondamentales, ne peut pas être modifiée par la procédure de révision constitutionnelle [119].  En effet, l’auteur définit la «révision de la constitution» comme la «modification du texte des lois constitutionnelles en vigueur jusqu’alors» [120], et non pas comme la modification de la «constitution», c’est à dire des décisions politiques fondamentales qui constituent la substance de la constitution [121].

The practical importance of the distinction between “constitution” and “constitutional laws” appears from the point of view of their revision  According to Carl Schmitt, the “constitution”, meaning the fundamental political decisions, cannot be modified by the constitutional revision procedure. [119] Indeed, the author defines the “revision of the constitution” as “the modification of the text of constitutional laws until then in force”, [120] and not as the modification of the “constitution”, meaning the fundamental political decisions which constitute the substance of the constitution.&nbspl[121].

Par conséquent, selon Carl Schmitt,

Consequently, according to Carl Schmitt,

«le pouvoir de révision constitutionnelle ne contient donc que le pouvoir d’apporter à des dispositions légiconstitutionnelles des modifications, additions, compléments, suppressions, etc., mais pas le pouvoir de donner une nouvelle constitution» [122].

“The power of constitutional revision therefore only contains the power to make changes, additions, supplements, deletions, etc., to legislative provisions, but not the power to give a new constitution.”  [122]

B.  Olivier Beaud

B.  Olivier Beaud

Le professeur Olivier Beaud, en s’inspirant de la théorie de Carl Schmitt, affirme que «l’acte constituant et l’acte de révision sont, ainsi que les pouvoirs qui s’y rattachent, fondamentalement distincts et opposés» [123].  De même, comme Carl Schmitt, il les dénomme de manière différente :

Professor Olivier Beaud, drawing on the theory of Carl Schmitt, states that “the constituent act and the act of revision, as well as the powers attached to them, are fundamentally distinct and opposed”. [123]. So too, like Carl Schmitt, he names them differently:

«l’acte qui édicte la constitution s’appellera ici l’acte constituant et l’acte qui révise la constitution s’appellera ici l’acte de révision, de même l’autorité qui prend le premier se nommera le ‘pouvoir constituant’ tout court (à la place du pouvoir constituant originaire) et le second le pouvoir de révision ou le pouvoir de révision constitutionnelle (à la place du pouvoir constituant dérivé)» [124].

“the act which enacts the constitution is here called the constituent act and the act which revises the constitution is here called the act of revision, likewise the authority which executes the first will call itself quite simply the “constituent power” (rather than the originating constituent power) and the second the “power of revision” or the “power of constitutional revision” (rather than the derived constituent power).” [124]

Selon le professeur Beaud, il y a un rapport hiérarchique entre le pouvoir constituant [originaire] et le pouvoir de révision [125].  Le premier est un pouvoir souverain, tandis que le second est un pouvoir non souverain [126].  Par conséquent, il n’y a pas d’identification entre ces deux pouvoirs.  Le pouvoir constituant est toujours illimité et le pouvoir de révision est toujours limité [127].  En effet, pour Olivier Beaud il n’y a qu’un pouvoir constituant, c’est celui que nous appelons le pouvoir constituant originaire.  Le pouvoir de révision n’est jamais un pouvoir constituant, il n’est qu’un pouvoir constitué.  Il le dit clairement:  «le pouvoir de révision n’étant qu’un pouvoir constitué ne peut pas exercer la fonction constituante» [128].

According to Professor Beaud, there is a hierarchical relationship between the [originating] constituent power and the power of revision [125].  The former is a sovereign power, while the latter is a non-sovereign power [126].  Consequently, there is no shared identity between these two powers.  The constituent power is always unlimited and the power of revision is always limited. [127]  Indeed, for Olivier Beaud there is only one constituent power, what we call the originating constituent power.  The power of revision is never a constituent power, it is only a constituted power.  He says it clearly:  “the power of revision, being only a constituted power, cannot exercise the constituent function.” [128]

Le critère de distinction d’Olivier Beaud entre le pouvoir constituant [originaire] et le pouvoir de révision constitutionnelle est d’ordre matériel.  En d’autres termes, le professeur Olivier Beaud distingue le pouvoir constituant [originaire] du pouvoir de révision par son objet [129].  Selon lui, les matières touchant à la souveraineté nationale du peuple relèvent de la compétence du pouvoir constituant [originaire] et celles qui ne la concernent pas relèvent du pouvoir de révision [130].  Car, d’après lui, seul le pouvoir constituant et jamais le pouvoir de révision peut remettre en cause la souveraineté nationale du peuple [131].

Olivier Beaud’s criterion for distinguishing between the [originating] constituent power and the power of constitutional revision is of a material order.  In other words, Professor Olivier Beaud distinguishes the [originating] constituent power from the power of revision by its object. [129]  According to him, matters relating to the national sovereignty of the people fall within the jurisdiction of the [originating] constituent power and those which do not concern it fall within the power of revision. [130]  For, according to him, only the constituent power and never the power of revision can call into question the national sovereignty of the people. [131]

Ainsi, lorsque le pouvoir constituant intervient, pour déterminer son type (originaire ou dérivé), selon Olivier Beaud, «il faut d’abord rechercher si l’objet de sa décision porte sur des dispositions fondamentales (sur des matières de souveraineté) ou sur des objets secondaires» [132].  Alors, s’il porte sur des «matières de souveraineté», il est le pouvoir constituant originaire; s’il porte sur des «objets secondaires», il est le pouvoir de révision constitutionnelle.

Thus, when the constituent power intervenes, to determine its type (originating or derived), according to Olivier Beaud, “it is first necessary to inquire whether the object of its decision relates to fundamental provisions (on matters of sovereignty) or to secondary objects”. [132]  So, if it concerns “matters of sovereignty”, it is the originating constituent power; if it relates to “secondary objects”, it is the power of constitutional revision.

III.  Appréciation générale

III.  General appreciation

Nous venons de voir deux théories opposées sur la distinction entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé: une théorie positiviste fondée sur une conception formelle défendue par Carré de Malberg, Georges Burdeau, Roger Bonnard et une théorie non positiviste fondée sur une conception matérielle défendue par Carl Schmitt et Olivier Beaud.

We have just seen two opposing theories on the distinction between originating constituent power and derived constituent power:  a positivist theory based on a formal conception defended by Carré de Malberg, Georges Burdeau, Roger Bonnard and a non-positivist theory based on a material conception defended by Carl Schmitt and Olivier Beaud.

Ces deux théories s’opposent sur tous les points.

These two theories are in opposition on all points.

1.  Selon la théorie positiviste, la seule chose qui compte est la forme de l’exercice du pouvoir constituant.  S’il s’exerce dans le cadre constitutionnel, il est le pouvoir constituant dérivé et s’il s’exerce en dehors de ce cadre, il est un pouvoir constituant originaire.  La matière sur laquelle ce pouvoir s’exerce n’a aucune importance.  Par contre selon la théorie schmittienne, s’il s’agit d’une «constitution», c’est à dire des «décisions politiques fondamentales», le pouvoir constituant dérivé ne peut pas s’exercer.  De même pour Olivier Beaud, si la matière en question touche à la souveraineté nationale du peuple, le pouvoir constituant originaire est compétent et non pas le pouvoir constituant dérivé.

1.  According to positivist theory, the only thing that matters is the form of the exercise of constituent power.  If it is exercised within the constitutional framework, it is the derived constituent power and if it is exercised outside this framework, it is an originating constituent power.  The matter on which this power is exercised has no importance.  On the other hand, according to Schmittian theory, if it is a “constitution”, meaning “fundamental political decisions”, the derived constituent power cannot be exercised.  Similarly for Olivier Beaud, if the matter in question affects the national sovereignty of the people, the originating constituent power is competent and not the derived constituent power.

2.  La théorie matérielle propose des titulaires au pouvoir constituant originaire.  Selon Carl Schmitt, le titulaire du pouvoir constituant originaire est le «peuple dans la démocratie» et le «monarque dans la vraie monarchie» [133].  Olivier Beaud aussi détermine le titulaire du pouvoir constituant [originaire].  Selon lui, le pouvoir constituant [originaire] ne peut être exercé que directement par le peuple, et non pas par ses représentants [134].  Il affirme que les dispositions de la constitution touchant à la souveraineté ne peuvent être révisées que directement par le peuple, c’est à dire le pouvoir constituant [originaire] et non pas par ses représentants, c’est à dire le pouvoir de révision [135].  Car, «seul le peuple en tant que Souverain peut aliéner ou échanger sa souveraineté» [136].  Bref, pour Olivier Beaud, le pouvoir constituant, ne peut appartenir qu’au peuple [137].

2.  The material theory proposes holders of the originating constituent power.  According to Carl Schmitt, the holder of the originating constituent power is the “people in democracy” and the “monarch in the true monarchy”.  [133] Olivier Beaud also determines the holder of the [originating] constituent power.  According to him, the [originating] constituent power can only be exercised directly by the people, and not by their representatives. [134]  He asserts that the provisions of the constitution relating to sovereignty can only be revised directly by the people, meaning the [originating] constituent power and not by their representatives, meaning the power of revision. [ 135]  Because, “only the people as Sovereign can alienate or exchange their sovereignty” [136].  In short, for Olivier Beaud, the constituent power can only belong to the people. [137]

Par contre, la théorie formelle est complètement indifférente au titulaire du pouvoir constituant originaire.  Car, ce pouvoir est un pur fait, par conséquent son titulaire se détermine par les circonstances de force.  Le peuple peut être le titulaire du pouvoir constituant originaire.  Mais le peuple en tant que pouvoir constituant originaire échappe à l’examen juridique.  Et si le peuple intervient directement dans la procédure de révision constitutionnelle suivant les règles fixées par la constitution, il n’est pas un pouvoir constituant originaire, mais un pouvoir constituant dérivé.

On the other hand, the formal theory is completely indifferent to the holder of the originating constituent power.  For this power is a pure fact, therefore its holder is determined by the circumstances of force.  The people can be the holder of the original constituent power.  But the people as an original constituent power escape legal scrutiny.  And if the people intervene directly in the procedure of constitutional revision according to the rules fixed by the constitution, it is not an originating constituent power, but a derived constituent power.

3.  Dans la théorie matérielle, il est possible que le pouvoir constituant originaire s’exerce dans le cadre constitutionnel.  En effet si l’on édicte une norme touchant à une matière relevant de la compétence du pouvoir constituant originaire par la procédure de révision constitutionnelle, selon cette théorie, il y aurait ici l’exercice du pouvoir constituant originaire.  Par exemple, dans la théorie d’Olivier Beaud, si l’on révise une disposition de la Constitution française touchant à la souveraineté nationale du peuple, et si le peuple intervient directement, statuant par référendum (art.11 ou art.89, al.2), il y aurait ici un acte de pouvoir constituant originaire.  Par exemple, selon Olivier Beaud, la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 nécessitait un référendum constituant (art.89, al.2) [138].  Car, à son avis, cette révision constitutionnelle touchait à la souveraineté nationale du peuple [139].  Par conséquent, selon sa théorie, si seul le peuple en tant que souverain constituant avait dû intervenir en statuant par référendum (art.89, al.2) pour ratifier cette loi de révision constitutionnelle, il y aurait eu un acte du pouvoir constituant originaire.  En d’autres termes, pour le professeur Olivier Beaud, il est possible que le pouvoir constituant originaire s’exerce dans le cadre d’une disposition de la Constitution.  D’ailleurs, le professeur Beaud interprète la révision constitutionnelle de 1962 prévoyant l’élection du président de la République par le suffrage universel [140] comme «un véritable acte constituant [originaire]» [141].

3.  In the material theory, exercise of the originating constituent power is possible within the constitutional framework.  Indeed, if a norm relating to a matter within the jurisdiction of the originating constituent power is enacted by the procedure of constitutional revision, according to this theory, there would here be the exercise of the originating constituent power.  For example, in Olivier Beaud’s theory, if a provision of the French Constitution relating to the national sovereignty of the people is revised, and if the people intervene directly, ruling by referendum (art.11 or art.89, para.2), there would be here an act of the originating constituent power.  For example, according to Olivier Beaud, the constitutional law of June 25, 1992 required a constituent referendum (art.89, para.2). [138]  Because, in his opinion, this constitutional revision touched upon the national sovereignty of the people. [139]  Consequently, according to his theory, if only the people as sovereign constituent had to intervene by ruling by referendum (art.89, para.2) to ratify this law of constitutional revision, there would have been an act of the original constituent power.  In other words, for Professor Olivier Beaud, it is possible for the originating constituent power to be exercised within the framework of a provision of the Constitution.  Moreover, Professor Beaud interprets the constitutional revision of 1962, providing for the election of the President of the Republic by universal suffrage, [140] as “a real [originating] constituent act” [141].

Or, selon la théorie formelle, l’exercice du pouvoir constituant originaire dans la cadre de la constitution est par définition même inimaginable.  En effet, comme on l’a vu, selon cette théorie, le pouvoir constituant originaire ne peut s’exercer que dans le vide juridique, c’est à dire lorsqu’il n’y a pas ou qu’il n’y a plus de constitution en vigueur.  L’exercice du pouvoir constituant originaire et l’existence d’une constitution en vigueur ne sont pas en même temps concevables.  Certes le peuple peut toujours exercer son pouvoir constituant originaire, mais dans ce cas, il aurait accompli au préalable une révolution.  Car, l’exercice du pouvoir constituant originaire implique l’abrogation de la constitution en vigueur.  Par conséquent tant que le peuple en tant que pouvoir constituant originaire n’a pas abrogé la constitution en vigueur, son intervention dans le cadre de révision constitutionnelle restera toujours de nature instituée.  Ainsi toute intervention du peuple dans le processus de révision constitutionnelle en application d’une disposition constitutionnelle (par exemple art.89, al.2) n’est qu’un exercice du pouvoir de révision, et non pas du pouvoir constituant originaire.

However, according to the formal theory, the exercise of originating constituent power within the framework of the constitution is by definition quite unimaginable.  Indeed, as we have seen, according to this theory, the originating constituent power can only be exercised in a legal void, meaning when there is no constitution or it is no longer in force.  The exercise of originating constituent power and the existence of a constitution in force are not simultaneously conceivable.  Certainly, the people can still exercise their originating constituent power, but in this case, they would have first accomplished a revolution.  Because the exercise of the originating constituent power implies the abrogation of the constitution in force.  Consequently, so long as the people as an originating constituent power have not abolished the constitution in force, their intervention in the context of constitutional revision will always remain of an instituted nature.  Thus, any intervention of the people in the process of constitutional revision in application of a constitutional provision (for example article 89, para. 2) is only an exercise of the power of revision, and not of the originating constituent power.

4. Enfin, selon la théorie matérielle, le pouvoir constituant dérivé est par principe même matériellement limité.  Et les limites s’imposant à l’exercice de ce pouvoir peuvent être des limites non inscrites dans le texte constitutionnel aussi bien que des limites prévues expressément par le texte constitutionnel.  Or selon la théorie formelle, le pouvoir constituant dérivé n’est limité que par les conditions de forme et de procédure de révision constitutionnelle.  Les limites à la révision constitutionnelle autres que celles inscrites dans le texte constitutionnel ne s’imposent pas à l’exercice du pouvoir constituant dérivé.  En effet nous allons reprendre cette question tout au long de notre thèse.  C’est pourquoi, nous nous contentons ici de signaler que la théorie formelle et la théorie matérielle s’opposent encore sur la question de la limitation du pouvoir constituant dérivé.

4.  Finally, according to the material theory, the derived constituent power is in principle even materially limited.  And the limits imposed on the exercise of this power may be limits not written into the constitutional text as well as limits expressly provided for in the constitutional text.  According to formal theory, the derived constituent power is limited only by the conditions of form and procedure of constitutional revision.  Limits to constitutional revision other than those inscribed in the constitutional text are not imposed on the exercise of derived constituent power.  Indeed we will take up this question again throughout our thesis.  This is why we content ourselves here with pointing out that the formal theory and the material theory are again mutually opposed on the question of the limitation of the derived constituent power

* * *

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Comme on le voit, ces deux théories s’opposent sur tous les points et sont complètement inconciliables.  C’est pourquoi, il faut choisir entre ces deux théories.  Mais comment?

As we can see, these two theories are in opposition on all points and are completely irreconcilable.  Therefore, it is necessary to choose between these two theories.  But how?

A.  Le choıx entre ces deux conceptıons

A.  The choice between these two conceptıons

On peut observer que les deux théories aussi sont des théories cohérentes avec elles mêmes.  Elles tirent toutes les conclusions logiques de leurs propres prémisses.  En d’autres termes, leurs conséquences et leurs principes forment un ensemble parfaitement cohérent.  Leur inférence est valide, et par conséquent le choix entre ces deux théories ne peut pas s’opérer au niveau de leur raisonnement en soi.  Alors ce choix ne peut s’effectuer qu’au niveau de leurs prémisses et de leurs conclusions.

It can be observed that each of these two theories also is internally consistent.  They draw all the logical conclusions from their own premises.  In other words, their consequences and their principles form a perfectly coherent whole.  Their inference is valid, and therefore the choice between these two theories cannot be made at the level of their reasoning per se.  So this choice can only be made at the level of their premises and their conclusions.

Certes les prémisses de ces deux théories sont bien différentes l’une de l’autre.  Mais il n’y a pas de critère juridique pour évaluer la validité des leurs prémisses.  Car, les unes et les autres ne sont que des hypothèses.  Par conséquent les prémisses de la théorie de Carl Schmitt sont aussi valables que celles de la théorie de Carré de Malberg.  Le choix entre les deux ne peut pas se décider sur le terrain juridique.  Il faut donc accepter la valeur théorique des hypothèses de la théorie formelle et de celles de la théorie matérielle.  Au niveau des prémisses, tout ce que nous pouvons faire ici consiste à souligner la différence qui existe entre elles.  D’ailleurs nous venons de le faire.

Certainly the premises of these two theories are very different from each other.  But there is no legal test for assessing the validity of their premises.  For, both are only hypotheses.  Therefore the premises of Carl Schmitt’s theory are as valid as those of Carré de Malberg’s theory.  The choice between the two cannot be decided on legal grounds.  We must therefore accept the theoretical value of the hypotheses of the formal theory and those of the material theory.  At the level of premises, all we can do here is to point out the difference that exists between them.  Moreover, we have just done so.

D’autre part, on ne peut non plus critiquer leurs conclusions en soi.  Car comme on l’a dit, la théorie formelle et la théorie matérielle sont des théories cohérentes avec elles-mêmes.   Les partisans de ces théories tirent toutes les conclusions logiques de leurs propres prémisses.  Autrement dit, ses conclusions ne sont que les suites logiques de leurs prémisses.  Alors en ce qui concerne leurs conclusions, nous ne pouvons constater que leur conformité ou non conformité avec les données du droit positif.  En d’autres termes, nous allons vérifier si les conclusions de ces théories sont consacrées ou démenties par la pratique constitutionnelle française.  Il faut remarquer que cette vérification n’est pas une étude théorique, mais un travail empirique qui consiste en une simple constatation.  En conclusion, nous ne discuterons pas ici le bien-fondé de la logique de la théorie formelle et de la théorie matérielle.  Mais en vérifiant la conformité de leurs conclusions avec le droit positif, nous allons les accepter ou les refuser dans leur ensemble.

Moreover, their conclusions per se cannot be criticized, either.  For, as we said, the formal theory and the material theory are theories that are internally consistent.  Proponents of these theories draw all the logical conclusions from their premises.  In other words, their conclusions are only the logical outcome of the premises.  So, as far as their conclusions are concerned, we can only observe their conformity or non-conformity with the data of positive law.  In other words, we are going to ascertain whether the conclusions of these theories are affirmed or contradicted by French constitutional practice.  It should be noted that this verification is not a theoretical study, but an empirical work consisting of simple observation.  In conclusion, we will not discuss here the merits of the logic of the formal theory and of the material theory.  But by ascertaining the conformity of the conclusions of each with positive law, we will accept or reject each as a whole.

Dans ce but, nous rechercherons ici la conformité des conclusions de la théorie formelle et de la théorie matérielle avec les données du droit positif sur les points suivants.

For this purpose, we will investigate the conformity of the conclusions of the formal theory and of the material theory with the data of positive law on the following points.

1. L’identité entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé. –

1. The shared identity of the originating constituent power and the derived constituent power. –

La théorie matérielle (Carl Schmitt et Olivier Beaud) refuse l’identité du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé.  Selon cette théorie, ces deux pouvoirs constituants sont complètement distincts et opposés [142].  Il y a toujours un rapport hiérarchique entre le pouvoir constituant et le pouvoir de révision [143].  Le premier est un pouvoir souverain, tandis que le second est un pouvoir non souverain [144].  Par conséquent, il n’y a pas d’identification entre ces deux pouvoirs [145].  Le pouvoir constituant est toujours illimité et le pouvoir de révision est toujours limité [146].  En effet, pour Carl Schmitt et Olivier Beaud il n’y a qu’un pouvoir constituant, c’est celui que nous appelons le pouvoir constituant originaire [147].  Le pouvoir de révision n’est jamais un pouvoir constituant, il n’est qu’un pouvoir constitué.  Olivier Beaud le dit clairement:  «le pouvoir de révision n’étant qu’un pouvoir constitué ne peut pas exercer la fonction constituante» [148].

The material theory (Carl Schmitt and Olivier Beaud) rejects the shared identity of the originating constituent power and the derived constituent power.  According to this theory, these two constituent powers are completely separate and opposed. [142]  There is always a hierarchical relationship between the constituent power and the power of revision. [143]  The first is a sovereign power, while the second is a non-sovereign power. [144]  Therefore, there is no shared identification between these two powers. [145]  The constituent power is always unlimited and the power of revision is always limited. [146]  In fact, for Carl Schmitt and Olivier Beaud there is only one constituent power, which we call the originating constituent power [147].  The power of revision is never a constituent power, it is only a constituted power.  Olivier Beaud says it clearly:  “the power of revision being but a constituted power cannot exercise the constituent function” [148].

Comme on le voit, la théorie matérielle nie la nature constituante du pouvoir constituant dérivé.  Or, selon la théorie formelle, comme on l’a vu, même si du point de vue de leur organisation, ces deux pouvoirs sont distincts et opposés, du point de vue de leur fonction, ils sont identiques, car ils exercent la même fonction.  En d’autres termes, selon cette théorie, «le pouvoir constituant dérivé n’est pas un pouvoir d’une autre nature que le pouvoir constituant initial» [149].  Ainsi le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé diffèrent par leur organisation, par leur origine, mais ils s’unifient par leur fonction.  En conclusion, selon la théorie positiviste, il y a une homogénéité, une identité entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé quant à leur fonction.  Or, la théorie schmittienne nie complètement cette homogénéité.

As can be seen, the material theory denies the constituent nature of the derived constituent power.  However, according to the formal theory, as we have seen, even if from the point of view of their organization these two powers are distinct and opposed, from the point of view of their function, they are identical, because they exercise the same function.  In other words, according to this theory, “the derived constituent power is not a power of another nature than the initial constituent power” [149].  Thus the originating constituent power and the derived constituent power differ by their organization, by their origin, but they are unified by their function.  In conclusion, according to positivist theory, there is a homogeneity, a shared identity between the originating constituent power and the derived constituent power as to their function.  However, the Schmittian theory completely denies this homogeneity.

On peut constater que sur ce point c’est la théorie formelle qui est confirmée par la pratique constitutionnelle.  Car, la pratique constitutionnelle de tous les pays montre que la constitution qui est établie par le pouvoir constituant originaire peut être révisée par le pouvoir constituant dérivé.  Parce que la norme posée par le pouvoir de révision a la même valeur juridique que celle qui est posée initialement par le pouvoir constituant originaire:  elles se trouvent sur le même rang dans la hiérarchie des normes.  Par conséquent du point de vue de leur fonction, il y a une identification entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé.

It can be observed that on this point it is the formal theory that is confirmed by constitutional practice.  For, the constitutional practice of all countries shows that the constitution established by the originating constituent power can be revised by the derived constituent power.  Because the norm posed by the power of revision has the same legal value as that initially posed by the originating constituent power:  they are found at the same level in the hierarchy of norms.  Consequently, from the point of view of their function, there is a shared identification between the originating constituent power and the derived constituent power.

2.  Les conceptions matérielle et formelle de la constitution. –

2.  The material and formal conceptions of the constitution –

En effet, la théorie formelle (Carré de Malberg) et la théorie matérielle (Schmitt) sur la distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé sont fondées sur les différentes conceptions de la constitution.  La première théorie est fondée sur la conception formelle et la deuxième sur la conception matérielle de la constitution.  Pour la première, c’est évident, car, on sait que Carré de Malberg défend une conception strictement formelle de la constitution[150].

Indeed, the formal theory (Carré de Malberg) and the material theory (Schmitt) on the distinction of the originating constituent power and the derived constituent power are founded on different conceptions of the constitution.  The first theory is based on the formal conception and the second on the material conception of the constitution.  As to the first, this is obvious, because we know that Carré de Malberg defends a strictly formal conception of the constitution.[150]

D’autre part, la théorie qui est défendue par Carl Schmitt et Olivier Beaud implique l’acceptation d’une conception matérielle de la constitution.  Car, sans avoir préalablement admis une telle conception, on ne peut pas établir une distinction entre les «décisions politiques fondamentales» relevant de l’exercice du pouvoir constituant originaire et les «lois constitutionnelles» qui peut être révisées par le pouvoir de révision constitutionnelle.  De même la distinction entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé effectuée par Olivier Beaud repose sur la distinction entre les dispositions constitutionnelles touchant à la souveraineté nationale du peuple («matières de souveraineté»[151]) et les dispositions n’y touchant pas («objets secondaires»[152]).  Bien entendu une telle distinction suppose une conception matérielle de la constitution.  D’ailleurs, Olivier Beaud défend clairement une conception matérielle de la constitution.[153].

In addition, the theory defended by Carl Schmitt and Olivier Beaud implies the acceptance of a material conception of the constitution.  For, without first admitting such a conception, one cannot make a distinction between “fundamental political decisions” relating to the exercise of original constituent power and “constitutional laws” which can be revised by the power of constitutional revision.  Similarly, the distinction between originating constituent power and derived constituent power made by Olivier Beaud is based on the distinction between the constitutional provisions relating to the national sovereignty of the people (“matters of sovereignty”[151]) and those provisions not affecting (“secondary objects”[152]).  Of course, such a distinction presupposes a material conception of the constitution.  Moreover, Olivier Beaud clearly defends a material conception of the constitution.[153]

Nous avons déjà fait notre choix en faveur de la conception formelle de la constitution.  Nous avons plus haut remarqué qu’en droit positif français, c’est la distinction formelle qui est retenue.

We have already made our choice in favor of the formal conception of the constitution.  We noted above that in French positive law, it is the formal distinction that is retained.

3. La hiérarchie entre les normes constitutionnelles. – La théorie matérielle implique une hiérarchie entre les normes de la constitution.  Car, les dispositions de la constitution relevant de la compétence du pouvoir constituant originaire ne peuvent pas être révisées par le pouvoir constituant dérivé.  Par conséquent elles occupent une place supérieure à d’autres normes de la constitution qui peuvent être révisées par le pouvoir constituant dérivé.

3. The hierarchy among constitutional norms. – The material theory implies a hierarchy among the norms of the constitution.  Because, the provisions of the constitution falling within the competence of the originating constituent power cannot be revised by the derived constituent power.  Consequently they occupy a higher place than other norms of the constitution which can be revised by the derived constituent power.

Par exemple, dans la théorie de Carl Schmitt, les normes constitutionnelles exprimant les «décisions politiques fondamentales»[154] , autrement dit les dispositions formant la «substance de la constitution»[155] ne peuvent pas être modifiées par le pouvoir de révision constitutionnelle[156], alors que les «dispositions de détail»[157] (les lois constitutionnelles) peuvent être modifiées par la procédure de révision constitutionnelle[158].

For example, in Carl Schmitt’s theory, constitutional norms expressing “fundamental political decisions” [154], in other words provisions forming the “substance of the constitution”, [155] cannot be modified by the power of constitutional revision [156], whereas “provisions of detail”[157] (constitutional laws) can be modified by the procedure of constitutional revision.[158]

Quant au professeur Olivier Beaud, il pense que,

As for professor Olivier Beaud, he believes that,

«différents par leur objet et leur contenu, l’acte constituant et l’acte de révision révèlent donc l’existence d’une hiérarchie matérielle entre les principes intangibles et des dispositions qui ne le sont pas» [159].

“Different in object and content, the constituent act and the act of revision therefore reveal the existence of a material hierarchy between inviolable principles and provisions which are not” [159].

Dans le cadre de la Constitution française, Olivier Beaud propose une hiérarchisation entre les normes constitutionnelles en fonction du fait qu’elles touchent ou non à la souveraineté du peuple.  Ainsi il attribue une place supérieure aux dispositions de la Constitution relatives à la souveraineté du peuple dans la hiérarchie des normes constitutionnelles [160].  Olivier Beaud l’affirme clairement

In the framework of the French Constitution, Olivier Beaud proposes a hierarchy of constitutional norms based on whether or not they affect the sovereignty of the people.  Thus he attributes a higher rank in the hierarchy of constitutional norms to provisions of the Constitution relating to the sovereignty of the people. [160]  Olivier Beaud affirms it clearly:

«Il existe une hiérarchie matérielle au sein de la Constitution en vertu de laquelle le principe de souveraineté prévaut sur toute autre disposition constitutionnelle qui y porte atteinte» [161].

“A material hierarchy exists in the Constitution in virtue of which the principle of sovereignty prevails over any constitutional provision which negatively affects it” [161].

Par conséquent, selon lui, les dispositions de la constitution touchant à la souveraineté du peuple deviennent intangibles à l’égard du pouvoir constituant dérivé.

Consequently, according to him, the provisions of the constitution touching on the sovereignty of the people become sacrosanct with regard to the derived constituent power.

D’ailleurs, Olivier Beaud critique la doctrine dominante selon laquelle «il ne saurait y avoir de primauté d’un article de la Constitution sur un autre, ou encore d’un ‘principe’ constitutionnel comme celui de la souveraineté sur une règle constitutionnelle» [162].  Il estime que, «selon un tel raisonnement, la souveraineté nationale… n’a pas plus de valeur juridique que n’importe quelle disposition constitutionnelle édictée en ‘la forme de révision’» [163]!  Ensuite le professeur Beaud affirme que la souveraineté nationale est un «élément intangible de la Constitution» [164].  Ainsi selon lui,

Furthermore, Olivier Beaud criticizes the dominant doctrine according to which “there can be no primacy of one article of the Constitution over another, or even of a constitutional ‘principle’ such as sovereignty over a constitutional rule.” [162].  He believes that “according to such reasoning, national sovereignty … has no more legal value than any constitutional provision enacted by ‘the form of revision’” [163]!  Then Professor Beaud affirms that national sovereignty is an “ inviolable element of the Constitution”  [164].  So according to him,

«les réserves de la souveraineté ne peuvent être levées par le pouvoir de révision constitutionnelle, mais seulement par le pouvoir constituant originaire, car seul un acte de souveraineté peut ici défaire un autre acte constituant.  Si la loi constitutionnelle de révision est impuissante à lever l’obstacle de la souveraineté nationale, c’est parce que celle-ci doit être interprétée comme faisant partie des dispositions intangibles de la Constitution française.  La souveraineté de l’Etat (impliquée par la souveraineté nationale) constitue une limitation autonome et tacite tirée de l’interprétation raisonnable et systématique de la Constitution» [165].

“the reserves of sovereignty cannot be lifted by the power of constitutional revision, but only by the originating constituent power, because only an act of sovereignty here can undo another constituent act.  If the constitutional law of revision is powerless to remove the obstacle of national sovereignty, it is because the latter must be interpreted as forming part of the inviolable provisions of the French Constitution.  State sovereignty (implied by national sovereignty constitutes an autonomous and tacit limitation drawn from a reasonable and systematic interpretation of the Constitution” [165].

Comme le précise Olivier Beaud lui-même, sa thèse a pour «effet juridique la reconnaissance d’une supériorité de certaines dispositions constitutionnelles sur d’autres» [166].  Et selon lui, ces dispositions supérieures, comme on vient de le montrer, sont celles qui touchent à la souveraineté nationale du peuple.  Ainsi, les dispositions de la Constitution touchant à la souveraineté nationale du peuple sont intangibles à l’égard du pouvoir constituant dérivé, par conséquent elles constituent des limites matérielles à la révision constitutionnelle.

As Olivier Beaud himself specifies, his theory has the “legal effect of recognizing the superiority of certain constitutional provisions over others”.  [166]  And according to him, these superior provisions, as we have just shown, are those which affect the national sovereignty of the people.  Thus, the provisions of the Constitution affecting the national sovereignty of the people are inviolable with regard to the derived constituent power, therefore they constitute material limits to constitutional revision.

Or, selon la théorie formelle, dans le système de la Constitution française de 1958, le principe de la souveraineté nationale du peuple est l’un des principes à valeur constitutionnelle avec d’autres.  Sa valeur résulte de l’article 3 de la Constitution.  Et dans la conception formelle de la constitution une disposition constitutionnelle ne peut pas avoir une valeur supérieure sur d’autres dispositions constitutionnelles.  Par conséquent elle peut être révisée comme toutes les autres dispositions de la Constitution par le pouvoir constituant dérivé.  Ainsi la disposition constitutionnelle qui règle la souveraineté nationale n’est pas un élément intangible de la Constitution et elle ne constitue pas une limite à la révision constitutionnelle.

However, according to the formal theory, in the system of the French Constitution of 1958, the principle of the national sovereignty of the people is one of the principles with constitutional value along with others.  Its value results from article 3 of the Constitution.  And in the formal conception of the constitution, one constitutional provision cannot have a value superior to that of other constitutional provisions.  Therefore, like all the other provisions of the Constitution, it can be revised by the derived constituent power.  Thus the constitutional provision which governs national sovereignty is not an inviolable element of the Constitution and does not constitute a limit to constitutional revision.

On peut observer que c’est la théorie formelle qui est compatible avec les données du droit positif français.  En effet, s’il y a une hiérarchie entre les différentes normes constitutionnelles, elles doivent tirer leur validité les unes des autres.  Or, comme on le sait, dans le système de la Constitution française de 1958, toutes les normes à valeur constitutionnelle tirent leur validité d’un seul et unique acte:  le référendum constituant de 1958.  En d’autres termes, aucune hiérarchie ne peut être établie entre les différentes normes à valeur constitutionnelle du point de vue de leur validité.  Toutes les normes constitutionnelles sont édictées par le même vote et peuvent être modifiées ou abrogées selon la même procédure de révision.  Par conséquent elles ne différent les unes des autres ni en validité ni en force juridique [167].  Autrement dit, comme le doyen Vedel l’affirme, «la révision de telle disposition que l’on peut juger essentielle n’exige pas une procédure différente de celle qui présiderait à la retouche de telle autre disposition de caractère anodin» [168].

It can be observed that it is the formal theory which is compatible with the facts of French positive law.  Indeed, if there is a hierarchy between the different constitutional norms, they must derive their validity from each other.  However, as we know, in the system of the French Constitution of 1958, all norms with constitutional value derive their validity from a single act:  the constituent referendum of 1958.  In other words, no hierarchy can be established between the various norms with constitutional value from the point of view of their validity.  All constitutional norms are enacted by the same vote and can be modified or repealed according to the same revision procedure.  Consequently, they do not differ from each other in validity or in legal force. [167]  Put another way, as Dean Vedel asserts, “the revision of a given provision which may be deemed essential does not require a procedure different from that which would preside over the reworking of any other provision of an innocuous character”. [168]

Quant à la thèse d’Olivier Beaud selon laquelle le principe de la souveraineté nationale (art.3 de la Constitution de 1958 et art.3 de la Déclaration de 1789) est supérieur à d’autres dispositions constitutionnelles, et par conséquent que celui-ci est intangible à l’égard du pouvoir constituant dérivé, elle a été catégoriquement démentie par la pratique constitutionnelle française.  Car, les articles 88-2 et 88-3 ajoutés par la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 dérogent effectivement l’article 3 de la Constitution qui règle le principe de la souveraineté nationale.  D’ailleurs le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 septembre 1992 a confirmé cette dérogation.  En effet, le Conseil constitutionnel dans cette décision, «en ce qui concerne le moyen tiré de ce que le Traité n’est pas conforme à l’article 3 de la Constitution», a affirmé que

As for Olivier Beaud’s thesis that the principle of national sovereignty (art.3 of the 1958 Constitution and art.3 of the 1789 Declaration) is superior to other constitutional provisions, and therefore inviolable with regard to the derived constituent power, this has been categorically contradicted by French constitutional practice.  For, articles 88-2 and 88-3, added by the constitutional law of June 25, 1992, effectively derogate from article 3 of the Constitution, which regulates the principle of national sovereignty.  Moreover, the Constitutional Council, in its decision of September 2, 1992, confirmed this derogation.  Indeed, the Constitutional Council, in this decision “as regards the plea alleging that the Treaty is not in conformity with article 3 of the Constitution”, affirmed that

«sous réserve, d’une part, des limitations touchant aux périodes au cours desquelles une révision de la Constitution ne peut pas être engagée ou poursuivie, qui résultent des articles 7, 16, et 89, alinéa 4, du texte constitutionnel et, d’autre part, du respect des prescriptions du cinquième alinéa de l’article 89 en vertu desquelles ‘la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision’, le pouvoir constituant est souverain; qu’il lui est loisible d’abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu’il estime appropriée; qu’ainsi, rien ne s’oppose à ce qu’il introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans le cas qu’elles visent, dérogent à une règle ou à un principe de valeur constitutionnelle; que cette dérogation peut être aussi bien expresse qu’implicite».[169].

“subject, on the one hand, to limitations relating to the periods when a revision of the Constitution cannot be initiated or pursued as a result of articles 7, 16, and 89, paragraph 4 of the constitutional text; and on the other hand to compliance with the requirements of the fifth paragraph of article 89 by virtue of which the republican form of government cannot be revised, the constituent power is sovereign; meaning it is free to repeal, modify or supplement constitutional provisions in the form it considers appropriate; therefore, nothing prevents it from introducing into the text of the Constitution new provisions which, in the case intended, derogate from a constitutional rule or principle; this derogation can be express or implied”.[169]

Comme on le voit, le Conseil constitutionnel, comme les limites s’imposant à l’exercice du pouvoir constituant dérivé, mentionne les articles 7, 16, et 89, alinéas 4 et 5, mais non pas l’article 3 de la Constitution de 1958, ni l’article 3 de la Déclaration de 1789.  En d’autres termes, le Conseil constitutionnel ne considère pas le principe de la souveraineté nationale comme une limite à la révision constitutionnelle.  Ainsi, le pouvoir constituant dérivé peut abroger, modifier ou déroger l’article 3 de la Constitution qui règle la souveraineté nationale.  C’est le rejet le plus clair de la thèse selon laquelle le pouvoir constituant dérivé ne peut porter atteinte à la souveraineté nationale.  Le Conseil constitutionnel marque ainsi qu’il n’y a aucune limite à la volonté du pouvoir constituant dérivé en dehors de celles qui résultent des articles 7, 16, 89, alinéa 4 et 5.

As we can see, the Constitutional Council mentions, as limits imposed on the exercise of the derived constituent power, articles 7, 16, and 89, paragraphs 4 and 5, but not article 3 of the Constitution of 1958, nor article 3 of the 1789 Declaration.  In other words, the Constitutional Council does not consider the principle of national sovereignty as a limit to constitutional revision.  Thus, the derived constituent power can abrogate, modify or derogate from article 3 of the Constitution which regulates national sovereignty.  This is the clearest rejection of the thesis that the derived constituent power cannot undermine national sovereignty.  The Constitutional Council thus marks out that there is no limit to the will of the derived constituent power outside of limits resulting from articles 7, 16, 89, paragraphs 4 and 5.

En conclusion, sur ce point la théorie matérielle (Carl Schmitt et Olivier Beaud) est en contradiction avec les données du droit positif français.  Cette théorie sur ce point (la hiérarchie entre les normes constitutionnelles) a été catégoriquement démentie par la pratique constitutionnelle française.

In conclusion, on this point, the material theory (Carl Schmitt and Olivier Beaud) is in contradiction with the data of French positive law.  This theory on this point (the hierarchy of constitutional norms) has been categorically controverted by French constitutional practice.

4.  Le caractère jusnaturaliste de la théorie matérielle. –

4.  The jusnaturalist character of the material theory –

Comme on l’a vu, dans la théorie de Carl Schmitt, les «décisions politiques fondamentales» [170], autrement dit la «substance de la constitution» [171], sont intangibles.  Mais cette intangibilité n’est pas prévue par la constitution elle-même.  En d’autres termes cette intangibilité ne trouve pas son fondement dans un texte positif, mais dans une construction doctrinale.

As we saw, in the theory of Carl Schmitt, “fundamental political decisions” [170], called the “substance of the constitution” [171], are inviolable.  But this inviolability is not envisaged by the constitution itself.  In other words, this inviolability has no foundation in a positive text, but in a doctrinal construction.

Olivier Beaud défend l’intangibilité du principe de la souveraineté nationale.  Selon lui, «l’atteinte à la souveraineté nationale implique une atteinte à la souveraineté de l’Etat que seul le pouvoir constituant [originaire] peut légitimer» [172].  En d’autres termes, le pouvoir constituant dérivé ne peut pas toucher à la souveraineté de l’Etat [173].  Seul le pouvoir constituant du peuple, et jamais le pouvoir constituant dérivé, peut porter atteinte à la souveraineté de l’Etat [174].

Olivier Beaud defends the inviolability of the principle of national sovereignty.  According to him, “the attack on national sovereignty involves an attack on the sovereignty of the State that only the [originating] constituent power can legitimize” [172].  In other words, the derived constituent power cannot affect the sovereignty of the state.  [173]  Only the constituent power of the people, and never the derived constituent power, can undermine the sovereignty of the state. [174]

Mais d’où tire-t-il le principe d’intangibilité de la souveraineté de l’Etat ?

But where does he get the principle of the inviolability of the sovereignty of the State?

Il convient d’abord de rappeler que selon l’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, «le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation» et que d’après l’article 3 de la Constitution de 1958, «la souveraineté nationale appartient au peuple».  Signalons encore que dans la Constitution française, il n’y a aucune disposition prévoyant l’intangibilité de ces deux articles.  Ce principe n’est pas donc inscrit dans la Constitution de 1958.  De plus cette notion de «souveraineté de l’Etat» ne figure même pas dans le texte de la Constitution.  La Constitution ne parle que de «souveraineté nationale» (art.3), et non pas de «souveraineté de l’Etat».

It should first be recalled that according to article 3 of the Declaration of the Rights of Man and the Citizen of 1789, “the principle of all sovereignty resides essentially in the Nation” and that according to article 3 of the 1958 Constitution, “national sovereignty belongs to the people”.  Note also that in the French Constitution, there is no provision for the inviolability of these two articles.  This principle is therefore not enshrined in the 1958 Constitution.  Furthermore, this notion of “State sovereignty” does not even appear in the text of the Constitution.  The Constitution speaks only of “national sovereignty” (art.3), not of “State sovereignty”.

Alors, selon la théorie positiviste, le principe de la souveraineté nationale n’est qu’une disposition constitutionnelle, par conséquent, elle est révisable par le pouvoir constituant dérivé comme toute autre disposition de la Constitution.

So, according to positivist theory, the principle of national sovereignty is only a constitutional provision, therefore, it is revisable by the derived constituent power like any other provision of the Constitution.

Par contre pour Olivier Beaud, la souveraineté nationale implique la souveraineté de l’Etat, car la souveraineté de l’Etat est la condition de la souveraineté constituante qui est l’objet de la souveraineté nationale.

On the other hand, for Olivier Beaud, national sovereignty implies the sovereignty of the State, because the sovereignty of the State is the condition of the constituent sovereignty which is the object of national sovereignty.

Nous ne voulons pas ici discuter le bien-fondé de cette affirmation.  Car, la souveraineté nationale implique ou n’implique pas la souveraineté de l’Etat, elle n’est pas une limite à la révision constitutionnelle.  Parce que la Constitution ne prévoit pas son intangibilité.  Par conséquent, le fait de montrer que la souveraineté de l’Etat est la condition de la souveraineté constituante et que cette dernière est l’objet principal de la souveraineté nationale ne prouve rien au regard de la question de savoir si le pouvoir constituant dérivé peut porter atteinte à la souveraineté de l’Etat.  Car la souveraineté nationale elle-même n’est pas un principe intangible.  Alors le principe de l’intangibilité de la souveraineté de l’Etat, même si elle est impliquée par la souveraineté nationale, n’a pas d’origine textuelle.

We do not wish to discuss here the cogency of this assertion.  For, whether national sovereignty implies or does not imply the sovereignty of the State, it is not a limit to constitutional revision.  Because the Constitution does not envisage its own inviolability.  Consequently, the fact of showing that the sovereignty of the State is the condition of constituent sovereignty and that the latter is the main object of national sovereignty does not prove anything in looking at the question of knowing whether the derived constituent power can affect the sovereignty of the State.  Because national sovereignty itself is not an inviolable principle.  So, the principle of the inviolability of the sovereignty of the State, even if it is implied by national sovereignty, has no textual origin.

Ainsi, en prévoyant son intangibilité, le professeur Beaud dote la souveraineté nationale d’un statut de supraconstitutionnalité.  Or, comme le remarque à juste titre le doyen Georges Vedel,

Thus, by envisaging its inviolability, professor Beaud equips national sovereignty with a status of supraconstitutionality.  However, as Dean Georges Vedel has rightly noticed,

«la souveraineté nationale ne peut, au regard de la Constitution, bénéficier d’aucun statut de supériorité.  Elle est l’une des normes de valeur constitutionnelle avec d’autres et peut être tenue en échec par une révision constitutionnelle autorisant à y déroger ou en limitant les effets» [175].

“national sovereignty cannot, under the Constitution, benefit from any superior status.  It is one among other constitutional norms and can be dealt with by a constitutional revision authorizing derogation from it or the limiting of its effects”. [175]

En effet, la souveraineté de l’Etat (même si elle est impliquée par la souveraineté nationale) telle qu’elle est envisagée par le professeur Olivier Beaud n’est pas inscrite dans la Constitution.  Elle ne figure dans aucun texte juridique [176].  Par conséquent elle est privée de toute existence positive; c’est à dire qu’elle n’est pas un principe juridique valable.  Elle ne peut avoir aucune valeur juridique.  Puisque la souveraineté de l’Etat est juridiquement inexistante, on peut affirmer que la règle selon laquelle le pouvoir constituant dérivé ne peut porter atteinte à la souveraineté de l’Etat est une pure invention doctrinale.  D’ailleurs, Olivier Beaud lui-même l’avoue en disant qu’«il faudra un effort de construction doctrinale, trop peu tenté par la doctrine constitutionnelle, pour tirer du texte constitutionnel des arguments pour la défense de l’étaticité» [177].

Indeed, State sovereignty (even if it is implied by national sovereignty) as envisaged by Professor Olivier Beaud is not enshrined in the Constitution.  It does not appear in any legal text. [176]  Therefore it is deprived of all positive existence; meaning that it is not a valid legal principle.  It cannot have any legal value.  Since State sovereignty is legally nonexistent, it can be argued that the rule that the derived constituent power cannot encroach upon State sovereignty is pure doctrinal invention.  Moreover, Olivier Beaud himself admits it by saying that “it will take an effort of doctrinal construction, too little attempted in the constitutional doctrine, to draw from the constitutional text arguments for the defense of statehood”. [177]

Par conséquent le principe d’Olivier Beaud selon lequel «seul le pouvoir constituant, et jamais le pouvoir constituant dérivé peut porter atteinte à la souveraineté de l’Etat» est un principe inévitablement de caractère jusnaturaliste.  Cependant le professeur Beaud croit que

Consequently, the principle of Olivier Beaud according to which “only the constituent power, and never the derived constituent power can encroach upon the sovereignty of the State” is a principle inevitably jusnaturalist in character.  However, Professor Beaud believes that

«ni la théorie des limitations matérielles de la Constitution ni la théorie de la souveraineté n’ont rien de commun avec une conception jusnaturaliste du droit et de la Constitution.  La souveraineté de la nation et encore moins la souveraineté de l’Etat ne sont des principes de droit naturel.  Ce sont des produits de l’histoire et de la volonté humaine qui, en tant que tels, sont contingents …  Par conséquent la souveraineté …  n’est en rien un principe transcendant et éternel comme pourrait l’être l’idée de justice aux yeux d’une théorie jusnaturaliste ancienne» [178].

”Neither the theory of material limitations of the Constitution nor the theory of sovereignty has anything in common with a jusnaturalist conception of law and the Constitution.  The sovereignty of the nation is not a principle of natural law, and even less, the sovereignty of the State.  These are products of history and of human volition which, as such, are contingent … Consequently, sovereignty … is in no way a transcendent and eternal principle as the idea of justice could be in the eyes of an ancient jusnaturalist theory”. [178]

Or, à notre avis, le professeur Beaud aurait dû montrer simplement dans quel texte posé par la «volonté humaine» se trouve ce principe de l’intangibilité de la souveraineté de l’Etat.  S’il se trouve dans l’article 3 de la Constitution de 1958, comme nous l’avons montré plus haut, elle est l’une des normes à valeur constitutionnelle avec d’autres, par conséquent elle est révisable comme d’autres.  Et s’il ne trouve pas sa source dans un texte constitutionnel, ce principe est nécessairement de caractère jusnaturaliste.  Il n’existe pas de moyen terme dans cette alternative.  Ou bien le principe de souveraineté est inscrit dans la constitution; ou bien il n’y figure pas.  Si la première hypothèse est vraie, comme c’est le cas dans la Constitution française, le principe de la souveraineté nationale est révisable par le pouvoir constituant dérivé, comme tous les autres principes constitutionnels.  Si l’on est dans la deuxième hypothèse, ce principe est privé de toute existence matérielle, par conséquent, il ne s’impose pas à l’exercice du pouvoir constituant dérivé.  Et dans ce cas, affirmer que le pouvoir constituant dérivé ne peut pas porter atteinte à la souveraineté nationale du peuple implique nécessairement l’acceptation d’une conception jusnaturaliste du droit.

However, in our opinion, Professor Beaud should have simply shown in what text posed by “human volition”, this principle of the inviolability of State sovereignty is found.  If it is found in article 3 of the 1958 Constitution, as we have shown above, it is one among other constitutional norms, thus revisable like the others.  And if its source is not found in a constitutional text, this principle is necessarily jusnaturalist in nature.  There is no equivocation in this alternative.  Either the principle of sovereignty is written into the constitution; or it isn’t there.  If the first hypothesis is true, as is the case in the French Constitution, the principle of national sovereignty can be revised by the derived constituent power, like all the other constitutional principles.  As to the second hypothesis, this principle is deprived of all material existence, therefore it is not imposed on the exercise of derived constituent power.  And in this case, to assert that the derived constituent power cannot encroach upon the national sovereignty of the people necessarily implies the acceptance of a jusnaturalist conception of the law.

D’ailleurs, le principe d’Olivier Beaud selon lequel seul le pouvoir constituant, et jamais le pouvoir constituant dérivé, peut porter atteinte à la souveraineté nationale du peuple a été catégoriquement démenti par la pratique constitutionnelle française.  Car, comme on le verra plus tard, en France, la loi de révision constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 a été adoptée par l’organe de révision constitutionnelle et non pas par le pouvoir constituant du peuple; alors que cette loi touchait au principe de la souveraineté nationale du peuple.

Moreover, Olivier Beaud’s principle that only constituent power, and never derived constituent power, can infringe on the national sovereignty of the people has been categorically contradicted by French constitutional practice.  Because, as we will see later, in France, the constitutional revision law n° 92-554 of June 25, 1992 was adopted by the constitutional revision organ and not by the constituent power of the people; and this law affected the principle of the national sovereignty of the people.

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Nous venons ainsi de vérifier la conformité des conclusions de la théorie formelle et de la théorie matérielle avec les données du droit positif français.  Nous avons constaté que c’est la théorie formelle qui est consacrée par le droit positif français et que la théorie matérielle a été catégoriquement démentie par la pratique et la jurisprudence constitutionnelle française.

We have thus just verified the conformity of the conclusions of the formal theory and of the material theory with the data of French positive law.  We have noted that it is the formal theory which is enshrined in French positive law and that the material theory has been categorically contradicted by French constitutional practice and jurisprudence.

Alors à propos de la distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé, nous choisissons la conception formelle défendue par Carré de Malberg, Georges Burdeau (dans sa thèse de doctorat) et Roger Bonnard.

So with regard to the distinction between originating constituent power and derived constituent power, we choose the formal conception defended by Carré de Malberg, Georges Burdeau (in his doctoral thesis) and Roger Bonnard.

Et selon cette conception, le pouvoir constituant originaire est le pouvoir constituant qui s’exerce en dehors du cadre constitutionnel et le pouvoir constituant dérivé celui qui s’exerce dans le cadre constitutionnel.

And according to this conception, the originating constituent power is the constituent power which is exercised outside the constitutional framework and the derived constituent power that which is exercised within the constitutional framework.

En d’autres termes, le pouvoir constituant originaire se définit comme le pouvoir d’établir une constitution en dehors du cadre constitutionnel et le pouvoir constituant dérivé comme le pouvoir de réviser une constitution déjà en vigueur suivant les règles fixées par celle-ci à cet effet.

In other words, the originating constituent power is defined as the power to establish a constitution outside the constitutional framework and the derived constituent power as the power to revise a constitution already in force according to the rules set by it for this purpose.

B.  Notre défınıtıon du
pouvoır constıtuant orıgınaıre et du pouvoır constıtuant dérıvé

B.  Our defınıtıon of originating constituent power and derived constituent power

Notre définition du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé sont faites à partir des deux définitions ci-dessus.  D’abord notons que ces deux définitions sont les définitions les plus courantes.  Elles sont fondamentalement correctes.  Cependant, au niveau de leur formulation, à notre avis, il convient de faire une modification.  Car, il nous semble que l’expression «établir une constitution» et celle de «réviser une constitution déjà en vigueur» ne sont pas justes.

Our definition of originating constituent power and derived constituent power is made from the two definitions above.  First note that these two definitions are the most current definitions.  They are basically correct.  However, in terms of their wording, in our opinion, a modification should be made.  Because, it seems to us that the expressions “to establish a constitution” and “to revise a constitution already in force” are not accurate.

En effet, l’expression «établir une constitution» cache en soi l’idée de l’établissement d’une constitution tout entière.  D’ailleurs, c’est ce qui est vrai dans les différents cas.  Le pouvoir constituant originaire apparaît souvent dans le cas de l’établissement d’une nouvelle constitution.  Cependant cette expression est trompeuse, car, selon la conception formelle, dans tous les cas où l’on pose une norme ou des normes constitutionnelles en dehors du cadre constitutionnel, il y a exercice du pouvoir constituant originaire.  En d’autres termes, nous sommes en présence d’un pouvoir constituant originaire, même si l’on ne révise qu’une seule disposition constitutionnelle en dehors de la procédure prévue à cet effet.  Alors le pouvoir constituant originaire peut s’exercer soit sur l’ensemble de la constitution soit sur une seule disposition de cette constitution.  Les matières touchées n’ont aucune importance dans la définition.  L’élément déterminant est que cette édiction des normes est en dehors du cadre constitutionnel.  Alors on peut parfaitement définir le pouvoir constituant originaire comme le pouvoir de réviser la constitution en dehors du cadre constitutionnel.

Indeed, the phrase “to establish a constitution” hides within itself the idea of establishing a whole constitution.  Moreover, this is what is true in the various cases.  Originating constituent power often appears in the case of the establishment of a new constitution.  However, this expression is misleading because, according to the formal conception, in every case where, outside the constitutional framework, a constitutional norm or norms are set, there is the exercise of originating constituent power.  In other words, we are in the presence of an originating constituent power even if only one constitutional provision is revised outside the procedure provided for this purpose.  So the originating constituent power can be exercised either on the whole of the constitution or on a single provision of this constitution.  The subject matter is of no importance in the definition.  The decisive element is that this enactment of norms is outside the constitutional framework.  So we can perfectly define the originating constituent power as the power to revise the constitution outside the constitutional framework.

Egalement l’expression «réviser une constitution» utilisée dans la définition du pouvoir constituant dérivé est trompeuse.  Car, dans la conception formelle, ce qui compte est que l’édiction des normes constitutionnelles s’effectue dans le cadre constitutionnel.  La quantité des normes posées n’est pas importante.  L’exercice du pouvoir constituant dérivé peut porter sur l’ensemble de la constitution.

Also, the expression “to revise a constitution” used in the definition of derived constituent power is misleading.  Because, in the formal conception, what matters is that the enactment of constitutional norms takes place within the constitutional framework.  The quantity of norms set is not important.  The exercise of derived constituent power may bear upon the whole of the constitution.

Jacques Baguenard a exprimé d’une façon très claire ce critère de distinction:

Jacques Baguenard expressed this criterion of distinction very clearly:

«Le pouvoir constituant peut être ‘originaire’ ou ‘dérivé’.  Il est originaire quand il entend édifier une architecture nouvelle; il est dérivé quand il cherche à apporter des retouches à l’édifice» [189].

“Constituent power can be ‘originating’ or ‘derived’.  It is originating when it intends to build a new architecture; it is derived when it seeks to make alterations to the edifice.” [189]

L’idée directrice de cette distinction est le volume des matières sur lesquelles le pouvoir constituant porte.  S’il s’exerce sur l’ensemble de la Constitution, il est le pouvoir constituant originaire; par contre, s’il apporte une «modification partielle» [190], il est le pouvoir constituant dérivé.  Ainsi, selon ce critère, le pouvoir constituant dérivé est animé par l’idée de «retouche» [191], de «rectification» et de «réparation» [192].

The guiding idea of this distinction is the volume of matters on which the constituent power is brought to bear.  If it is exercised on the whole of the Constitution, it is the originating constituent power; on the other hand, if it makes a “partial modification” [190], it is the derived constituent power.  Thus, according to this criterion, the derived constituent power is animated by the ideas of “touching up” [191], “rectification” and “repair”. [192]

Nous rejetons complètement ce critère quantitatif.  En effet, pour nous, la quantité des normes constitutionnelles édictées par les pouvoirs constituants originaire et dérivé n’a aucune importance.  Car, comme on l’a vu, nous définissons les pouvoirs constituants originaire et dérivé comme les pouvoirs d’édicter une norme ou des normes constitutionnelles.  Nous avons déjà remarqué que l’objet des pouvoirs constituants originaire et dérivé peut être soit l’ensemble de la constitution soit une disposition de cette constitution.  Par conséquent, le pouvoir constituant originaire peut édicter une seule norme constitutionnelle, alors que l’exercice du pouvoir constituant dérivé peut porter sur l’ensemble de la constitution.  En d’autres termes, si une «retouche» a été faite en dehors du cadre constitutionnel, il y a ici l’exercice du pouvoir constituant originaire.  Par contre, si la révision totale de la constitution a été faite par la mise en oeuvre de la procédure de révision constitutionnelle, il y a ici l’exercice du pouvoir constituant dérivé.

We completely reject this quantitative criterion.  Indeed, for us, the quantity of constitutional norms enacted by the originating or derived constituent powers is irrelevant.  For, as we have seen, we define the originating and derived constituent powers as the powers to enact a constitutional norm or norms.  We have already noted that the object of the originating and derived constituent powers can be either the whole of the constitution or a provision of that constitution.  Consequently, the originating constituent power can enact just one constitutional norm, whereas the exercise of the derived constituent power can bear upon the whole of the constitution.  In other words, if a “touch-up” has been made outside of the constitutional framework, this is the exercise of originating constituent power.  On the other hand, if a total revision of the constitution has been made by implementing the constitutional revision procedure, this is the exercise of derived constituent power.

3.  Certains auteurs, en définissant le pouvoir constituant originaire, font référence à la création d’un Etat nouveau [193], ou au «renouvellement de la fondation de l’Etat» [194].

3.  Some authors, in defining the originating constituent power, refer to the creation of a new State [193], or to the “renewal of the foundation of the State”. [194]

Il est vrai que l’un des cas essentiels de l’apparition du pouvoir constituant originaire est la fondation d’un Etat nouveau.  Cependant nous refusons tout référence à la fondation de l’Etat dans la définition du pouvoir constituant originaire.  En effet définir le pouvoir constituant originaire par la création d’un Etat supposerait que l’Etat est fondé par la constitution.  Ceci poserait quelques problèmes théoriques ainsi que l’acceptation d’une certaine théorie juridique sur l’Etat dont nous ne voulons pas discuter ici.  D’ailleurs nous n’avons pas besoin d’inclure la création d’un Etat nouveau dans la définition du pouvoir constituant originaire.  Pour nous, chaque fois que l’on édicte une norme constitutionnelle en dehors du cadre prévu par la constitution à cet effet, il y a le pouvoir constituant originaire.  Peu importe que l’on fonde un Etat nouveau ou que l’on renouvelle la fondation d’un Etat existant, même si l’édiction des règles constitutionnelles en dehors du cadre constitutionnel, selon une certaine interprétation, impliquerait le renouvellement de la fondation de l’Etat.

It is true that one of the events essential to the appearance of the originating constituent power is the founding of a new State.  However, we reject any reference to the founding of the State in the definition of originating constituent power.  Indeed, to define the originating constituent power by the creation of a State would suppose that the State is founded by the constitution.  This would pose some theoretical problems as well as requiring acceptance of a certain legal theory on the State which we do not wish to discuss here.  Moreover, we do not need to include the creation of a new State in the definition of the originating constituent power.  For us, whenever a constitutional norm is enacted outside the framework provided by the constitution for this purpose, there is the originating constituent power.  It does not matter whether a new State is founded or the foundation of an existing State is renewed, even if the enactment of constitutional rules outside the constitutional framework, according to a certain interpretation, would imply the renewal of the foundation of the State.

4.&sp; Dans la définition du pouvoir constituant originaire, certains autres auteurs font référence à la fondation d’un «nouvel ordre juridique» [195].

4.  In the definition of originating constituent power, some other authors refer to the founding of a “new legal order”. [195]

Il est vrai que dans plusieurs cas, le pouvoir constituant originaire fonde un ordre juridique nouveau tout entier.  Cependant, selon notre définition, il y a pouvoir constituant originaire même si l’on édicte une seule disposition constitutionnelle en dehors du cadre constitutionnel.  En effet, même dans ce cas, l’édiction d’une norme constitutionnelle en dehors du cadre constitutionnel impliquerait le changement de la norme fondamentale sur laquelle l’ordre juridique est fondé.  Par conséquent on peut interpréter tout exercice du pouvoir constituant originaire comme un changement de l’ordre juridique.  Cependant, une telle supposition poserait certains problèmes théoriques sur la définition de l’ordre juridique.  C’est pourquoi, nous préférons ici ne pas faire référence à la création d’un nouvel ordre juridique dans notre définition du pouvoir constituant originaire.  D’ailleurs nous n’avons pas besoin de cet élément dans notre définition, car la définition du pouvoir constituant originaire comme le pouvoir d’édicter des normes constitutionnelles en dehors du cadre constitutionnel est suffisant, et on peut en déduire le changement de la norme fondamentale sur laquelle l’ordre juridique est fondé.

It is true that in many cases, the originating constituent power founds an entire new legal order.  However, according to our definition, there is originating constituent power even if a single constitutional provision is enacted outside the constitutional framework.  Indeed, even in this case, the enactment of a constitutional norm outside the constitutional framework would imply the change of the fundamental norm on which the legal order is founded.  Therefore, any exercise of the originating constituent power can be interpreted as a change in the legal order.  However, such an assumption would pose theoretical problems for the definition of legal order.  Therefore, we prefer here not to refer to the creation of a new legal order in our definition of the originating constituting power.  Moreover, we do not need this element in our definition, because the definition of the originating constituent power as the power to enact constitutional norms outside the constitutional framework is sufficient, and we can deduce from it the change of the fundamental norm on which the legal order is founded.

5.   Dans la définition du pouvoir constituant originaire, depuis Roger Bonnard plusieurs auteurs utilisent la formulation suivante:  le pouvoir constituant originaire est le pouvoir d’établir une «constitution lorsqu’il n’y a pas ou qu’il n’y a plus de constitution en vigueur» [196].

5.  In the definition of the originating constituent power, a number of authors since Roger Bonnard use the following formulation:  the originating constituent power is the power to establish a “constitution when there is none or when there is no longer a constitution in force”. [196]

Cette formulation aussi implique l’idée de l’établissement d’une «nouvelle» constitution.  Or, selon notre définition, le pouvoir constituant originaire peut édicter une seule disposition constitutionnelle sans toucher aux autres dispositions de la constitutionnelle.  Nous avons déjà expliqué ce point.

This formulation also implies the idea of establishing a “new” constitution.  However, according to our definition, the originating constituent power can enact a single constitutional provision without affecting the other constitutional provisions.  We have already explained this point.

6.  Egalement, il y a des auteurs qui font référence au vide juridique dans leur définition du pouvoir constituant originaire [197].

6.  Also, there are authors who refer to the legal void in their definition of the originating constituent power. [197]

Nous aussi nous pensons que l’exercice du pouvoir constituant originaire implique l’existence d’un vide juridique.  Cependant, nous préférons ne pas citer le vide juridique comme un élément de définition, parce qu’il n’est pas nécessaire pour la définition du pouvoir constituant originaire.  En effet, on peut le déduire de notre définition, car, «édicter des normes constitutionnelles en dehors du cadre constitutionnel» veut dire «entrer dans le vide juridique».  Ainsi nous considérons le vide juridique non pas comme un élément de la définition, mais comme une caractéristique de l’exercice du pouvoir constituant originaire.

We too believe that the exercise of originating constituent power implies the existence of a legal void.  However, we prefer not to cite the legal void as an element of the definition, because it is unnecessary to the definition of the originating constituent power.  Indeed, it may be deduced from our definition, because, “to enact constitutional norms outside the constitutional framework” means “to enter the legal void”.  Thus we consider the legal void not as an element of the definition, but as a characteristic of the exercise of the originating constituent power.

7.  Ensuite, certains auteurs définissent le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé par leurs titulaires.  Selon eux, le pouvoir constituant originaire serait celui qui est détenu par le peuple [198], alors que le pouvoir constituant dérivé peut être exercé par les organes constitutionnels.

7.  Next, some authors define the originating constituent power and the derived constituent power by their holders.  In their view, the originating constitutive power is held by the people [198], while the derived constituent power can be exercised by the constitutional organs.

Comme nous l’avons déjà remarqué, selon la conception positiviste, les titulaires de ces pouvoirs ne sont pas un élément de définition.  D’ailleurs, le titulaire du pouvoir constituant originaire se détermine par les circonstances de force.  Par conséquent, on ne peut juridiquement pas affirmer que le peuple est le titulaire du pouvoir constituant originaire.

As we have already noticed, according to the positivist conception, the holders of these powers are not an element of definition.  Moreover, the holder of the originating constituent power is determined by circumstances of force.  Consequently, it cannot be legally affirmed that the people are the holder of the originating constituent power.

8. Enfin certains auteurs distinguent le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé par le fait que le premier est un pouvoir «qui est directement exercé par le souverain», alors que le second est «mis en oeuvre par des organes que la constitution a établis» [199]. En effet, la conception du pouvoir constituant originaire comme un pouvoir constituant exercé directement par le peuple souverain est très répandue dans la doctrine constitutionnelle française.  Elle a été illustrée par la décision n° 62-20 du Conseil constitutionnel du 6 novembre 1962 [200].  Elle se retrouve par conséquent à peu près dans tous les commentaires de cette décision.  Selon cette décision et selon la majorité de ses commentateurs, le peuple statuant par référendum n’est pas un pouvoir constitué, mais au contraire un pouvoir constituant [201].

8.  Finally, some authors distinguish the originating constituent power and the derived constituent power by the fact that the first is a power “directly exercised by the sovereign”, while the second is “implemented by organs established by the constitution”. [199].  Indeed, the conception of the originating constituent power as a constituent power exercised directly by the sovereign people is very widespread in French constitutional doctrine.  It was illustrated by decision n° 62-20 of the Constitutional Council of November 6, 1962. [200]  It is therefore found in almost all of the comments on this decision.  According to this decision and according to the majority of its commentators, the people ruling by referendum is not a constituted power, but on the contrary a constituent power. [201]

Pour nous, comme le montre la théorie formelle [202], l’exercice direct ou indirect du pouvoir constituant par le peuple n’est pas un critère de distinction.  Si le pouvoir constituant est exercé en dehors de la constitution nous sommes en présence d’un pouvoir constituant originaire.  Par contre s’il est exercé dans le cadre de la constitution, il s’agit d’un pouvoir constituant dérivé, même s’il est exercé directement par le peuple souverain.  En d’autres termes, selon notre définition, si le peuple souverain intervient dans la procédure de révision constitutionnelle suivant les règles de la constitution, il intervient à titre de pouvoir constituant dérivé, et non pas de pouvoir constituant originaire.

For us, as shown by the formal theory [202], the direct or indirect exercise of constituent power by the people is not a distinguishing criterion.  If the constituent power is exercised outside the constitution, we are in the presence of an originating constituent power.  On the other hand, if it is exercised within the framework of the constitution, it is a derived constituent power, even if it is exercised directly by the sovereign people.  In other words, according to our definition, if the sovereign people intervenes in the constitutional revision process according to the rules of the constitution, they intervene as a derived constituent power, and not as an originating constituent power.

C.  La confusıon entre le pouvoır constıtuant orıgınaıre et le pouvoır constıtuant dérıvé et la nécessıté de les dıstınguer

C.  The confusıon of the orıgınating constituent power with the derived constıtuent power and the need to distinguish them

Comme on vient de le voir, le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé diffèrent par leur forme.  Il faut donc examiner séparément ces deux pouvoirs constituants.  Cependant, dans la doctrine constitutionnelle française, il y a toujours eu une certaine confusion entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé.  Cette confusion a été signalée d’abord par Georges Burdeau dans sa thèse de doctorat soutenue en 1930 [203].  Il a observé que «la doctrine traditionnelle, sous le terme unique de pouvoir constituant englobe deux notions tout à fait différentes» [204].

As we have just seen, the originating constituent power and the derived constituent power differ in form.  These two constituent powers must therefore be considered separately.  However, in French constitutional doctrine, there has always been a certain confusion between the originating constituent power and the derived constituent power.  This confusion was first pointed out by Georges Burdeau in his doctoral thesis defended in 1930 [203].  He observed that “the traditional doctrine, under the single term of constituent power, encompasses two quite different notions”. [204]

En 1945, Guy Héraud aussi a observé que le pouvoir constituant originaire a été longtemps confondu par les juristes avec l’organe régulier de révision constitutionnelle [205].

In 1945, Guy Héraud also observed that the originating constituent power had long been confused by jurists with the regular organ for constitutional revision. [205]

On peut constater que cette confusion persiste encore dans la doctrine du droit constitutionnel français.  De plus depuis les jours de Georges Burdeau et de Guy Héraud, cette confusion a même gagné du terrain, car, aujourd’hui, elle ne se trouve pas seulement dans la doctrine, mais aussi dans la jurisprudence constitutionnelle.  En effet cette confusion a été illustrée parfaitement par la décision n° 92 312 DC du Conseil constitutionnel du 2 septembre 1992.  Dans cette décision, le Conseil a déclaré que « sous réserve … des limitations …, le pouvoir constituant est souverain» [206].  A propos de cette décision, certains auteurs soutient que le pouvoir constituant est limité et alors que d’autres pensent que le Conseil constitutionnel a affirmé dans cette décision le caractère illimité de ce pouvoir.  Le Conseil constitutionnel confond ici le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé [207].  On peut trouver également la même confusion à peu près chez tous les commentateurs de cette décision.

We can see that this confusion still persists in the doctrine of French constitutional law.  Moreover, since the days of Georges Burdeau and Guy Héraud, this confusion has even gained ground, because today it is not only found in doctrine, but also in constitutional jurisprudence.  Indeed this confusion was perfectly illustrated by decision no° 92 312 DC of the Constitutional Council of September 2, 1992.  In this decision, the Council declared that “subject … to the limitations …, the constituent power is sovereign”. [206]  Regarding this decision, some authors maintain that the constituent power is limited, while others think that in this decision the Constitutional Council affirmed the unlimited character of the power.  The Constitutional Council here confused the originating constituent power with the derived constituent power. [207]  The same confusion can be found with practically all the commentators on this decision.

A notre avis, sans avoir fait une distinction claire entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé, on ne peut résoudre aucun problème concernant les conditions de leur exercice, car sur ce point, le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé diffèrent.

In our opinion, without making a clear distinction between the originating constituent power and the derived constituent power, no problem can be solved about the conditions of their exercise, because on this point, the originating constituent power and the derived constituent power differ.

Avant de terminer ce chapitre sur la distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé, il convient de préciser les rapports (hiérarchiques ou non) qui existent d’une part entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé, et d’autre part entre le pouvoir constituant dérivé et d’autres pouvoirs constitués.

Before we finish this chapter on the distinction between the originating constituent power and the derived constituent power, it is necessary to determine the relationship (hierarchical or not) which exists on one hand between the originating constituent power and the derived constituent power, and on the other hand between the derived constituent power and the other constituted powers.

D.  Le rapport entre le pouvoır constıtuant orıgınaıre et le pouvoır constıtuant dérıvé

D.  The relationship of the originating constituent power and the derived constituent power

Y a-t-il un rapport hiérarchique entre ces deux pouvoirs?  A notre avis, ce rapport peut être déterminé de deux points de vue différents:  du point de vue de leur organisation et du point de vue de leur fonction.

Is there a hierarchical relationship between these two powers?  In our opinion, their relationship can be determined from two different points of view:  that of their organization and that of their function.

1.  Du point de vue de leur
organisation

1.  From the point of view of their organization

Du point de vue de leur organisation, de leur source, il y a un rapport hiérarchique entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé.  Le pouvoir constituant dérivé se situe à un niveau inférieur au pouvoir constituant originaire.  Comme on l’a déjà montré, le pouvoir constituant originaire est un pouvoir de fait, initial et autonome; il tient sa puissance de lui-même; non pas d’un autre pouvoir.  Par contre, le pouvoir constituant dérivé est un pouvoir organisé par le pouvoir constituant originaire.  En d’autres termes, son organisation est prévue par la constitution qui est établie par le pouvoir constituant originaire.  Il procède de la constitution et tient d’elle sa compétence [208].  En conséquence, du point de vue de sa source, le pouvoir constituant dérivé est inférieur au pouvoir constituant originaire, parce qu’il en dérive [209].

From the point of view of their organization, of their source, there is a hierarchical relationship between the originating constituent power and the derived constituent power.  The derived constituent power is located at a lower level than the originating constituent power.  As we have already shown, the originating constituent power is a de facto, initial and autonomous power; it derives its power from itself; not from another power.  On the other hand, the derived constituent power is a power organized by the originating constituent power.  In other words, its organization is provided for by the constitution established by the originating constituent power.  It proceeds from the constitution and derives its competence from it. [208]  Consequently, from the point of view of its source, the derived constituent power is inferior to the originating constituent power, because it is derived from it. [209]

C’est pourquoi il faut examiner séparément le pouvoir constituant dérivé et le pouvoir constituant originaire, quand il s’agit d’une question concernant leur organisation.

This is why it is necessary to separately examine the derived constituent power and the orginating constituent power on the question of their organization.

2.  Du point de vue de leur fonction

2.  From the point of view of their function

Nous venons d’affirmer que le pouvoir constituant dérivé est inférieur au pouvoir constituant originaire.  Il faut souligner que cette infériorité est uniquement du point de vue de son organisation.  Cependant du point de vue de sa fonction, il n’existe aucune hiérarchie entre eux.  Par sa fonction le pouvoir constituant dérivé est l’équivalent du pouvoir constituant originaire.  Car il peut réviser la constitution qui est établie par le pouvoir constituant originaire.  Il n’y a aucune différence de force juridique entre la règle initialement posée par le pouvoir constituant originaire et celle ultérieurement modifiée par le pouvoir constituant dérivé.  Toutes les deux sont de même valeur juridique en tant que règles se trouvant dans la même constitution.  En effet, nous avons déjà expliqué ce point plus haut sous le titre de l’identité du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé [210].  Alors du point de vue de sa fonction, le pouvoir constituant dérivé est identique au pouvoir constituant originaire.

We have just stated that the derived constituent power is inferior to the originating constituent power.  It must be emphasized that this inferiority is only from the point of view of its organization.  However, from the point of view of its function, there is no hierarchy between them.  By its function, derived constituent power is the equivalent of originating constituent power.  For it can revise the constitution established by the originating constituent power.  There is no difference in legal force between the rule initially laid down by the originating constituent power and the one subsequently modified by the derived constituent power.  Both have the same legal value as rules found in the same constitution.  Indeed, we explained this point above under the heading of the shared identity of the originating constituent power and the derived constituent power. [210]  So, from the point of view of its function, the derived constituent power is identical to the originating constituent power.

Par conséquent il faut les examiner ensemble quand il s’agit d’un problème relevant de leur fonction.

Therefore they should be examined together when it comes to a problem concerning their function.

E.  Le rapport entre le pouvoır constıtuant dérıvé et les autres pouvoırs constıtués

E.  The relationship between the derived constituent power and the other constituted powers

Quelle est le rapport du pouvoir constituant dérivé avec les autres pouvoirs constitués, tels les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire?  A notre avis, ce rapport aussi peut être déterminé de deux points de vue différents:  du point de vue de leur organisation et du point de vue de leur fonction.

What is the relationship of the derived constituent power with the other constituted powers, such as the legislative, executive and judicial powers?  In our opinion, this relationship, too, can be determined from two points of view: from that of their organization and that of their function.

1.  Du point de vue de leur organisation

1.  From the viewpoint of their organisation

Du point de vue de leur fonction, le pouvoir constituant dérivé et les autres pouvoirs constitués (pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire) se trouvent sur un pied d’égalité.  En effet, du point de vue de son organisation, comme on vient de l’expliquer, le pouvoir constituant dérivé est un pouvoir constitué, car il a été institué par le pouvoir constituant originaire.  A cet égard, il est exactement comme les autres pouvoirs constitués, c’est à dire que son organisation et son fonctionnement sont définis dans la constitution par le pouvoir constituant originaire.  Il se trouve juridiquement sur le même plan que les autres organes constitués [211].  Le pouvoir constituant dérivé et les autres pouvoirs constitués sont tous des organes constitués.  Ils procèdent tous de la constitution, et tiennent d’elle leur compétence.  Il n’y a aucune diversité de nature entre eux [212].  Par exemple de ce point de vue-là, le pouvoir constituant dérivé se trouve juridiquement sur le même plan que le pouvoir législatif ordinaire, car tous les deux prennent leur force de la constitution [213].

From the point of view of their function, the derived constituent power and the other constituted powers (legislative, executive and judicial powers) are on an equal footing.  Indeed, from the point of view of its organization, as we just explained, the derived constituent power is a constituted power because it was instituted by the originating constituent power.  In this respect, it is exactly like the other constituted powers, meaning that its organization and functioning are defined in the constitution by the originating constituent power.  It is legally on the same level as the other constituted bodies. [211]  The derived constituent power and the other >constituted powers are all constituted organs.  They all proceed from the constitution, and derive their jurisdiction from it.  There is no diversity of nature among them. [212]  For example, from this point of view, the derived constituent power is legally on the same level as the ordinary legislative power, because both take their force from the constitution. [213]

2.  Du point de vue de leur fonction

2.  From the point of view of their function

Cependant du point de vue de leur fonction, il y a un rapport hiérarchique entre le pouvoir constituant dérivé et les autres pouvoirs constitués. Le pouvoir constituant dérivé, étant lui-même un pouvoir «constitué», est supérieur aux autres pouvoirs constitués, car le pouvoir constituant dérivé exerce une fonction constituante sur les autres pouvoirs constitués.  En modifiant les dispositions de la constitution qui les concernent, il peut déterminer leur destin.  Par exemple, le pouvoir constituant dérivé peut à tout moment redéfinir l’organisation et le fonctionnement du pouvoir législatif ordinaire, parce que la règle posée par le pouvoir constituant dérivé occupe un rang supérieur à celle posée par le pouvoir législatif ordinaire.  En d’autres termes, l’inégalité de puissance entre législateur constituant et législateur ordinaire est la traduction de la différence des rangs occupés par les règles qu’ils posent dans la hiérarchie des normes [214].

However, from the point of view of their function, there is a hierarchical relationship between the derived constituent power and the other constituted powers.  The derived constituent power, being itself a “constituted” power“, is superior to the other constituted powers, because the derived constituent power exercizes a constituent function over the other constituted powers.  By modifying provisions of the constitution relating to them, it can determine their fate.  For example, the derived constituent power can at any moment redefine the organization and functioning of the ordinary legislative power because the rule laid down by the derived constituent power occupies a higher rank than that laid down by the ordinary legislative power.  In other words, the inequality of power between the constituent legislator and the ordinary legislator translates into a difference in the rank occupied by the rules they institute in the hierarchy of norms. [214]

En résumé, le pouvoir constituant dérivé, du point de vue de son organisation, est equivalent aux autres pouvoirs constitués, car lui aussi est un pouvoir «constitué» comme les autres.  Mais du point de vue de sa fonction, il est supérieur aux autres pouvoirs constitués; car la règle posée par le pouvoir constituant dérivé occupe un rang supérieur à celle posée par les autres pouvoirs constitués.

To summarize, the derived constituent power, from the point of view of its organization, is equivalent to the other constituted powers, because it too is a “constituted” power like the others.  But from the viewpoint of its function, it is superior to the other constituted powers; for the rule laid down by the derived constituent power occupies a higher rank than that laid down by the other constituted powers.

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Nous avons employé jusqu’ici les expressions de «pouvoir constituant originaire» et de «pouvoir constituant dérivé».  Nous avons déjà remarqué que dans la doctrine il n’y a pas d’unanimité sur la terminologie.  Nous avons également signalé qu’il y a une certaine confusion dans la doctrine constitutionnelle entre les deux types du pouvoir constituant.  Pour éviter toute confusion, à partir de maintenant nous préférons utiliser l’expression de «pouvoir de révision constitutionnelle» à la place du «pouvoir constituant dérivé», alors que l’expression «pouvoir constituant originaire» est maintenue.  Ainsi il n’y aura plus de risque de confondre ces deux pouvoirs à cause de leur appellation.  D’ailleurs, il nous semble que l’expression «pouvoir de révision constitutionnelle» est une expression plus «positive» que le «pouvoir constituant dérivé», car au moins la moitié de cette expression («révision constitutionnelle») se trouve dans les textes constitutionnels.

Up to now, we have used the expressions “originating constituent power” and “derived constituent power”. We have already noted that in the doctrine there is no unanimity on the terminology.  We also pointed out some confusion in the constitutional doctrine about the two types of constituent power.  From now on, to avoid confusion, we prefer to use the expression “power of constitutional revision” in place of “derived constituent power” while maintaining the expression “originating constituent power”.  Hence there will be no further risk of confusing these two powers on account of their designation.  Moreover, it seems to us that the expression “power of constitutional revision” is a more “positive” expression than “derived constituent power”, because at least half of this expression (“constitutional revision”) is in the constitutional texts.

Nota bene:  Les titres des articles et des livres en français sont traduits en anglais pour faciliter la consultation.  Il se peut qu’il n’y ait pas de versions anglaises réelles.

Nota bene:  French article and book titles are translated into English for ease of reference.  There may not be actual English versions.

[1].  C’est l’appellation quasi dominante.

[1].  This, more or less, is the prevailing designation.

[2].  Georges Burdeau, Essai d’une théorie de la révision des lois constitutionnelles en droit français (Thèse pour le doctorat en droit, Faculté de droit de Paris), Paris, Macon, 1930, p.79.

[2].  Georges Burdeau, Essay on a Theory of the Revision of Constitutional Laws in French Law (Thesis for the Doctorate in Law, Faculty of Law of Paris), Paris, Macon, 1930, p.79.

[3].  Beaud, La puissance de l’Etat, op. cit., p.315.

[3].  Beaud, The Power of the State, op. cit., p.315.

[4].  Il nous semble que l’appellation de pouvoir constituant «dérivé» est plus usitée.  Autant que nous l’avons constaté, c’est Georges Vedel qui a pour la première fois employé le qualificatif «dérivé» à la place de celui «institué» proposé par Bonnard. L’appellation de «pouvoir constituant dérivé» est employée aujourd’hui par les auteurs suivants:  Georges Vedel, «Souveraineté et supraconstitutionnalité», Pouvoirs, 1993, n° 67, p.90; Id., «Schengen et Maastricht», op. Cit., p.179; Philippe Ardant, Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, L.G.D.J., 6e édition, 1994, p.72; Georges Burdeau, Francis Hamon et Michel Troper, Droit constitutionnel, Paris, L.G.D.J., 23e édition, 1993, p.53; Cadart, op. Cit., t.I, p.141; Gicquel, op. cit., p.179; Pierre Avril et Jean Gicquel, Lexique: droit constitutionnel, Paris, P.U.F., 5e édition, 1994, p.97; Baguenard, op. cit., p.34; Fabre, op. cit<., p.150; Benoît Jeanneau, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Dalloz, 8e édition, 1991, p.93; Dominique Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, Montchrestien, 3e édition, 1993, p.183; Serge Arné, «Existe-t-il des normes supra-constitutionnelles?  Contribution à l’étude des droits fondamentaux et de la constitutionnalité», Revue du droit public, 1993, p.484.

[4].  It seems to us that the term “derived” constituent power is more commonly used.  As far as we have seen, it was Georges Vedel who first used the qualifier “derived” in place of the word “instituted” proposed by Bonnard.  The term “derived constituent power” is used today by the following authors :  Georges Vedel, “Sovereignty and Supraconstitutionality”, Pouvoirs, 1993, No. 67, p.90; Id., “Schengen and Maastricht”, op. cit., p.179; Philippe Ardant, Political Institutions and Constitutional Law, Paris, L.G.D.J., 6th edition, 1994, p.72; Georges Burdeau, Francis Hamon and Michel Troper, Constitutional Law, Paris, L.G.D.J., 23rd edition, 1993, p.53; Cadart, op. cit., vol. I, p.141; Gicquel, op. cit., p.179; Pierre Avril and Jean Gicquel, Lexicon of Constitutional Law, Paris, P.U.F., 5th edition, 1994, p.97; Baguenard, op. cit., p.34; Fabre, op. cit., p.150; Benoît Jeanneau, Constitutional Law and Political Institutions, Paris, Dalloz, 8th edition, 1991, p.93; Dominique Rousseau, Constitutional Litigation Law, Paris, Montchrestien, 3rd edition, 1993, p.183; Serge Arné, “Are there supraconstitutional norms?  Contribution to the study of fundamental rights and constitutionality”, Revue du droit public, 1993, p.484.

[5].  L’appellation de «pouvoir constituant institué» est employée par les auteurs suivants: Burdeau, Traité…, op. cit., t.IV, p.218 et s.; Burdeau, Droit constitutionnel, 21e édition par Hamon et Troper op. cit., p.76; Lavroff, Le droit constitutionnel, op. cit., p.99-102; Bernard Chantebout, Droit constitutionnel et science politique, Paris, Armand Colin, 11e édition, 1994, p.40; Turpin, Droit constitutionnel, op. cit., p.81; Geneviève Koubi et Raphaël Romi, Etat, Constitution, loi, La Garenne-Colombes, Editions de l’Espace européen, 1991, p.79; Mundhir el Shawi, Contribution à l’étude du pouvoir constituant, Thèse pour le doctorat en droit, Faculté de Droit de Toulouse, (Multigraphiée par le Centre d’éditions universitaires de l’A.G.E.T.), Juin 1961, p.162.

[5].  The term “instituted constituent power” is used by the following authors :  Burdeau, Treatise…, op. cit., Vol. IV, pp.218 et seq.; Burdeau, Constitutional Law, 21st edition by Hamon and Troper, op. cit., p.76; Lavroff, Constitutional Law, op. cit., pp.99-102; Bernard Chantebout, Constitutional Law and Political Science, Paris, Armand Colin, 11th edition, 1994, p.40; Turpin, Constitutional Law, op. cit., p.81; Geneviève Koubi and Raphaël Romi, Government, Constitution, Law, La Garenne-Colombes, Editions de l’Espace européenne, 1991, p.79; Mundhir el Shawi, Contribution to the study of constituent power, Thesis for the doctorate in law, Faculty of Law of Toulouse, (Multigraphied by the University Publishing Center of the A.G.E.T.), June 1961, p.162.

[6].  Burdeau, Essai d’une théorie de la révision…, op. cit., passim; Beaud, La puissance de l’Etat, op. cit., p.315.

[6].  Burdeau, Essay on a Theory of Revision …, op. cit., passim; Beaud, The Power of the State, op. cit., p.315.

[7].  Voir infra, p.52-55.

[7].  See infra, pp.52-55.

[8].  Sieyès, op. cit., ch.V, p.181.

[8].  Sieyès, op. cit., Ch. V, p. 181.

[9].  Ibid., ch.V, p.183.

[9].  Ibid., Ch. V, p.183.

[10].  Ibid., ch.V, p.183.  Sieyès reproduira ces principes devant le Comité de Constitution de l’Assemblée nationale, dans son «Exposition raisonnée» du 20 juillet 1789: «le pouvoir constituant … n’est point soumis d’avance à une Constitution donnée.  La nation, qui exerce alors le plus grand, le plus important de ces pouvoirs, doit être dans cette fonction, libre de toute contrainte, et de toute forme, autre que celle qu’il lui plaît d’adopter» (Archives parlementaires, t.VIII, p.259, cité par Carré de Malberg, Contribution…, op.cit., t.II, p.523).

[10].  Ibid., Ch. V, p.183.  Sieyès will present these principles to the Constitution Committee of the National Assembly in his “Reasoned Exposition” of July 20, 1789:  “the constituent power … is in no way subject in advance to a given Constitution.  The nation, which thus exercises the greatest, the most important of these powers, must, in this function, be free of any constraint, and of any form, other than that which it pleases to adopt” (Parliamentary Archives, Vol. VIII, p. 259, cited by Carré de Malberg, Contribution …, op.cit., Vol. II, p. 523).

[11].  Néanmoins il faut remarquer que Sieyès a tempéré ses idées sur le pouvoir constituant libre de toute forme.  Comme on va le voir plus bas (p.52-55), dans la deuxième phase de sa vie, il a envisagé un Jury constitutionnaire, doté de certaines attributions constituantes, chargé de préparer l’amélioration des lois fondamentales en même temps que d’assurer leur stricte observation.  On peut voir probablement dans ce Jury constitutionnaire un pouvoir constituant dérivé.  Mais, comme on va le voir plus bas, le pouvoir constituant dérivé n’est pas fondé sur une telle conception de Jury constitutionnaire.

[11].  However, it must be noted that Sieyès moderated his ideas on the constituent power as being free of any form.  As we shall see below (pp. 52-55), in the second phase of his life, he envisioned a Constitutional Jury endowed with certain constituent powers, charged with the preparation of improvements to fundamental laws at the same time as ensuring their strict observance.  We can probably see in this Constitutional Jury a derived constituent power.  But, as we will see below, the derived constituent power is not based on such a conception as a Constitutional Jury.

[12].  Carré de Malberg, op. cit., t.II, p. 489-500.

[12].  Carré de Malberg, op. cit., v. II, pp. 489-500.

[13].  Ibid., p.79.

[13].  Ibid., p. 79.

[14].  Roger Bonnard, «Les actes constitutionnels de 1940», Revue du droit public, 1942, p. 48-90.

[14].  Roger Bonnard, “The Constitutional Acts of 1940”, Public Law Review, 1942, pp. 48-90.

[15].  Ibid., p.49.

[15].  Ibid., p. 49.

[16].  Vedel, Droit constitutionnel, op. cit., p. 115-116.

[16].  Vedel, Droit constitutionnel, op. cit., p. 115-116.

[17].  L’appellation de «pouvoir constituant dérivé» est employée par les auteurs suivants:  Vedel, «Souveraineté et supraconstitutionnalité», op. cit., p. 90; Id., «Schengen et Maastricht», op. cit., p. 179; Ardant, Institutions politiques…, op. Cit., p.72; Burdeau, Hamon et Troper, op. Cit., 23e éd., p. 53 ; Cadart, op. cit., t. I, p. 141; Gicquel, op. Cit/i., p. 179; Avril et Gicquel, op. cit., p. 97; Baguenard, op. Cit., p. 34; Fabre, op. cit., p. 150; Jeanneau, op. cit., p. 93; Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., 3e éd., 1993, p. 183; Vedel, «Souveraineté et supraconstitutionnalité», op. cit., p. 90; Arné, «Existe-t-il des normes supra-constitutionnelles?», op. cit., p. 484.

[17].  The term “derived constituent power” is used by the following authors:  Vedel, “Sovereignty and supraconstitutionality”, op. cit., p. 90; Id., “Schengen and Maastricht”, op. cit., p. 179; Ardant, Political institutions …, op. cit.., p. 72; Burdeau, Hamon and Troper, op. cit.., 23 e ed., P. 53; Cadart, op. cit., vol. I, p. 141; Gicquel, op. cit., p. 179; Avril and Gicquel, op. cit., p. 97; Baguenard, op. cit.., p. 34; Fabre, op.cit., p. 150; Jeanneau, op. cit., p. 93; Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., 3 e ed., 1993, p. 183; Vedel, “Sovereignty and supraconstitutionality”, op. cit., p. 90; Arné, “Are there supra-constitutional norms?”, op. cit. , p. 484.

L’appellation de «pouvoir constituant institué» est employée par les auteurs suivants:  Burdeau, Traité…, op. cit., t.IV, p. 218 et s.; Burdeau, Droit constitutionnel, 21e édition par Hamon et Troper op. cit., p. 76; Lavroff, Le droit constitutionnel, op. Cit., p. 99-102; Chantebout, op. cit., p.40; Turpin, Droit constitutionnel, op. cit., p.81; Koubi et Romi, op. cit., p.79; Shawi, op. Cit., p.162.

The term “instituted constituent power” is used by the following authors:  Burdeau, Treatise…, op. cit., Vol. IV, p. 218 et seq.; Burdeau, Constitutional Law, 21st edition by Hamon and Troper op. cit., p. 76; Lavroff, Constitutional Law, op. cit., pp. 99-102; Chantebout, op. cit., p.40; Turpin, Constitutional Law, op. cit., p. 81; Koubi and Romi, op. cit., p.79; Shawi, op. cit., p.162.

Par contre certains auteurs utilisent aussi les deux appellations.  Voir par exemple:  Pactet, op. cit., p.75; Charles Cadoux, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Cujas, 3e édition, 1988, t.I, p.134; Marcel Prélot et Jean Boulouis, Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, Dalloz, 11e édition, 1990, p.219.

On the other hand, some authors also use the two names.  See, for example:  Pactet, op. cit., p.75; Charles Cadoux, Constitutional Law and Political Institutions, Paris, Cujas, 3rd edition, 1988, Vol. I, p.134; Marcel Prélot and Jean Boulouis, Political institutions and constitutional law, Paris, Dalloz, 11th edition, 1990, p. 219.

[18].  Il étudie ce type de pouvoir constituant dans le titre «441.  De la Constitution primitive qui a donné naissance à l’Etat» (Contribution …, op. Cit., t.II, p.489-490. et n° 442:  «La question de l’origine de cette première Constitution n’est pas une question d’ordre juridique» (ContributionI …, op. cit., t.II, p.490-492).

[18].  He studies this type of constituent power in the title “441.  Of the primitive Constitution which gave birth to the State” (Contribution …, op. cit., Vol. II, pp.489-490.  And no. 442:  “The question of the origin of this first Constitution is not a legal question“ (Contribution ), op. cit., Vol. II, pp.490-492).

[19].  Il étudie ce type du pouvoir constituant dans le titre «443.  Justification de la théorie de l’organe d’Etat sur le terrain de la question du pouvoir constituant» (Contribution …, op. cit., t.II, p.492-495).

[19].  He studies this type of constituent power under the title “443.  Justification of the theory of the State organ on the question of constituent power” (Contribution …), op. cit., Vol. II, pp. 492-495).

[20].  Carré de Malberg, Contribution …,op. cit., t.II, p.490-491.

[20].  Carré de Malberg, Contribution …, op. cit., Vol. II, pp. 490-491.

[21].  Ibid., p.491.

[21].  Ibid., p. 491.

[22].  Ibid.

[22].  Ibid.

[23].  Ibid., p.494.

[23].  Ibid., p. 494.

[24].  Ibid., p.495.  Il constate que «les changements de Constitution peuvent se produire dans deux ordres bien différents de circonstances» (Ibid.).

[24].  Ibid., p. 495.  He notes that “Constitutional changes can occur in two very different orders of circumstances” (Ibid.).

[25].  Ibid., p.497.  Carré de Malberg examine ce type de pouvoir constituant dans le titre «444.  Cas dans lesquels les changements de Constitution cessent d’être régis par le droit» (Ibid., t.II, p.495-497).

[25].  Ibid., p. 497.  Carré de Malberg examines this type of constituent power under title “444.  Cases in which constitutional changes cease to be governed by law” (Ibid., Vol. II, pp. 495-497).

[26].  Ibid., p.497.  Il étudie ce type de pouvoir constituant dans le titre «445.  Système juridique de la révision de la Constitution par l’organe régulièrement désigné à cet effet</i» (Ibid., t.II, p.497-500).

[26].  Ibid., p. 497.  He studies this type of constituent power under the title “445.  The legal system for revision of the Constitution by the body regularly indicated for this purpose” (Ibid., Vol. II, p. 497-500).

[27].  C’est à dire, le pouvoir constituant dans les circonstances révolutionnaires (Ibid., p.497).  Selon Carré de Malberg, dans ces circonstances, «des changements se font d’une manière violente et qui résultent d’un coup de force, lequel se nomme révolution ou coup d’Etat» (Ibid., p.495).  Notons que selon Carré de Malberg, la révolution et le coup d’Etat sont des «procédés constituants d’ordre extra-juridique» (Ibid., p.497)..

[27].  Meaning to say, constituent power in revolutionary circumstances (Ibid., p. 497).  According to Carré de Malberg, in these circumstances, “changes are made in a violent manner and are the result of a forceful seizure of power, which is called a revolution or a coup d’état” (Ibid., p. 495).  Note that according to Carré de Malberg, revolution and the coup d’état are “constituent processes of an extra-legal order” (Ibid., p. 497).

[28].  Ibid., p.496.

[28].  Ibid., p. 496.

[29].  Ibid.

[29].  Ibid.

[30].  Ibid., p.497.

[30].  Ibid., p. 497.

[31].  Ibid., p.497.

[31].  Ibid., p. 497.

[32].  C’est à dire la «réformation … régulière, juridique … de la Constitution en vigueur» (Ibid., p.497).

[32].  Meaning, the “regular and legal reform … of the Constitution in force” (Ibid., p. 497).

[33].  Ibid.., p.497.

[33].  Ibid.., p. 497.

[34].  Ibid..

[34].  Ibid..

[35].  Ibid., p.498.

[35].  Ibid., p. 498.

[36].  Ibid., p.499.

[36].  Ibid., p. 499.

[37].  Ibid., p.500.

[37].  Ibid., p. 500.

[38].  Ibid., p.491.

[38].  Ibid., p. 491.

[39].  Ibid., p.497.

[39].  Ibid., p. 497.

[40].  Ibid., p.496.

[40].  Ibid., p. 496.

[41].  Ibid., p.491.

[41].  Ibid., p. 491.

[42].  Ibid., p.494.

[42].  Ibid., p. 494.

[43].  Ibid.

[43].  Ibid.

[44].  Ibid.

[44].  Ibid.

[45].  Ibid.

[45].  Ibid.

[46].  Ibid., p.497.

[46].  Ibid., p. 497.

[47].  Ibid., p.499.

[47].  Ibid., p. 499.

[48].  Ibid., p.500:  «… celui qui est appelé à exercer la puissance constituante procède essentiellement de la Constitution …».

[48].  [48]. Ibid., p. 500:  “… whoever is called upon to exercise the constituent power proceeds essentially from the Constitution …”.

[49].  Ibid.

[49].  Ibid.

[50].  On sait qu’il y a deux phases dans la pensée juridique de Georges Burdeau.  Etant un positiviste ardent dans sa thèse de doctorat (1930), il rompt avec ce «péché de jeunesse» (l’expression utilisée par Shawi (op. cit., p.16) à propos de revirement de Georges Burdeau) dans son ouvrage Pouvoir politique et l’Etat (Paris, L.G.D.J., 1943) où il écrira «dans cette controverse qui oppose les partisans du droit naturel aux positivistes, nous ne saurions prendre parti» (p.79); pour finir, dans son Traité de science politique (Paris, L.G.D.J., 1950) par accuser le positivisme de «réduire la science juridique à l’exégèse des procédures» (t.III, p.18).

[50].  We know that there are two phases in the legal thought of Georges Burdeau.  An ardent positivist in his doctoral thesis (1930), he broke with this “sin of his youth” (the expression used by Shawi (op. cit., p. 16) in connection with the about-face by Georges Burdeau) in his work Political power and the State (Paris, LGDJ, 1943) where he wrote “in this controversy which opposes the supporters of natural law to the positivists, we cannot take sides” (p. 79); to end, in his Treatise of political science (Paris, L.G.D.J., 1950), by accusing positivism of “reducing legal science to procedural exegesis” (Vol. III, p. 18).

[51].  Burdeau, Essai d’une théorie de la révision des lois constitutionnelles …, op. cit., p.41.

[51].  Burdeau, Essay on a theory of the revision of constitutional laws …, op. cit., p. 41.

[52].  Ibid., p.78-79.

[52].  Ibid., pp. 78-79.

[53].  Ibid., p.79.

[53].  Ibid., p. 79.

[54].  Ibid., p.XV.

[54].  Ibid., p. XV.

[55].  Ibid., p.79. Ce pouvoir «est un simple fait non susceptible de recevoir une tenture juridique» (Ibid., p.82).

[55].  Ibid., p. 79. This power “is a mere fact not susceptible of legal characterization” (Ibid., p. 82).

[56].  Ibid., p.80.

[56].  Ibid., p. 80.

[57].  Ibid., p.XXIII.

[57].  Ibid., p. XXIII.

[58].  Ibid., p.XIV.

[58].  Ibid., p. XIV.

[59].  Ibid., p.83.

[59].  Ibid., p. 83.

[60].  Ibid. , p.79.

[60].  Ibid. , p. 79.

[61].  Ibid., p.XV.

[61].  Ibid., p. XV.

[62].  Roger Bonnard, «Les actes constitutionnels de 1940», Revue du droit public, 1942, p.48-90.

[62].  Roger Bonnard, “The constitutional act of 1940”, Review of Public Law , 1942, pp. 48-90.

[63].  Ibid., p.49.

[63].  Ibid., p. 49.

[64].  Ibid., p.78.

[64].  Ibid., p. 78.

[65].  Ibid., p.49.

[65].  Ibid., p. 49.

[66].  Ibid., p.59.

[66].  Ibid., p. 59.

[67].  Ibid.

[67].  Ibid.

[68].  Guy Héraud, L’ordre juridique et le pouvoir originaire, (Thèse pour le doctorat en droit, Faculté de Droit de Toulouse), Paris, Sirey, 1946, p.2-4.

[68].  Guy Héraud, The legal order and the originating power, (Thesis for a doctorate in law, Faculty of Law of Toulouse), Paris, Sirey, 1946, pp. 2-4.

[69].  Ibid., p.4-5.

[69].  Ibid., pp. 4-5.

[70].  Vedel, Droit constitutionnel, op. cit., p.115-116 : «[Q]uand le pouvoir [constituant] est exercé en matière de révision, la Constitution fixe elle-même les conditions … dans lesquelles ce pouvoir constituant est exercé … Dans ce cas, le pouvoir constituant de révision n’est plus inconditionné.  C’est un pouvoir dérivé».

[70].  Vedel, Constitutional Law, op. cit., pp. 115-116: “[W]hen the [constituent] power is exercised in matters of revision, the Constitution itself fixes the conditions … under which this constituent power is exercised … In this case, the constituent power of revision is no longer unconditioned.  It is a derived power”.

[71].  Voir supra, note 17.

[71].  See supra, note 17.

[72].  Pour les définitions semblables voir : Berlia, «De la compétence des assemblées constituantes», op. cit., p.356; Bonnard, op. Cit., p.49-50 ; Burdeau, Traité …, op. cit., t.IV, p.190; Fabre, op. cit., p.149; Jacques Velu, Droit public, Bruxelles, Bruylant, 1986, t.I, p.140; Prélot et Boulouis, op. cit., p.219; Pactet, op. cit., p.71; Gicquel, op. cit., p.174; Ardant, Institutions politiques …, op. cit., p.72; Burdeau, Droit constitutionnel, 21e édition par Hamon et Troper op. cit., p.77.

[72].  For similar definitions see: Berlia, “On the competence of constituent assemblies”, op. cit., p.356; Bonnard, op. cit., pp. 49-50; Burdeau, Treatise …, op. cit., Vol. IV, p. 190; Fabre, op. cit., p. 149; Jacques Velu, Public Law, Bruxelles, Bruylant, 1986, Vol. I, p. 140; Prélot and Boulouis, op. cit., p. 219; Pactet, op. cit., p. 71; Gicquel, op. cit., p. 174; Ardant, Political institutions   …, op. cit., p. 72; Burdeau, Droit constitutionnel, 21e edition by Hamon and Troper op. cit., p. 77.

[73].  Claude Klein, «Pourquoi écrit-on une Constitution», in Michel Troper et Lucien Jaume (sous la direction de), 1789 et l’invention de la constitution, (Actes du Colloque de Paris organisé par l’Association française de droit constitutionnel, les 2, 3 et 4 mars 1989, Paris-Bruxelles, L.G.D.J.-Bruylant, 1994, p.89-94; Cadoux, op. cit., t.I, p.145; Chantebout, op. cit., p.39.

[73].  Claude Klein, “Why we write a Constitution”, in Michel Troper and Lucien Jaume (edited by), 1789 and the invention of the constitution, (Actes du Colloque de Paris organized by the French Association of Constitutional Law, March 2nd, 3rd and 4th, 1989, Paris-Bruxelles, LGDJ-Bruylant, 1994, pp. 89-94; Cadoux, op. cit., Vol. I, p. 145; Chantebout, op. cit., p. 39.

[74].  Cadoux, op. cit., t.I, p.146; Chantebout, op. cit., p.38.

[74].  Cadoux, op. cit., Vol. I, p. 146; Chantebout, op. cit, p. 38.

[75].  Héraud, L’ordre juridique et le pouvoir originaire, op. cit., p.323.

[75].  Héraud, The legal order and the originating power, op. cit., p. 323.

[76].  L’expression appartient à André Hauriou, Jean Gicquel et Patrice Gélard, (Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Montchrestien, 6e édition, 1975, p.316). Voir aussi Gicquel, op. cit., p.169.

[76].  The expression belongs to André Hauriou, Jean Gicquel and Patrice Gélard, (Constitutional law and political institutions, Paris, Montchrestien, 6th edition, 1975, p. 316).  See also, Gicquel, op. cit., p. 169.

[77].  Cadoux, op. cit., t.I, p.146.

[77].  Cadoux, op. cit., Vol. I, p. 146.

[78].  Pour les circonstances de l’établissement des constitutions voir Edward McWhinney, Constitution-Making:  Principles, Process, Practice, Toronto, University of Toronto Press, 1981, p.14-21.

[78].  For the circumstances of the establishment of constitutions, see Edward McWhinney, Constitution-Making:  Principles, Process, Practice, Toronto, University of Toronto Press, 1981, pp. 14-21.

[79].  Bonnard, op. cit., p.59 ; Burdeau, Essai d’une théorie de la révision …, op. cit., p.XIV, 43.

[7].  Bonnard, op. cit., p. 59; Burdeau, Essay on a theory of revision …, op. cit., p. XIV, 43.

[80].  En ce sens voir:  Carré de Malberg, Contribution …,op, cit., t.II, p.290-492, 496-497; Burdeau, Essai d’une théorie de la révision …, op. cit., p.XV, XXII-XXIII, 7-8, 14-15, 42, 46.

[80].  In this sense, see:  Carré de Malberg, Contribution …, op, cit., Vol. II, pp. 290-492, 496-497; Burdeau, Essay on a theory of revision …, op. cit., pp. XV, XXII-XXIII, 7-8, 14-15, 42, 46.

Contra voir  Burdeau, Traité …, op. cit., t.IV, p.200-202; Maurice Duverger, «Contribution à l’étude de la légitimité des gouvernements de fait», Revue du droit public, 1945, p.77-81; Bonnard, op. cit., p.54-57.

Contra see:  Burdeau, Treatise …, op. cit., Vol.. IV, pp. 200-202; Maurice Duverger, “Contribution to the study of the legitimacy of de facto governments”, Review of Public Law , 1945, pp. 77-81; Bonnard, op. cit., p. 54-57.

[81].  Carré de Malberg, Contribution …,op. cit., t.II, p.490.

[81].  Carré de Malberg, Contribution …, op. cit., Vol. II, p. 490.

[82].  Ibid., t.II, p.496.

[82].  Ibid., Vol. II, p. 496.

[83].  Burdeau, Traité …, op. cit., t.IV, p.218.

[83].  Burdeau, Treatise …, op. cit., Vol. IV, p. 218.

[84].  Pour l’influence de la pensée démocratique sur le choix de l’organe de révision voir:   Burdeau, Traité …, op. cit., t.IV, p.220-221.

[84].  For the influence of democratic thought on the choice of the revising body, see:  Burdeau, Treatise …, op. cit., Vol. IV, pp. 220-221.

[85].  Burdeau, Traité …, op. cit., t.IV, p.124; Lavroff, Le droit constitutionnel …, op. cit., p.99; Héraud, L’ordre juridique, op. cit., p.5; Ardant, Institutions politiques …, op. cit., p.72; Burdeau, Droit constitutionnel, 21e édition par Hamon et Troper op. cit., p.77; Fabre, op. cit., p.149; Gicquel, op. cit., p.174; Pactet, op. cit., p.71; Turpin, Droit constitutionnel, op. cit., 2e éd., 1994, p.85; Vedel, Droit constitutionnel, op. cit., p.115; Velu, op. cit., p.140; Edouard Laboulaye, Questions constitutionnelles, Paris, Charpentier et Cie, 2e édition, 1873, p.371.

[85].  Burdeau, Treatise …, op. cit., Vol. IV, p. 124; Lavroff, Constitutional Law  …, op. cit., p. 99; Héraud, The legal order, op. cit., p. 5; Ardant, Political institutions …, op. cit., p. 72; Burdeau, Constitutional Law , 21st edition by Hamon and Troper op. cit., p. 77; Fabre, op. cit., p. 149; Gicquel, op. cit., p. 174; Pactet, op. cit., p.71; Turpin, Constitutional Law, op. cit., 2nd ed., 1994, p. 85; Vedel, Constitutional Law, op. cit., p. 115; Hairy, op. cit., p. 140; Edouard Laboulaye, Constitutional Questions, Paris, Charpentier and Co., 2nd edition, 1873, p. 371.

[86].  [86]. Cependant si l’on consulte un manuel quelconque de droit constitutionnel, on pourrait trouver des classifications des modes d’établissement des constitutions (les formes du pouvoir constituant originaire).  Les manuels classifient en général ces modes suivant les théories de la souveraineté.  Ainsi si la souveraineté appartient à un monarque la constitution sera faite par le mode de l’octroi, si elle est partagée entre un monarque et une assemblée la constitution sera faite par le mode du pacte.  Ce sont les procédés monarchiques de l’établissement des constitutions.  Il y a aussi les procédés démocratiques.  Car dans une démocratie la souveraineté ne peut appartenir qu’à la nation ou au peuple.  Si la souveraineté appartient à la nation, la constitution sera faite par le mode de l’assemblée constituante; si elle appartient au peuple, la constitution sera faite par le mode du référendum constituant.  Il faut cependant souligner que le pouvoir constituant originaire n’est pas lié par ces modes.  Il peut utiliser l’un de ces modes, comme il peut faire un mélange entre eux; ou bien il peut utiliser un mode tout à fait original qui n’existait pas du tout jusqu’alors.  À ce propos, il n’y a aucune obligation juridique qui s’impose au pouvoir constituant originaire.

[86].  However, if we consult any textbook of constitutional law, classifications might be found of the modes of establishment of constitutions (the forms of the originating constituent power).  Textbooks generally classify these modes according to theories of sovereignty.  Thus, if the sovereignty belongs to a monarch, the constitution will be made by the mode of granting , if it is shared between a monarch and an assembly, the constitution will be made by the mode of the pact.  These are the monarchical procedures for establishing constitutions.  There are also democratic procedures.  For, in a democracy sovereignty can only belong to the nation or to the people.  If the sovereignty belongs to the nation, the constitution will be made by the mode of the constituent assembly; if it belongs to the people, the constitution will be made by the mode of the constituent referendum.  However, it should be emphasized that the originating constituent power is not bound by these modes.  It can use any of these modes, as well as combine them; or it can use a completely original mode which did not exist at all until then.  In this regard, there is no legal obligation imposed on the originating constituent power.

[87].  Les constitutions déterminent généralement cette procédure en trois phases:  l’initiative, l’élaboration et la ratification de la révision (Burdeau, Traité …, op. cit., t.IV, p.250-251; Ardant, Institutions politiques…, op. cit., p.81; Chantebout, op. cit., p.42; Debbasch et alii, op. cit., p.95; Jeanneau, op. cit., p.95).

[87].  Constitutions generally determine this procedure in three stages:  the initiative, the elaboration and the ratification of the revision (Burdeau, Treatise …, op. cit., Vol. IV, pp. 250-251; Ardant, Political institutions …, op. cit., p. 81; Chantebout, op. cit., p. 42; Debbasch et als, op. cit., p. 95; Jeanneau, op. cit., p. 95).

L’initiative de la révision—  L’initiative de la révision peut être conférée au seul gouvernement ou au parlement exclusivement, ou bien elle peut être partagée entre le gouvernement et le parlement. Elle peut même être accordée au peuple.

The initiative for the revision—  The initiative for revision can be conferred solely on government or excluively on parliament, or it can just as well be shared by the government and parliament.  It can even be granted to the people.

L’élaboration de la révision — Dans cette deuxième phase de la procédure de révision, on décide si l’on doit prendre l’initiative en considération et de lui donner suite.  Cette décision sera prise tantôt par une assemblée réunie à cette fin, tantôt par les assemblées ordinaires.  D’ailleurs, il est prévu des procédures solennelles, comme la condition de deux délibérations ou de dissolution de l’assemblée, comme les conditions de l’adoption à la majorité qualifiée (par exemple 3/5, 2/3, 3/4 etc.).

Preparation of the revision — In this second phase of the revision procedure, the decision is made on whether to implement the initiative.  Sometimes, this decision is taken by an assembly convened for the purpose, sometimes by ordinary assemblies.  Moreover, formal procedures are provided for, such as the condition of two deliberations or dissolution of the assembly, or conditions for adoption by a qualified majority (for example, 3/5, 2/3, 3/4 etc.).

La ratification de la révision—  Certaines constitutions comportent une formalité supplémentaire.  C’est la ratification de la révision.  Les constitutions en général attribuent ce droit au chef d’Etat ou bien au peuple.  Dans le premier cas on parle du veto présidentiel; dans le deuxième, du veto populaire, par le moyen du référendum.

Ratification of the revision—  Some constitutions include an additional formality :  ratification of the revision.  Constitutions in general attribute this right to the Head of State or to the people.  In the first case, we are speaking of the presidential veto; in the second, the popular veto, by means of the referendum.

[88].  Si une constitution ne comporte aucune disposition sur sa révision, il faut en déduire qu’elle peut être révisée par la mise en oeuvre de la procédure d’adoption des lois ordinaires.  Car, la constitution est en dernière analyse une loi, et par conséquent elle est révisable comme toutes les autres lois.  En ce sens voir Julien Laferrière, Manuel de droit constitutionnel, Paris, Editions Domat-Montchrestien, 2e édition, 1947, p.288:  «Juridiquement, la Constitution est une loi; or de par sa nature, la loi est un acte … modifiable». [*]

[88].  If a constitution contains no provision for its revision, it must be deduced that it can be revised by implementing the procedure for the adoption of ordinary laws.  For, in the final analysis, the constitution is a law, and therefore it is revisable like all other laws.  To this effect, see Julien Laferrière, Constitutional Law Manual, Paris, Editions Domat-Montchrestien, 2nd edition, 1947, p. 288:  “Legally, the Constitution is a law; yet by its nature, a law is an amendable act …”. [*]

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[*].  Note de la traductrice.  Concernant Gözler @ [88], je dois intervenir, ce n’est absolument pas le cas des constitutions d’origine britannique.  L’Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867, par exemple, excluait un pouvoir général de modification pour le niveau fédéral.  Cependant, il a conféré expressément aux Provinces un pouvoir local limité.  Dans cette situation, supposer que le niveau fédéral pourrait néanmoins modifier à volonté l’AANB de 1867 simplement parce qu’il s’agit d’une «loi» et donc soi-disant «modifiable comme toute autre loi», défierait le constitutionnalisme britannique.  Ce serait un coup d’état de mettre en œuvre un pouvoir non prévu dans la Constitution de 1867.  Il faudrait supposer que le pouvoir a été retenu pour une raison.  De plus, lorsque l’AANB de 1867 autorisait le niveau fédéral à modifier en fait la constitution générale en créant une cour d’appel générale pour le Canada, il l’a fait dans un article numéroté et intitulé distinct des lois sur la magistrature afin de restreindre strictement cet attribution particulière de pouvoir à la fin indiquée, à savoir l’érection d’une cour générale d’appel et d’aucun autre organe.  Excéder par erreur les pouvoirs accordés, c’est être ultra vires entraînant la nullité de l’acte fautif.  Dépasser les pouvoirs accordés délibérément, c’est les défier, avec toutes les conséquences nécessaires.  Plus je lis Gözler sur le thème du pouvoir constituant dérivé d’idées issues de la Révolution française, plus j’ai la forte impression qu’un bon livre de droit comparé doit être écrit sur le pouvoir constituant et l’amendement dans les constitutions d’origine britannique.

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[*].  Translator’s note.  Regarding Gözler @ [88], I have to interject, this is absolutely not the case with British-descended constitutions.  The British North America Act, 1867, for example, excluded a general amending power for the federal level.  However, it did expressly confer a limited, meaning local amending power upon the Provinces.  In that situation, to assume that the federal level could nonetheless amend the BNA Act, 1867 at will simply because it is a “law” and supposedly “amendable like any other law”, would defy British constitutionalism.  It would be a coup d’état to implement a power not provided in the Constitution of 1867.  It would have to be assumed that the power was withheld for a reason.  Moreover, where the BNA Act, 1867 authorized the federal level to in effect amend the overall constitution by creating a general court of appeal for Canada, it did so in a numbered and titled section set apart from the Judicature Acts in order strictly to confine that particular grant of power to the purpose indicated, i.e., the erection of a general court of appeal and of no other body.  To mistakenly exceed powers granted is to be ultra vires entailing nullity of the mistaken act.  To deliberately exceed powers conferred is to defy them, with all the necessary consequences.  The more I read Gözler on the topic of the constituent power as derived from ideas descended from the French Revolution, the more I have the strong impression that a good comparative law book needs to be written on the constituent power and amendment in British-descended constitutions.

[89].  Berlia, «De la compétence des assemblées constituantes», op. cit., p.356.

[89].  Berlia, “On the competence of constituent assemblies”, op. cit., p. 356.

[90].  Burdeau, Essai d’une théorie de la révision&nbps;…, op. cit., p.41./p>

[90].  Burdeau, Essay on a Theory of Revision …, op. cit., p. 41.

[91].  Héraud, L’ordre juridique …, op. cit., p.2 et 4.

[91].  Héraud, The legal order …, op. cit., pp. 2 and 4.

[92].  En ce sens voir:  Burdeau, Essai d’une théorie de la révision…, op. cit., p.43:  «L’autorité chargée des révisions constitutionnelles» est un «organe constituant par son but, mais l’organe constitué par son origine» (C’est nous qui soulignons).  Le doyen Vedel aussi affirme la même idée:  «… en tant que le pouvoir constituant s’exerce en vue de la révision de la Constitution, il vise à l’exercice d’une compétence définie déjà par la Constitution.  Il est constituant par ses effets; il est constitué quant à ses conditions d’exercice» (Vedel, Droit constitutionnel, op. cit., p.161).  «Si l’organe constituant existe en vertu d’une Constitution en vigueur, il est constituant par son objet, mais constitué quant à sa compétence» (Ibid., p.277).

[92].  To this effect, see:  Essay [Attempt? at] on a Theory of Revision …, op. cit., p.43:  “The authority charged with constitutional revisions” is a “constituent body by its purpose, but a constituted body by its origin” (Our underlining).  Dean Vedel also affirms the same idea:  “… as the constituent power is exercised with a view to revision of the Constitution, it aims at the exercise of a competence already defined by the Constitution.  It is constituent by its effects; it is constituted as to its conditions of exercise ”(Vedel, Constitutional Law, op. cit., p.161).  “If the constituent body exists by virtue of a Constitution in force, it is constituent by its object, but constituted with regard to its competence” (Ibid., p. 277).

[93].  En ce sens voir: Burdeau, Essai d’une théorie de la révision …, op. cit., p.43.  C’est nous qui soulignons.

[93].  To this effect, see:  Burdeau, Essay on a Theory of Revision …, op. cit., p. 43.  Our emphases.

[94].  Vedel, Droit constitutionnel, op. cit., p.160.  «Il est constituant par son objet, mais constitué quant à sa compétence» (Ibid., p.277).

[94].  Vedel, Constitutional Law, op. cit., p. 160.  “It is constituent as to its object, but constituted in terms of its competence” (Ibid., p. 277).

[95].  Georges Vedel, «Schengen et Maastricht:  à propos de la décision n° 91-294 DC du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1991», Revue française de droit administratif, 1992, p.179.

[95].  Georges Vedel, “Schengen and Maastricht:  on decision no. 91-294 DC of the Constitutional Council of July 25, 1991”, French Review of Administrative Law, 1992, p. 179.

[96].  Vedel, «Souveraineté et supraconstitutionnalité», op. cit., p.90.  C’est nous qui soulignons.

[96].  Vedel, “Sovereignty and supraconstitutionality”, op. cit., p. 90.  Our underlines.

[97].  Comme on va le voir en bas, les partisans (Carl Schmitt et Olivier Beaud) de la conception matérielle refusent l’homogénéité du pouvoir constituant originaire et du pouvoir de révision constitutionnelle, ainsi qu’il nie la nature constituante du pouvoir de révision constitutionnelle.

[97].  As we will see below, the partisans of the material conception (Carl Schmitt and Olivier Beaud) reject the homogeneity of the originating constituent power and the power of constitutional revision, as well as denying the constituent nature of the power of constitutional revision.

[98].  Carl Schmitt, Théorie de la Constitution, Trad. par Lilyane Deroche, Paris, P.U.F., Coll. «Léviathan», 1993., p.211.

[98].  Carl Schmitt, Constitutional Theory, French translation by Lilyane Deroche, Paris, P.U.F., “Leviathan” Collection, 1993., p. 211.

[99].  Ibid., p.241.

[99].  Ibid., p. 241.

[100].  Ibid., p.213.

[100].  Ibid., p. 213.

[101].  Ibid., p.213.

[101].  Ibid., p. 213.

[102].  Ibid.

[102].  Ibid.

[103].  Ibid., p.121.

[103].  Ibid., p. 121.

[104].  French

[104].  English

[105].  Ibid., p.151.

[105].  Ibid., p. 151.

[106].  Ibid., p.241.

[106].  Ibid., p. 241.

[107].  Ibid., p.151.

[107].  Ibid., p. 151.

[108].  Ibid.

[108].  Ibid.

[109].  Ibid.

[109].  Ibid.

[110].  Ibid., p.154.

[110].  Ibid., p. 154.

[111].  Ibid., p.152, 153.

[111].  Ibid., pp. 152, 153.

[112].  Ibid., p.153.

[112].  Ibid., p. 153.

[113].  Ibid., p.141-142.

[113].  Ibid., pp. 141-142.

[114].  Ibid., p.155.

[114].  Ibid., p. 155.

[115].  Ibid., p.141.

[115].  Ibid., p. 141.

[116].  Ibid., p.142.

[116].  Ibid., p. 142.

[117].  Ibid., p.155.

[117].  Ibid., p. 155.

[118].  Ibid.  C’est nous qui soulignons.

[118].  Ibid.  Our underlines.

[119].  Ibid., p.155.  «Par la voie de l’art.76, on peut modifier les lois constitutionnelles, mais pas la constitution» (Ibid., p.156).  «Que la ‘constitution’ puisse être révisée ne veut pas dire que les décisions politiques fondamentales qui constituent la substance de la constitution peuvent être abrogées à tout moment par le parlement ou remplacées par n’importe quelles autres.  Le Reich allemand ne peut pas être transformé en monarchie ou en république soviétique par une décision du Reichstag à la majorité des deux tiers» (Ibid.).

[119].  Ibid., p. 155. “By way of article 76, constitutional laws can be amended, but not the constitution” (Ibid., p. 156).  “That the ‘constitution’ can be revised does not mean that the fundamental political decisions which constitute the substance of the constitution can be abrogated at any time by parliament or replaced by any others.  The German Reich cannot be transformed into a monarchy or a Soviet republic by a decision of the Reichstag by a two-thirds majority” (Ibid.).

[120].  Ibid., p.237.

[120].  Ibid., p. 237.

[121].  Ibid., p.156.

[121].  Ibid., p. 156.

[122].  Ibid., p.241.

[122].  Ibid., p. 241.

[123].  Beaud, La puissance de l’Etat, op. cit., p.315.  Voir également Olivier Beaud, «Maastricht et la théorie constitutionnelle», Les Petites affiches, 31 mars 1993, n° 39, p.15.

[123].  Beaud, The Power of the State, op. cit., p. 315.  See also Olivier Beaud, “Maastricht and constitutional theory ”, Les Petites affiches, March 31, 1993, no. 39, p. 15.

[124].  Beaud, La puissance de l’Etat, op. cit., p.315.

[124].  Beaud, The Power of the State, op. cit., p. 315.

[125].  Beaud, La puissance de l’Etat, op. cit., p.316; Beaud, «Maastricht et la théorie constitutionnelle», op. cit., p.15.

[125].  Beaud, The Power of the State, op. cit., p. 316; Beaud, “Maastricht and constitutional theory”, op. cit., p. 15.

[126].  Ibid., p.319.

[126].  Ibid., p. 319.

[127].  Beaud, La puissance de l’Etat, op. cit., p.336-337; Olivier Beaud, «La souveraineté de l’Etat, le pouvoir constituant et le Traité de Maastricht:  remarques sur la méconnaissance de la limitation de la révision constitutionnelle», Revue française de droit administratif, 1993, p.1048.

[127].  Beaud, The Power of the State, op. cit., pp. 336-337; Olivier Beaud, “The sovereignty of the State, the constituent power and the Maastricht Treaty:  remarks on the little understood limitation on constitutional revision”, French Review of Administrative Law, 1993, p. 1048.

[128].  Beaud, «La souveraineté de l’Etat …», op. cit., p.1048.  C’est nous qui soulignons.  Egalement voir Ibid., p. 1058:  «La loi constitutionnelle de révision n’exprime ni un ‘pouvoir constituant’ ni un pouvoir ‘souverain’, mais bien plutôt un pouvoir constitué, le pouvoir de révision qui est un pouvoir non souverain».

[128].  Beaud, “The sovereignty of the State …”, op. cit., p. 1048.  Our underlines.  Also see Ibid., p. 1058:  “The constitutional law of revision expresses neither a ‘constituent power’ nor a ‘sovereign’ power, but rather a constituted power, the power of revision, which is a non-sovereign power”.

[129].  «Différents par leur objet et leur contenu, l’acte constituant et l’acte de révision …» (Beaud, La puissance de l’Etat, op. cit., p.364).

[129].  “Different as to their object and their content, the constituent act and the act of revision …” (Beaud, The power of the State, op. cit., p .364).

[130].  Voir Beaud, «La souveraineté de l’Etat …», op. cit., p.1048-49.

[130].  See Beaud, “The Sovereignty of the State …”, op. cit., pp. 1048-49.

[131].  Voir Ibid., p.1048-1049, 1059, 1061-1063.

[131].  See Ibid., pp. 1048-1049, 1059, 1061-1063.

[132].  Beaud, La puissance de l’Etat, op. cit., p.439.

[132].  Beaud, The Power of the State, op. cit., p. 439.

[133].  Schmitt, op. cit., p.154, 213-218.

[133].  Schmitt, op. cit., pp. 154, 213-218.

[134].  Olivier Beaud, «La souveraineté de l’Etat …», op. cit., p.1048.

[134].  Olivier Beaud, «The Sovereignty of the State …», op. cit., p. 1048.

[135].  Ibid., p.1059.

[135].  Ibid., p. 1059.

[136].  Ibid., p.1048.  «Seul le pouvoir constituant du peuple peut remettre en cause la souveraineté» (Ibid., p.1059).

[136].  Ibid., p. 1048.  “Only the constituent power of the people can call sovereignty into question” (Ibid., p. 1059).

[137].  Ibid., p.1048.

[137].  Ibid., p. 1048.

[138].  Ibid., p.1063.

[138].  Ibid., p. 1063.

[139].  Ibid.

[139].  Ibid.

[140].  Loi constitutionnelle n° 62-1292 du 6 novembre 1962.

[140].  Constitutional law no. 62-1292 of November 6, 1962.

[141].  Beaud, La puissance de l’Etat, op. cit., p.383.

[141].  Beaud, The Power of the State, op. cit., p. 383.

[142].  Carl Schmitt, op. cit., p.229; Beaud, La puissance de l’Etat, op. cit., p.315; Beaud, «Maastricht et la théorie constitutionnelle», op. cit., p.15.

[142].  Carl Schmitt, op. cit., p.229; Beaud, The Power of the State, op. cit., p. 315; Beaud, “Maastricht and constitutional theory”, op. cit., p. 15.

[143].  Beaud, La puissance de l’Etat, op. cit., p.316; Beaud, «Maastricht et la théorie constitutionnelle», op. cit., p.15.

[143].  Beaud, The Power of the State, op. cit., p. 316; Beaud, “Maastricht and constitutional theory”, op. cit., p. 15.

[144].  Ibid.

[144].  Ibid.

[145].  Beaud, La puissance de l’Etat, op. cit., p.314-315.

[145].  Beaud, The Power of the State, op. cit., pp. 314-315.

[146].  Beaud, «La souveraineté de l’Etat …», op. cit., p.1048.

[146].  Beaud, “The Sovereignty of the State …”, op. cit., p. 1048.

[147].  Schmitt, op. cit., p.213.

[147].  Schmitt, op. cit., p. 213.

[148].  Beaud, «La souveraineté de l’Etat …», op. cit., p.1048.

[148].  Beaud, “The sovereignty of the State …”, op. cit., p. 1048.

[149].  Vedel, «Shengen et Maastricht …», op. cit., p.179.

[149].  Vedel, “Shengen and Maastricht …”, op. cit., p. 179.

[150].  Carré de Malberg, Contribution …, op. cit., t.II, p.572.

[150].  Carré de Malberg, Contribution …, op. cit., Vol. II, p. 572.

[151].  Beaud, La puissance de l’Etat, op. cit., p.439.

[151].  Beaud, The Power of the State, op. cit., p. 439.

[152].  Ibid.

[152].  Ibid.

[153].  Voir Beaud, La puissance de l’Etat, op. cit., p.360-368; «La souveraineté de l’Etat …», op. cit., p.1057, 1059.

[153].  See Beaud, The Power of the State, op. cit., pp. 360-368; “The sovereignty of the State …”, op. cit., pp. 1057, 1059.

[154].  Schmitt, op. cit., p.154.

[154].  Schmitt, op. cit., p. 154.

[155].  Ibid., p.155.

[155].  Ibid., p. 155.

[156].  Ibid.

[156].  Ibid.

[157].  Ibid.

[157].  Ibid.

[158].  Ibid.

[158].  Ibid.

[159].  Ibid., p.364.

[159].  Ibid., p. 364.

[160].  Beaud, «La souveraineté de l’Etat …», op. cit., p.1068.

[160].  Beaud, “The Sovereignty of the State&nbp;…”, op. cit., p. 1068.

[161].  Ibid.

[161].  Ibid.

[162].  Ibid., p.1054.

[162].  Ibid., p. 1054.

[163].  Ibid., p.1059.

[163].  Ibid., p. 1059.

[164].  Ibid., p.1061.

[164].  Ibid., p. 1061.

[165].  Ibid., p.1061-1062.

[165].  Ibid., pp. 1061-1062.

[166].  Ibid., p.1063.

[166].  Ibid., p. 1063.

[167].  Georges Vedel, «Place de la Déclaration de 1789 dans le ‘bloc de constitutionnalité’»*, La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la jurisprudence, (Colloque des 25 mai et 26 mai au Conseil constitutionnel), Paris, P.U.F., 1989, p.54.

[167].  Georges Vedel, «The place of the Declaration of 1789 in the ‘bloc de constitutionnalité’*», The Declaration of the Rights of Man and of the Citizen and the Jurisprudence, (Colloquium of May 25th and 26th at the Constitutional Council), Paris, PUF , 1989, p. 54.

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*  Note de la traductrice:  “En droit français, on appelle “bloc de constitutionnalité” l’ensemble des principes et dispositions que les lois doivent respecter et dont le Conseil constitutionnel est le garant.  Il n’est pas limité à la seule Constitution.”  Source:  La Toupie.

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*  Translator’s note:  In French law, “bloc de constitutionnalité” refers to all the principles and provisions that the laws must respect and of which the Constitutional Council is the guarantor.  It is not limited to the Constitution alone.  Source:  La Toupie.

[168].  Vedel, «Souveraineté et supraconstitutionnalité», op. cit., p.84.

[168].  Vedel, “Sovereignty and supraconstitutionality”, op. cit., p. 84.

[169].  C.C., décision n° 92-312 DC du 2 septembre 1992, Traité sur l’Union européenne (Maastricht II), Rec., 1992, p.80 (19e considérant).

[169].  C.C., decision no. 92-312 DC of September 2, 1992, Treaty on the European Union (Maastricht II), Rec., 1992, p. 80 (19th recital).

[170].  Schmitt, op. cit., p.154.

[170].  Schmitt, op. cit., p. 154.

[171].  Ibid., p.155.

[171].  Ibid., p. 155.

[172].  Beaud, «La souveraineté de l’Etat …», op. cit., p.1047.

[172].  Beaud, “The Sovereignty of the State …”, op. cit., p. 1047.

[173].  Ibid.

[173].  Ibid.

[174].  Ibid.  Seul un acte constituant est «en mesure d’abolir la souveraineté de l’Etat» (Ibid., p. 1063).

[174].  Ibid.  Only a constituent act is “capable of abolishing the sovereignty of the State” (Ibid., p. 1063).

[175].  Vedel, «Souveraineté et supraconstitutionnalité», op. cit., p.80-81.

[175].  Vedel, “Sovereignty and supraconstitutionality”, op. cit., pp. 80-81.

[176].  En effet Olivier Beaud avoue lui-même que «cette souveraineté propre à l’Etat, cette inhérente qualité de l’Etat, cette «étaticité» (Staatlichkeit), ne figure pas toujours dans la Constitution …  La Constitution de 1958 est typique de cette oblitération de la souveraineté de l’Etat et même la souveraineté constituante» (Beaud, «La souveraineté de l’Etat …», op. cit., p.1049-1050.

[176].  Indeed, Olivier Beaud himself admits that “this sovereignty belonging to the State, this inherent quality of the State, this ‘statehood’ (Staatlichkeit), does not always appear in the Constitution …  The 1958 Constitution is typical of this obliteration of the sovereignty of the State and even constituent sovereignty” (Beaud, “The sovereignty of the State …”, op. cit., pp. 1049-1050.

[177].  Beaud, «La souveraineté de l’Etat …», op. cit., p.1050.  C’est nous qui soulignons.

[177].  Beaud, “The sovereignty of the State …”, op. cit., p. 1050.  Our underlines.

[178].  Ibid., p.1068.

[178].  Ibid., p. 1068.

[179].  Rappelons que Carré de Malberg n’emploie pas l’expression «pouvoir constituant originaire» ni celle de «pouvoir constituant dérivé».  Voir supra, p.11-15.

[179].  Remember that Carré de Malberg does not use the expression “originating constituent power” nor that of “derived constituent power”.  See supra, pp. 11-15.

[180].  Carré de Malberg, Contribution …, op. cit., t.II, p.497.  Carré de Malberg examine ce type de pouvoir constituant dans le titre «444.  Cas dans lesquels les changements de Constitution cessent d’être régis par le droit» (Ibid., t.II, p.495-497).

[180].  Carré de Malberg, Contribution …, op. cit., Vol. II, p. 497.  Carré de Malberg examines this type of constituent power under the title “444.  Cases in which changes of Constitution cease to be governed by law” (Ibid., Vol. II, pp. 495-497).

[181].  Ibid., p.497.  Il étudie ce type du pouvoir constituant dans le titre «445.  Système juridique de la révision de la Constitution par l’organe régulièrement désigné à cet effet» (Ibid., t.II, p.497-500).

[181].  Ibid., p. 497.  He studies this type of constituent power under the title “445.  Legal system for the revision of the Constitution by the body regularly designated for this purpose” (Ibid., Vol. II, pp. 497-500).

[182].  Burdeau, Essai d’une théorie de révision …, op. cit., p.80.  G. Burdeau souligne que le pouvoir constituant originaire existe «après tous les mouvements révolutionnaires» (Ibid., p.80).

[182].  Burdeau, Essay on a Theory of Revision …, op. cit., p. 80.  G. Burdeau underscores that the originating constituent power exists “after all revolutionary movements” (Ibid., p. 80).

[183].  Bonnard, op. cit., p.49.

[183].  Bonnard, op. cit., p. 49.

[184].  Voir supra, note 17.

[184].  See supra, note 17.

[185].  Kelsen, Théorie pure du droit, op. cit., p.279.  Dans cette conception, il est également indifférent que le changement ou la modification de la constitution «soit provoqué par un mouvement de masse du peuple, ou par un groupe très restreint d’individus.  Une seule chose compte:  c’est que la Constitution en vigueur est soit modifiée soit remplacée complètement par une nouvelle Constitution d’une façon autre que celle qu’elle prescrivait» (Ibid.).

[185].  Kelsen, Pure Theory of Law, op. cit., p. 279.  In this view, it is also immaterial whether the change or modification of the constitution “is brought about by a mass movement of the people, or by a very small group of individuals.  Only one thing matters:  that the Constitution in force is either amended or completely replaced by a new Constitution in a manner other than prescribed” (Ibid.).

[186].  Velu, op. cit., p.140; Cadoux, op. cit., t.I, p.134: «On appelle pouvoir constituant originaire celui qui crée la Constitution …»; Debbasch, op. cit., p.92; Fabre, op. cit., p.149.  Olivier Duhamel, «Pouvoir constituant» in Olivier Duhamel et Yves Meny (sous la direction de -), Dictionnaire constitutionnel, Paris, P.U.F., 1992, p.777 778; Vedel, Droit constitutionnel, op. cit., p.115.

[186].  Velu, op. cit., p. 140; Cadoux, op. cit., Vol. I, p. 134: “We call that which creates the Constitution the originating constituent power”; Debbasch, op. cit., p. 92; Fabre, op. cit., p. 149.  Olivier Duhamel, “Constituent power” in Olivier Duhamel and Yves Meny (under the direction of -), Constitutional Dictionary, Paris, P.U.F., 1992, pp. 777-778; Vedel, Constitutional Law, op. cit., p. 115.

[187].  Velu, op. cit., p.140.  Fabre, op. cit., p.150:  «Il [le pouvoir constituant dérivé] correspond au pouvoir constituant qui a pour objet de réviser la constitution en vigueur».  Cadoux, op. cit., t.I p.134:  «On appelle le pouvoir constituant institué ou dérivé celui qui modifie une constitution déjà en vigueur»; Burdeau, Hamon et Troper, op. cit., 23e éd., p.53.  Koubi et Romi, op. cit., p.79:  Le pouvoir constituant dérivé est «un pouvoir destiné à s’occuper de ‘la révision de la constitution’».

[187].  Velu, op. cit., p. 140.  Fabre, op. cit., p. 150: “It [the derived constituent power] corresponds to the constituent power whose object is to revise the constitution in force”.  Cadoux, op. cit., Vol. I, p. 134:  “We call the instituted or derived constituent power that which modifies a constitution already in force”; Burdeau, Hamon and Troper, op. cit., 23rd ed., p. 53.  Koubi and Romi, op. cit., p. 79:  The derived constituent power is “a power intended to deal with ‘the revision of the constitution’”.

[188].  E. de Gerlache in E. Huytens, Discussions du Congrès national du Belgique, 1844-1845, cité par Francis Delpérée, Droit constitutionnel (Tome I:  Les données constitutionnelles), Bruxelles, Larcier, 2e édition, 1987, p.80.  C’est nous qui soulignons.

[188].  E. de Gerlache in E. Huytens, Discussions du Congrès national du Belgique, 1844-1845, quoted by Francis Delpérée, Droit constitutionnel (Volume I:  Constitutional Facts), Brussels, Larcier, 2nd edition, 1987, p. 80.  Our underlines.

[189].  Baguenard, op. cit., p.32.  C’est nous qui soulignons.

[189].  Baguenard, op. cit., p.32.  Our underlines.

[190].  Benoît Jeanneau, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Dalloz, 8e édition, 1991, p.91.

[190].  Benoît Jeanneau, Constitutional Law and Political Institutions, Paris, Dalloz, 8th edition, 1991, p. 91.

[191].  Baguenard, op. cit., p.32.

[191].  Baguenard, op. cit., p. 32.

[192].  Geneviève Koubi et Raphaël Romi, Etat, Constitution, Loi, La Garenne-Colombes, Editions de l’Espace européen, 1991, p.79:  «Le pouvoir constituant réparerait les failles d’une constitution antérieure, toujours en vigueur …».

[192].  Geneviève Koubi and Raphaël Romi, State, Constitution, Law, La Garenne-Colombes, Editions de l’Espace européenne, 1991, p. 79:  “The constituent power would repair the flaws of a previous constitution, still in force … ”.

[193].  Chantebout, op. cit., p.38-39; Turpin, Droit constitutionnel, op. cit., p.85; Jeanneau, op. cit., p.75.

[193].  Chantebout, op. cit., pp. 38-39; Turpin, Constitutional Law, op. cit., p. 85; Jeanneau, op. cit., p. 75.

[194].  Gicquel, op. cit., p.168.

[194].  Gicquel, op. cit., p. 168.

[195].  Pactet, op. cit., p.71.

[195].  Pactet, op. cit., p.71.

[196].  Bonnard, op. cit., p.49.  Voir par exemple Velu, op. cit., p.140; Prélot et Boulouis, op. cit., p.219.

[196].  Bonnard, op. cit., p. 49.  See for example Velu, op. cit., p. 140; Prélot and Boulouis, op. cit., p.219.

[197].  Pactet, op. cit., p.71; Ardant, op. cit., p.72.

[197].  Pactet, op. cit., p. 71; Ardant, op. cit., p. 72.

[198].  Cadart, op. cit., p.141; Jeanneau, op. cit., p.90; Duhamel, op. cit., p.777 778.

[198].  Cadart, op. cit., p. 141; Jeanneau, op. cit., p. 90; Duhamel, op. cit., pp. 777-778.

[199].  Lavroff, Le droit constitutionnel …, op. cit., p.99.  «Ne pas distinguer le pouvoir originaire directement exercé par le souverain des pouvoirs institués qui sont confiés à des organes créés par la constitution …» (Ibid., p.100).  En effet le président Lavroff considère le pouvoir constituant comme «l’expression directe de la souveraineté» (Ibid., p.115-116).

[199].  Lavroff, Constitutional Law …, op. cit., p. 99.  “Do not distinguish the original power directly exercised by the sovereign from the instituted powers which are entrusted to organs created by the constitution …” (Ibid., p. 100).  Indeed, President Lavroff considers constituent power as “the direct expression of sovereignty” (Ibid., pp. 115-116).

[200].  C.C., décision n° 62-20 DC du 6 novembre 1962, Loi référendaire, Rec., 1962, p.27-28.

[200].  C.C., decision no. 62-20 DC of November 6, 1962, Referendum Law, Rec., 1962, pp. 27-28.

[201].  Voir par exemple Léo Hamon, Note sous la décision du 6 novembre 1962, Recueil Dalloz, 1963, p.399; François Luchaire, Le Conseil constitutionnel, Paris, Economica, 1980, p.129.  Contra:  Burdeau, Hamon et Troper, op. cit., 23e éd., p.441; Gérard Conac, «Article 11», in Françoise Luchaire et Gérard Conac (sous la direction de), La Constitution de la République française, Paris, Economica, 2e édition, 1987, p.439.

[201].  See, for example, Léo Hamon, Note under the decision of 6 November 1962, Recueil Dalloz, 1963, p. 399; François Luchaire, The Constitutional Council, Paris, Economica, 1980, p. 129.  Contra:  Burdeau, Hamon and Troper, op. cit., 23rd ed., p. 441; Gérard Conac, “Article 11”, in Françoise Luchaire and Gérard Conac (under the direction of), The Constitution of the French Republic, Paris, Economica, 2nd edition, 1987, p. 439.

[202].  Voir supra, p.11-25.

[202].  See supra, pp. 11-25.

[203].  Burdeau, Essai d’une théorie de la révision …,op. cit., p.XIV, 79.

[203].  Burdeau, Essay on a Theory of Revision …, op. cit., pp. XIV, 79.

[204].  Ibid., p.78-79.

[204].  Ibid., pp. 78-79.

[205].  Héraud, L’ordre juridique …, op. cit., p.2.

[205].  Héraud, The legal order …, op. cit., p. 2.

[206].  C.C., décision n° 92 312 DC du 2 septembre 1992, Traité sur l’Union européenne (Maastricht II), 19e considérant, Rec., 1992, p.80.

[206].  C.C., decision no. 92 312 DC of 2 September 1992, Treaty on European Union (Maastricht II), 19th recital, Rec., 1992, p. 80.

[207].  A ce propos, voir:  Kemal Gözler, Le pouvoir de révision constitutionnelle, Thèse pour le doctorat en droit, Université Montesquieu-Bordeaux IV, 1995, p.527-546.

[207].  On this subject, see:  Kemal Gözler, The power of constitutional revision, Thesis for a doctorate in law, University Montesquieu-Bordeaux IV, 1995, pp. 527-546.

[208].  Burdeau, Essai d’une théorie de la révision&nbp;…,op. cit., p.42.

[208].  Burdeau, Essay of a Theory of Revision …, op. cit., p. 42.

[209].  En ce sens voir:  Berlia, «De la compétence des assemblées constituantes», op. cit., p.356; Burdeau, Essai d’une théorie de la révision …, op. cit., p.41-43; Vedel, Droit constitutionnel, op. cit., p.277; Jorge Miranda, Intervention à la Xe Table-ronde internationale d’Aix en Provence des 16 et 17 septembre 1994, sur «Révision de la Constitution et justice constitutionnelle», in Thierry Di Manno, Ferdinand Mélin-Soucramanien et Joseph Pini, Le compte rendu de cette Table ronde, Revue française de droit constitutionnel, n° 19, 1994, p.661.

[209].  To this effect, see:  Berlia, “On the competence of constituent assemblies”, op. cit., p. 356; Burdeau, Essay on a Theory of Revision …, op. cit., pp. 41-43; Vedel, Constitutional Law, op. cit., p. 277; Jorge Miranda, Intervention at the Xth International Round Table of Aix en Provence of September 16th and 17th, 1994, on “Revision of the Constitution and Constitutional Justice”, in Thierry Di Manno, Ferdinand Mélin-Soucramanien and Joseph Pini, The report of this Round Table, French Review of Constitutional Law, no. 19, 1994, p. 661.

[210].  Supra, p.23-25.

[210].  Supra, p. 23-25.

[211].  Burdeau, Traité …,op. cit., t.IV, p.219.

[211].  Burdeau, Treatise …, op. cit., Vol. IV, p. 219.

[212].  Burdeau, Essai d’une théorie de la révision …, op. cit., p.41.

[212].  Burdeau, Essay on a Theory of Revision …, op. cit., p. 41.

[213].  En ce sens voir:  Burdeau, Traité …, op. cit., t.IV, p.219.

[213].  To this effect, see:  Burdeau, Treatise …, op. cit., Vol. IV, p. 219.

[214].  Burdeau, Essai d’une théorie de la révision …, op. cit., p.40-41; Id., Traité …, op. cit., t.IV, p.219; Bonnard, op. cit., p.49.

[214].  Burdeau, Essay on a theory of revision …, op. cit., pp. 40-41; Id., Treatise …, op. cit., Vol. IV, p. 219; Bonnard, op. cit., p. 49.


— End of Draft-Chapter Two —

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